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Santé

"Attendre n’a pas de sens": l'incompréhension des scientifiques après les annonces de Castex

Le Premier ministre Jean Castex, au Havre le 22 janvier 2021

Le Premier ministre Jean Castex, au Havre le 22 janvier 2021 - Sameer Al-Doumy - AFP

Au lendemain de l'annonce de Jean Castex de placer 20 départements en "surveillance renforcée", médecins et scientifiques estiment que le gouvernement va dans la mauvaise direction.

Jean Castex n'a annoncé aucun confinement national jeudi soir, se contentant de décréter le placement en "surveillance renforcée" de 20 départements. Ces territoires pourront faire l'objet de mesures de confinements locaux à partir du 6 mars si la situation continue à se dégrader. La stratégie du gouvernement est donc d’attendre a minima la fin des vacances scolaires avant d'acter de nouvelles restrictions. Au lendemain de la conférence de presse, cette stratégie est loin de faire l'unanimité chez les spécialistes.

Un confinement le week-end, "la pire des punitions"

"Le fait d’attendre n’a pas de sens", soupire à notre antenne le professeur Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer. Ce dernier juge que le confinement le week-end décidé dans les Alpes-Maritimes et dans le Nord est "la pire des punitions", "la plus pénalisante pour les femmes et les hommes", mais surtout, il doute que cela "soit suffisant" pour faire baisser la circulation du Covid-19 dans la population.

Le scientifique regrette que le gouvernement n’ait pas terminé "le boulot" entamé à l’automne, lors du confinement suspendu pour les fêtes.

"Le 8 décembre, il est tout à fait normal que l'on ait déconfiné, alors même qu’on était à 10.000 contaminations par jour. Il fallait bien laisser aux activités de Noël, à l’économie, aux fêtes religieuses et familiales, la possibilité de se déployer", juge-t-il. "Je pensais que les fêtes de Noël et du Nouvel an passées, vers le 8 janvier, on allait finir le boulot. On aurait fini le boulot, en abaissant la circulation virale, on ne serait pas dans cette situation."

"Tout jour perdu est un jour qui compte double"

Un avis largement partagé par son confrère, le professeur Philippe Juvin, chef des urgences de l'hôpital Georges-Pompidou. "Quand l'épidémie monte, tout jour perdu est un jour qui compte double", a-t-il insisté ce vendredi matin sur notre antenne. Il s’étonne de la stratégie du gouvernement face au Covid-19, alors que les chiffres de contaminations repartent à la hausse en France. Il en veut pour preuve des travaux publiés à la suite du premier confinement au printemps dernier:

"Le 15 mars, vous vous souvenez on a confiné (...) si on avait confiné sept jours avant, on aurait eu 13.000 morts en moins, mais si on avait confiné sept jours après, on n'aurait pas eu 13.000 morts de plus, mais 53.000 morts en plus", dénombre-t-il.

Des chiffres qui font dire à celui qui est également maire de la Garenne-Colombes (LR) que la stratégie mise en œuvre par le gouvernement, pour qui "chaque jour sans confiner est un jour gagné", n'est pas du tout la bonne. Il redoute ainsi un reconfinement qu'il juge inévitable, et qui risque d'être plus long que s'il avait été décrété par avance.

L'acceptabilité d'un nouveau confinement en jeu

"On a l’impression que c’est reculer pour mieux sauter", abonde à l’antenne de RTL l’épidémiologiste Karine Lacombe, insistant sur une réalité: "Les chiffres vont dans le sens de l’augmentation croissante."

Mais la spécialiste reconnaît aussi que les décisions du gouvernement ne reposent pas seulement sur des critères sanitaires. L'exécutif doit prendre en compte la lassitude de la population, ainsi que le soutien à l’activité économique.

"Loin de moi de juger la décision qui est prise, elle ne se base pas uniquement sur des faits sanitaires, mais également les contraintes économiques et sociales. On voit bien que des mesures aussi drastiques qu’un confinement pourraient ne pas être bien acceptées par la population", reconnaît-elle.
Esther Paolini Journaliste BFMTV