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Avortement: comment les "anti-IVG" ont investi la toile

Le site IVG.net est le mieux référencé sur les moteurs de recherche

Le site IVG.net est le mieux référencé sur les moteurs de recherche - -

Le gouvernement lance samedi un site pour contrer "la prolifération d’informations souvent trompeuses et culpabilisantes" au sujet de l’IVG.

En lançant samedi le site www.ivg.gouv.fr, le gouvernement essaie de reprendre la main dans la guerre que mènent les anti-IVG sur la toile. Les opposants à l’avortement ont compris depuis longtemps l’importance de cet outil.

En effet, plus du tiers des Françaises utilisent Internet pour se renseigner sur les questions de santé. Et 80 % des jeunes qui ont eu recours au web pour des questions de santé jugent les informations recueillies le plus souvent crédibles.

Des sites anti-IVG se font passer pour neutres

Que l’on recherche dans Google "IVG", "interruption grossesse", "forums avortement" ou "forum IVG", à chaque fois le même site revient en tête: ivg.net, que ce soit sous forme d’annonce Google ou en tête des résultats. Si ce n’est lui, c’est son cousin avortement.net qui émane de la même association "SOS détresse".

Le but "c'est d'informer les femmes, qui ne savent pas bien comment l'IVG va se passer", assurait à l’AFP en janvier Marie Philippe, responsable de ces deux sites. Mais la plupart des témoignages rapportés sont négatifs, y compris ceux de la rubrique "J’ai bien vécu l’IVG". On peut ainsi y lire une certaine Mélissa expliquer: "J'ai culpabilisé un bon moment, j'ai déprimé et j'ai eu des idées morbides".

Il y a aussi le témoignage de Jeanne: "Même si tout semble correct au niveau gynéco, je ne ressens plus de désir... ma libido ne fonctionne plus". Ou encore dans le long témoignage de Laetitia, des phrases de détresse ont été soulignées en gras comme: "Je me sens mal d'avoir tué mon tout premier bébé".

Les sites "EcouteIVG.org" ou "SOSbébé" ont eux aussi une apparente neutralité. Le premier explique que le réseau "Ecoute IVG" est une "association nationale d'écoute, d'aide, d'informations et de soutien pour toute femme et tout homme touché par l'avortement". Mais ces deux sites sont proches d'Alliance Vita, une association "pro-vie".

Wikipedia, Doctissimo et la désinformation

Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes avait remis un rapport en septembre pointant la visibilité de ces sites Internet anti-IVG mais aussi, plus généralement, la mobilisation militante en ligne. Il dénonce ainsi la définition de l’avortement sur Wikipedia, qui est la première réponse sur Google à la requête "avortement".

L’avortement y était encore défini lors de l'écriture de cet article comme "l'interruption avant son terme du processus de gestation, c'est-à-dire du développement qui commence à la conception par la fécondation d'un ovule par un spermatozoïde formant ainsi un œuf, qui se poursuit par la croissance de l'embryon, puis du fœtus, et qui s'achève normalement à terme par la naissance d'un nouvel individu de l'espèce". "Cette vision culpabilisante de l’avortement attaque la légitimité qu’a toute femme", dénonce le rapport.

Le rapport s’inquiète aussi du risque de désinformation sur Doctissimo.fr, là aussi en tête des résultats des moteurs de recherche. "La tendance principale qui ressort est la peur de l'IVG. Doctissimo est donc un moyen facile pour les anti-choix d'atteindre les femmes", explique-t-il.

La riposte du gouvernement

Ce rapport recommandait ainsi de "créer un site internet institutionnel dédié à l’avortement à destination des femmes et des professionnels", ce que le gouvernement fait en lançant le site www.ivg.gouv.fr.

Véronique Séhier, co-présidente du Planning familial, a participé à la rédaction de ce rapport. Elle explique à BFMTV.com que les femmes qui arrivent au Planning ont souvent pour premier réflexe de s’informer sur Internet. Et elles ont souvent surfé sur ces sites où les "traumatismes de l’IVG et les conséquences négatives sont mises en avant". Il importe pour elle d'en "parler autrement" et de faire remonter "une information positive".

Interrogé par BFMTV.com, le ministère de la Santé n’a pas prévu pour l’instant d’acheter des mots-clefs sur les moteurs de recherche, une arme pourtant utilisée par les anti-avortement pour être aussi bien référencés.

Le lancement de ce site avait déjà été évoqué en janvier dernier par la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Elle envisageait aussi d'accompagner la riposte face aux numéros verts des anti-IVG par un numéro de téléphone unique, qui n'a pas encore vu le jour. 

Karine Lambin