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"Aucune solution": une femme atteinte de migraine chronique se suicide, faute de moyens pour se soulager

Une jeune femme de 26 ans s'est suicidée en 2021, dans l'impasse face à un traitement trop coûteux pour les migraines chroniques dont elle souffrait depuis son enfance.

Marine, une jeune femme âgée de 26 ans, a mis fin à ses jours en novembre 2021, épuisée par des migraines chroniques et un parcours de soins tourmenté, rapporte Le Parisien.

Ses migraines ont commencé lorsqu'elle avait 8 ans et étaient liées à son adénomyose, une forme d'endométriose. Son mari Nicolas témoigne auprès du Parisien de "l’impact au quotidien des migraines, de leur côté invalidant". "Il fallait tout anticiper. Par exemple, il arrivait régulièrement que nous annulions notre venue chez nos proches quelques heures auparavant, soit parce qu’elle avait souffert la veille d’une grosse migraine, et devait se reposer, soit parce qu’elle en avait une nouvelle", explique-t-il.

Selon l'institut de recherche médicale Inserm, la migraine touche environ 15% de la population mondiale, avec une prédominance féminine. "On estime que 1 à 2% de la population générale présente des migraines survenant plus de 15 jours par mois depuis au moins trois mois", soit de migraine chronique, précise l'Inserm sur son site.

Un essai clinique pendant un an

Prise en charge par la professeure Anne Ducros, neurologue au CHU de Montpellier, Marine intègre en 2020 un essai clinique pour un traitement qui divise son nombre de migraines "par deux, voire trois", selon Nicolas.

"Pendant un an, elle a pu revivre normalement. Nous avons pu ressortir, elle a repris son travail. Elle était plus épanouie, j’ai retrouvé ma femme. Ce n’était pas la même personne", affirme son mari.

Puis l'essai clinique s'est arrêté et Marine s'est retrouvée sans "aucune solution", selon la présidente de l'association La Voix des migraineux, Sabine Debremaeker, qui a aussi recueilli le témoignage de Nicolas. "Ça a été la descente aux enfers", relate-t-elle à BFMTV. "Le médicament était disponible dans les pays limitrophes au prix de 500 euros", souligne Sabine Debremaeker. Un coût trop élevé pour Marine, qui fait une demande d'aide financière auprès de l'Assurance maladie, qui est refusée en octobre 2021.

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Interrogé au Sénat en octobre 2022 sur le non-remboursement de traitements contre la migraine, dont celui testé par Marine, le ministère de la Santé répondait que les discussions avec les laboratoires exploitant ces traitements n'avaient pu aboutir "du fait des prétentions tarifaires extrêmement élevées des industriels, au regard des dépenses actuellement engagées pour le traitement médicamenteux de la migraine".

Un "parcours du combattant"

La jeune femme s'est suicidée deux semaines après la réponse de l'Assurance maladie. "C’était un vendredi, elle a travaillé normalement le matin… Nous devions aller voir nos proches le soir. La veille, elle me disait que c’était compliqué financièrement. Ça allait l’être dans le futur, car nous puisions dans nos économies, mais dans l’immédiat, ça allait", se souvient Nicolas auprès du Parisien.

"Je peux comprendre son geste, mais beaucoup de questions demeurent. Nous n’avons pas eu de lettre, rien", ajoute-t-il.

La neurologue qui a suivi Marine, le professeur Anne Ducros, dit "comprendre" son geste. "Je vois des dizaines de personnes qui, malheureusement, ont la même chose et qui me disent: 'des fois, je préférerais être morte'", affirme-t-elle à BFMTV: "ça me rend folle". Selon un sondage mené par La Voix des migraineux en 2022, 36,2% des patients souffrant de migraines qualifient leur parcours de soins de "parcours du combattant" et 21,1% de "quête du Graal".

Blandine D'Alena, Clément Mouffetard avec Sophie Cazaux