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Santé

Alzheimer : « seul 1 malade sur 3 est traité »

860 000 personnes sont touchés chaque année par la maladie d'Alzheimer

860 000 personnes sont touchés chaque année par la maladie d'Alzheimer - -

Dans le cadre de la Journée Mondiale d’Alzheimer, entretien exclusif avec deux médecins travaillant au quotidien sur la maladie. Le professeur Florence Pasquier, est responsable du CMRR (Centre Mémoire de Ressources et de Recherche) du CHU de Lille. Le docteur Pierre-Jean Ousset est quant à lui, chargé des consultations au CMRR du CHU de Toulouse. Explications sur les symptômes, le dépistage et l’état de la Recherche.

RMC.fr : Quels sont les premiers symptômes ? Y a-t-il des signes avant-coureurs de la maladie d’Alzheimer ?

Pierre-Jean Ousset : Les signes avant coureurs et les premiers symptômes, ce sont les troubles de la mémoire. La maladie d’Alzheimer est un dysfonctionnement progressif de certaines régions du cerveau avec une perte de fonctionnement des cellules, suivie de la mort de ces cellules. Une perte donc des cellules du cerveau. En premier lieu, les régions du cerveau qui concerne la mémoire sont touchées. Progressivement d’autres zones du cerveau sont atteintes. Florence Pasquier : Il y a 2 observations faites dans le cerveau. Une dégénérescence de la cellule cérébrale, du neurone, qui fait que la cellule n’est plus fonctionnelle. L’autre chose que l’on a pu examiner, c’est le dépôt d’une substance anormale que l’on appelle la substance amyloïde (faite d’une protéine Abeta). Cette protéine neurotoxique se colle dans les cellules. On essaye de comprendre ce qui relie à la fois le dépôt anormal de cette substance avec la mort cellulaire qui est responsable des symptômes.

RMC.fr : Y’a-t-il une population à risque ?

P.J.O : La population âgée est la principale touchée, souvent autour de 70-75 ans. Avant 65 ans, le risque est relativement faible. Il s’accroit cependant par le terrain génétique. Des antécédents dans la famille peuvent déboucher sur une maladie du même type. Il y a une hérédité, très rare, pour les formes précoces, sinon c’est sur le terrain génétique que cela se passe. Si dans votre famille il y a eu des maladies d’Alzheimer, vous avez plus de risques d’en développer une, mais pas de façon obligatoire.

RMC.fr : Le nombre de malades est il en augmentation ?

P.J.O : Il y a entre 150 000 et 250 000 cas en plus par an. En France métropolitaine, il y a entre 600 000 et 800 000 patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Ce sont des chiffres en constante augmentation, dus principalement du vieillissement de la population. C’est une équation toute simple. Le nombre de personnes âgées est en explosion. Tant mieux d’ailleurs car ça prouve qu’on a combattu d’autres causes de mortalité. Mais le corolaire négatif c’est l’association de maladies dues au vieillissement apparaît de plus en plus.

F.P. : Ces chiffres sont, hélas, des extrapolations. Beaucoup de ces malades ne viennent pas consultés, ils n’ont pas accès aux soins, donc on les ignore. 1 patient sur 3 est traité.

RMC.fr : Comment se déroule le dépistage de la maladie ?

P.J.O : Actuellement, le meilleur dépistage se fait par les tests de mémoire. La mémoire touchée est souvent la mémoire fraîche. Des tests neuropsychologiques qui, évaluent la mémoire. C’est le meilleur dépistage pour l’instant. Il y a d’autres méthodes de dépistage l’imagerie cérébrale, IRM et scanner cérébraux, ou encore la diminution de volume de certaines régions du cerveau notamment des régions qui sont impliquées dans la mémoire. La recherche actuelle va dans le sens de la recherche de marqueurs sanguins dans le liquide céphalorachidien que l’on recueille par ponction lombaire.

RMC.fr : La maladie d’Alzheimer touche-t elle, à un moment, à l’intégrité physique ?

P.J.O : Pendant les premiers stades, la maladie touche exclusivement les fonctions supérieures, la mémoire, le raisonnement, le langage. Mais avec l’avancée de la maladie, on a des complications, qui sont motrices et nutritionnelles. Ce qui fait que le patient va aussi perdre ses capacités physiques : marche, alimentation, incontinence…pour les stades sévères. Cela apparaît une dizaine d’années après le début des troubles.

RMC.fr : Quelles la durée de vie des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ?

P.J.O : Entre 10 et 15 ans. Avec des extrêmes. Il y a plusieurs formes en termes d’évolutivité de la maladie. Certaines évoluent plus vite que d’autres. Certains patients peuvent vivre pendant 20 ans voire plus. Et d’autres, qui ont des formes très agressives de la maladie, perdent toutes leurs capacités cérébrales et physiques en 2/3 ans.

RMC.fr : Quels sont les traitements, les médicaments qui soulagent et/ou ralentissent la maladie ?

P.J.O : Ils ne font que retarder l’apparition des signes d’aggravation de la maladie. Ils consistent essentiellement en la prise de molécules qui ne sont plus fabriqué par les cellules qui sont mortes. On fournit aux patients des substances qui ne sont plus fabriquées normalement par le cerveau. On ne traite pas vraiment la maladie mais on ne fait qu’en compenser les conséquences et ceci va retarder l’apparition des symptômes chez les patients qui sont traités. Mais la maladie continue en général à évoluer et on n’agit pas sur le cours de la maladie. L’espoir actuel c’est de trouver des médicaments qui vont pouvoir agir sur le processus lui-même, c'est-à-dire retarder la maladie, non pas en compensant les symptômes, mais en agissant sur le processus de dégénérescence des cellules.

FP : Pour les molécules qui marquent la substance amyloïde, c’est encore du domaine de la recherche. Ce n’est pas généralisé et cela prendra plusieurs années. Il y a encore un risque d’erreurs important. Elle ne permet pas de faire un diagnostic avec certitude.

Stanislas Bertin