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Santé

Blocage des dépassements d’honoraires : les réactions

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Mercredi, Najat Vallaud-Belkacem annonçait vouloir encadrer les dépassements d’honoraires des médecins. Une bonne nouvelle pour les patients, mais les professionnels dénoncent « la faillite assurée de la plupart des cabinets de médecine spécialisée ».

Le débat a été lancé mercredi par Najat Vallaud-Belkacem, la porte-parole du gouvernement : Jean-Marc Ayrault veut mettre fin aux dépassements abusifs d’honoraires des professionnels de santé d’ici la fin de l’année. Des négociations entre l'assurance maladie, les syndicats de médecins et les complémentaires sont prévues à partir du 25 juillet. Objectif : encadrer cette pratique, légale pour les praticiens du secteur 2 depuis 1982. La ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, avait indiqué dimanche que le gouvernement envisageait un plafonnement autoritaire si les négociations n'aboutissaient pas.
Un quart des médecins pratiqueraient des dépassements d’honoraires pour un montant total de 2,5 milliards d’euros l'an dernier. Le record revient aux chirurgiens libéraux, aux gynécologues obstétriciens et aux anesthésistes.

« Un cabinet médical, c’est comme une petite entreprise »

Le Dr Jacques Caton est président d’honneur du syndicat des chirurgiens orthopédistes. Pour lui, l’équation est simple : plafonnement = faillite.
« Je n’ose imaginer que l’on encadre les honoraires à un taux trop bas, car c’est la faillite assurée de la plupart des cabinets de médecine spécialisée, notamment de chirurgie. Un cabinet médical, comme n’importe quelle petite entreprise qui emploie du personnel, doit faire face à ses dépenses, et en plus bien évidemment doit assurer la sécurité et la qualité des soins pour ses patients. Si les actes avaient été revalorisés depuis 30 ans, nous ne serions pas dans cette situation aujourd’hui. »
Même point de vue pour Jean-Michel Dreyfus. Chez ce gynécologue obstétricien à Lyon, une consultation coute 65 euros, soit 3 fois le tarif de l’Assurance Maladie : « Les médecins libéraux ont à leur charge leur protection sociale, leur retraite, les assurances professionnelles, la location ou l’achat d’un local, le personnel, vous comprendrez que les dépassements d’honoraires ne soient pas un luxe, mais une nécessité. »

« Je m’attendais à payer 40 euros, j’en ai eu pour 80 »

Côté usager, évidemment, l’idée d’un plafonnement est moins taboue, même si certains patients prennent la défense de leur médecin, comme Audrey, 28 ans, l’une des patientes du docteur Jean-Michel Dreyfus : « Il a un équipement, il peut faire des échographies, et ce ne sont pas des médecins qu’on va voir souvent, mais une fois ou deux par an. Donc même avec le dépassement d’honoraire, ça ne change pas vraiment le budget santé à la fin de l’année. »
Pour Estelle, en revanche, le plafonnement est inévitable, surtout depuis sa mauvaise surprise : « Mon médecin généraliste m’avait envoyé consulter un ostéopathe en me disant que c’est un médecin avec « l’option » ostéopathie. Je m’attendais à payer autour de 40 euros, ce qui était possible par rapport aux 23 euros d’une consultation classique. Il s’est avéré que j’en ai payé 80, la surprise a été un peu glaciale. Donc oui, c’est clair qu’aujourd’hui, il va falloir plafonner, car ça, c’est une sortie d’argent pas prévue et quand même assez conséquente. Payer plus cher pour avoir des compétences meilleures, est-ce que c’est vraiment un critère de qualité ? Je ne suis pas sûre que ce soit justifié. »

« Cette pratique conduit à un renoncement aux soins »

Un avis partagé par Bernadette Devictor, présidente du CISS Rhône-Alpes, une fédération d’associations d’usagers de la santé : « Il faut mettre un terme à cette pratique car elle conduit à des renoncements aux soins. Il y a beaucoup de médecins qui se permettent de pratiquer des tarifs absolument excessifs sans qu’ils soient réellement sanctionnés, donc il est temps de réagir. »
En revanche, elle dit aussi en craindre les effets pervers : « Le risque, en fixant des plafonds, c’est que tout le monde pense avoir le droit de pratiquer le plafond. Il faut s’assurer que ce ne soit pas un effet qui tire vers l’excès. »

La Rédaction, avec Amélie Rosique