BFMTV
Santé

Bébés morts à Chambéry: le point sur l'enquête

La ministre de la Santé Marisol Touraine (d.), en visite au CHU de Chambéry dimanche 5 janvier.

La ministre de la Santé Marisol Touraine (d.), en visite au CHU de Chambéry dimanche 5 janvier. - -

Un quatrième bébé est mort en mars 2013 à la maternité de Chambéry. Les enquêteurs cherchent à établir un lien avec trois autres nourrissons décédés en décembre d'une possible contamination de leur poche de nutrition.

Quatre bébés morts soudainement en l'espace de quatre mois dans un même établissement, le service de réanimation néonatale de Chambéry. Un point commun: les poches alimentaires avec lesquelles ils avaient été nourris juste avant leur décès. Peut-on, à ce stade de l'enquête, joindre le quatrième cas aux trois précédents? Doit-on craindre la découverte d'autres cas? Qui est responsable? BFMTV.com fait le point sur l'enquête.

> Que sait-on de la mort des trois premiers bébés?

Une série de morts brutales. En l'espace de trois jours, les 6, 7 et 12 décembre, trois nourrissons placés dans l'unité de réanimation néonatale de l'hôpital de Chambéry meurent subitement "à la suite d'une dégradation brutale de leur état général", selon un communiqué du centre hospitalier.

Des poches fabriquées par un même labo. Peu avant leur mort, Chloé, Théo et Milie avaient été nourris avec des poches alimentaires produites par le même laboratoire et provenant d'un même lot. Des poches destinées aux bébés prématurés de trop faibles poids ou malades à la naissance.

Une bactérie inconnue. Or, après analyse, il est apparu que plusieurs poches de ce lot, fabriquées le 28 novembre par le laboratoire Marette, étaient contaminées par une bactérie inconnue à ce jour. "Il s'agit d'une nouvelle bactérie, de la grande famille des entérobactéries, d'origine environnementale (on peut les trouver dans le sol, l'air ou l'eau)", a expliqué le professeur Jean-Claude Manuguerra, de l'institut Paster, qui a procédé à son identification sur les souches provenant de Chambéry.

> Le quatrième cas est-il similaire?

Ce mercredi, la ministre de la Santé Marisol Touraine a communiqué sur l'existence d'un quatrième cas suspect, qui a été joint au dossier. Mais pas question, pour l'heure, de conclure que "les causes de la mort sont identiques", a déclaré la ministre sur BFMTV.

Des circonstances similaires. Matheo est mort dans des circonstances similaires aux trois autres enfants, peu après son admission au centre de réanimation néonatale de Chambéry. Le procureur de la République de Marseille, Brice Robin, a pointé une "ressemblance des symptômes et la rapidité avec laquelle le bébé est décédé". Comme les autres enfants, il a été nourri avec une poche du même type que celles mises en cause pour les trois autres nourrissons.

La famille du petit garçon s'est d'ailleurs manifestée auprès de l'hôpital et de la juge en charge de l'enquête après avoir eu connaissance "dans les médias" du cas des trois autres nourrissons, ont indiqué mercredi les parents de Théo, l'un d'eux.

Un lot différent. Mais le cas de Matheo est bien antérieur. Le petit garçon est décédé en mars 2013, soit neuf mois avant les autres bébés. Les poches qui ont servi à l'alimenter ne pouvait pas provenir, en conséquence, du "lot de poches incriminées" dans les trois autres cas.

> Peut-on déjà établir des responsabilités?

Une plainte contre l'hôpital. Les parents d'un des trois nourrissons morts en décembre ont porté plainte contre l'hôpital le 23 décembre. Le parquet a ouvert une enquête dans la foulée. Depuis, deux autres familles ont déposé plainte. Mais la vice-procureur de Chambéry, Fabienne Moulinier, précisait fin décembre que la justice n'était "pas certaine à ce jour que la responsabilité de l'hôpital soit établie".

Qui est responsable? Pour établir des responsabilités, les enquêteurs doivent en effet "remonter toute la chaîne de production" des poches incriminées et "faire des analyses" afin d'établir si les poches ont été contaminées au sein du laboratoire Marette lors de leur fabrication ou plus tard, à l'hôpital. Cette enquête, "très technique", va "demander du temps", a précisé la magistrate.

Le 7 janvier, les autorités sanitaires ont annoncé la suspension de la production du laboratoire, dont le siège se situe dans le Calvados. Mais la ministre de la Santé Marisol Touraine avait peu de temps avant indiqué qu'elle ne "voulait pas mettre en cause" Marette à ce stade de l'enquête.

De son côté, l'hôpital se défend de tout manquement à l'hygiène du service. Il a lui-même porté plainte contre X. L'unité a été fermée pendant une semaine, du 12 au 20 décembre, pour désinfection. "Il est apparu que ce n'était pas par contamination interne à l'hôpital que ces bébés étaient décédés", a déclaré le directeur du centre hospitalier de Chambéry, Guy-Pierre Martin. Les résultats d'une inspection entreprise dans le service sont attendus la semaine prochaine.

La juge d'instruction de Marseille en charge de l'enquête, Annaïck Le Goff, a pour l'heure ouvert une information judiciaire contre X pour "homicide et blessure involontaire, mise en danger délibérée de la vie d'autrui et fabrication de médicaments sans respoecter les bonnes pratiques".

> D'autres cas ailleurs en France?

Tant que l'on ne sait pas à quel stade de la production les poches ont été contaminées, il n'est donc pas exclu que d'autres cas soient découverts ailleurs en France. L'enquête, qui concerne aussi bien la production que l'administration, devrait donc être élargie à tout le territoire, indique ce mercredi le Dauphiné libéré.

La ministre de la Santé Marisol Touraine a ainsi appelé les seize établissements approvisionnés par le laboratoire Marette à signaler au niveau national tout décès ou incident ou décès de nourrisson. Elle a précisé que le gouvernement disposerait "de l'ensemble des informations nécessaires la semaine prochaine".

Les parents des nourrissons morts en décembre ont également appelé mercredi "tous les parents dans le doute quant au décès brutal de leurs bébés à se signaler".

M. T.