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Santé

Cancers ORL:  une modification génétique à l'origine de certains cas

Les cancers de la gorge, aussi appelés cancers de l’oropharynx ou cancers ORL, sont des cancers souvent très dévastateurs.

Les cancers de la gorge, aussi appelés cancers de l’oropharynx ou cancers ORL, sont des cancers souvent très dévastateurs. - iStock - MilosStankovic

Une équipe de chercheurs canadiens a découvert qu’une modification épigénétique pourrait être à l’origine de 15% des cancers de la gorge liés à l’alcool et au tabac. Les chercheurs estiment que leur étude ouvre la voie au développement de traitements plus ciblés et donc plus efficaces pour les patients concernés.

Aussi appelés cancers des voies aérodigestives supérieures, les cancers ORL regroupent des cancers de la gorge (larynx, pharynx) et de la bouche. Selon l'Institut Curie, il s'agit de la 4e cause de cancer en France, derrière les cancers du sein chez la femme et de la prostate chez l’homme, suivis des cancers du côlon-rectum et du poumon.

Le nombre de nouveaux cas par an est d’environ 14.000. Ils sont le plus souvent liés à une consommation excessive de tabac et/ou d’alcool et depuis quelques années, les preuves s’accumulent sur le rôle du papillomavirus (HPV), un virus, sexuellement transmissible déjà connu pour son rôle dans le développement du cancer du col de l’utérus.

Mais des chercheurs de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) ont découvert un nouveau facteur de risque, ce qui pourrait améliorer la prise en charge de certains patients atteints d’un cancer de la gorge lié à l’alcool et au tabac. Dans leur étude, ils expliquent qu'une modification épigénétique pourrait être à l'origine de 15% des cas de cette pathologie.

Une première dans le domaine de l’épigénétique, c’est-à-dire ce qui orchestre l’activité des gènes dans chaque cellule, les organise et leur donne du sens, qui ouvre la voie au développement de nouveaux traitements ciblés et plus efficaces qui pourraient être disponibles d’ici quelques années.

Trouver la bonne molécule

Les cancers de la gorge sont traités par chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie. Mais les effets secondaires de ces traitements sont importants et les rechutes fréquentes, c’est pourquoi les oncologues cherchent à développer des traitements plus efficaces, moins nocifs.

"Cette découverte est totalement inattendue. Nous avions découvert antérieurement que ce type d’altérations de l’épigénome dans d’autres types de tumeurs chez l’enfant et les jeunes adultes, mais il semblait très peu probable qu’il puisse aussi cibler une tumeur épithéliale comme le cancer de la gorge qui atteint exclusivement l’adulte", explique le Dr Nada Jabado, un des auteurs principaux de l’étude.

La perspective la plus viable de traitement est celle de molécules prometteuses déjà sur le marché pour d’autres maladies et qui pourraient être testées dans ces cancers ORL ou dans certains cas de cancer pédiatrique.

"Maintenant que nous avons identifié ce groupe de patients, tout peut aller assez rapidement, car chez les adultes, contrairement aux enfants, il y a plus de patients et beaucoup d’essais cliniques. Les médicaments pourront être testés chez les enfants par la suite.", ajoute le Dr Jabado.

Une prise en charge améliorée pour un patient sur cinq

Pour en venir à cette découverte, les chercheurs se sont basés sur une première recherche réalisée dans ce domaine, une publication de 2015 du Tumor Cancer Genome Atlas Consortium (TCGA). La publication en question évoquait un lien entre certains cancers ORL et un des gènes qui régule l’histone 3. Les histones sont des protéines qui permettent de compacter l'ADN et qui régulent l’expression des gènes.

"Nous avons repris ces mêmes données, mais avec des approches complètement différentes. Nous avons ainsi découvert que la protéine de l’histone 3 était anormale ou incorrectement modifiée chez environ 15% des patients atteints d’un cancer ORL. Les données étaient là, mais c’était passé complètement inaperçu.", explique le Dr Jacek Majewski, l'un des auteurs principaux de l’étude.

Les chercheurs souhaitent maintenant avoir accès à des données publiques pour avancer plus vite et plus loin dans leurs analyses. Leur découverte a déjà permis de révéler un sous-groupe de patients qui pourraient bénéficier d'une thérapie qui cible l'épigénome, à condition d'élaborer cette dernière.

"Cela améliorera la prise en charge de plus d’un patient sur cinq avec un cancer ORL dévastateur", conclut le Dre Jabado. L'équipe scientifique collabore désormais avec deux gros groupes spécialisés dans les cancers ORL dans le but de trouver des traitements. 

Alexandra Bresson