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Santé

Alzheimer : le Pr Dubois répond à vos questions

Le Professeur Bruno Dubois, invité de Bourdin Direct ce mardi.

Le Professeur Bruno Dubois, invité de Bourdin Direct ce mardi. - -

Le Professeur Bruno Dubois, chef du service de neurologie de la Pitié Salpêtrière (Paris), directeur de l’Institut de la Mémoire et de la maladie d’Alzheimer, était l'invité de Bourdin Direct ce mardi à l’occasion de la Journée mondiale contre cette maladie.

Le Pr Dubois explique la maladie, répond à vos questions, et vous apporte son expertise.

Qu’est-ce que la maladie d’Alzheimer ?
« Ce que l’on sait, c’est qu’il y au cours de la maladie la production d’une protéine anormale. Comme cette protéine ne peut pas être dégradée par l’organisme, elle s’accumule, elle s’agrège, elle fait des plaques. Ce sont ces plaques que l’on considère comme étant neurotoxiques. Elles entraînent la dégénérescence des neurones. »

Le dépistage précoce est-il essentiel ?
« Comme il n’y a pas de traitement réellement efficace pour l’instant, on ne peut pas se situer dans une stratégie de dépistage. En revanche, nous considérons qu’il est important de faire un diagnostic précoce, chez les gens qui ont déjà la maladie. C’est important de les repérer le plus tôt possible. Depuis que l’on est dans cette stratégie, on évite la survenue de ces grands drames, de ces complications, qui viennent immanquablement émailler l’évolution de la maladie. »

Certains ont des inquiétudes très tôt. On oublie où l’on a mis ses clefs ou sa voiture dans un parking. Tout de suite, on pense à la Alzheimer…
« Justement ce n’est pas la Alzheimer. Probablement pas. C’est très important de faire la part des choses entre 2 situations complètement différentes. La plainte, que l’on a tous, est tout simplement le résultat de nos cerveaux fatigués. On est tellement sollicités par les médias… On est bombardé d’informations. On est très stressé sur le plan professionnel. Comment voulez-vous que notre cerveau arrive à se rappeler de tout et notamment de choses sans importance ? Donc on fait le tri entre les informations importantes et les informations secondaires. Là, vous faites référence à ce que l’on appelle la plainte attentionnelle, c’est-à-dire un trouble de l’attention, qui fait que l’on ne peut pas être attentif à tout. J’avais même fait, avec mon équipe, des recherches qui avaient montré que plus les gens se plaignaient, moins ils avaient de déficit dans nos tests. Cela m’avait même poussé à dire que plus on se plaint de sa mémoire, moins on a de risque d’avoir la maladie. C’est un peu exagéré mais en gros, le fait de se plaindre n’est pas quelque chose d’inquiétant. »

Quels sont les premiers symptômes ?
« Les symptômes, c’est autre chose. Cela concerne des gens qui ont des déficits objectifs de leur mémoire. Par exemple, des gens qui ne se rappellent pas d’un événement important qui a eu lieu dans les jours qui précèdent. Exemple : je suis allé à l’enterrement d’un ami cher et 3 jours après, je me demande comment il va. C’est que je n’ai pas intégré quelque chose de fondamental. C’est parce que la maladie d’Alzheimer touche une région du cerveau qui s’appelle l’hippocampe. L’hippocampe, c’est le péage de l’autoroute des souvenirs. Quand l’hippocampe est détruit par la maladie, vous ne pouvez plus transformer une information que vous vivez, en souvenir. Donc le 1er signe, c’est l’oubli des faits récents. Ensuite, il y a une diffusion des lésions vers des régions du cerveau qui contrôlent le langage. Il va y avoir des troubles de compréhension. Cela va toucher les régions du cerveau qui sont impliquées dans la reconnaissance des visages, dans l’identification des objets, et aussi dans la réalisation de certains gestes. Petit à petit, il y a une extension des lésions qui va s’accompagner d’une extension des troubles. »

Où en est la recherche au niveau des traitements ? On parle d’un vaccin en cours d’expérimentation…
« Aujourd’hui, on cherche à empêcher la formation de la protéine dont nous parlions. On cherche à dégrader les plaques observées. C’est l’intérêt du vaccin. C’est bête comme chou. Le cerveau ne sait pas dégrader cette protéine. L’idée c’est de l’injecter dans un muscle pour que vous synthétisiez des anticorps. Ceux-ci vont passer dans le cerveau et vont venir dégrader la protéine. C’est tout bête et ça marche, sur les animaux en tout cas. Ça marche sur le plan biologique. On a la preuve que cette approche diminue la charge des lésions de la maladie d’Alzheimer. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de traduction clinique, il n’y a pas encore d’amélioration des symptômes. Il y a plusieurs hypothèses qui expliquent cela. La première, c’est peut-être que cette piste n’est pas la bonne. La deuxième hypothèse, c’est que les délais d’observation ne sont pas assez longs. La troisième hypothèse, qui est peut-être la plus intéressante, c’est que les patients sont trop avancés dans leur maladie et qu’il y a trop de lésions pour que l’on puisse juger d’un effet. »

Quelles sont les conséquences directes de la maladie pour une personne qui travaille encore ?
« Il y a, de façon un peu schématique, deux maladies d’Alzheimer. Celle qui touche les personnes très âgées, et celle des gens qui sont dans la vie active, qui ont des enfants jeunes, des conjoints jeunes. Ça c’est un drame absolu. Pour ces personnes, il va falloir prendre des décisions importantes, expliquer la maladie, et probablement, sortir du circuit professionnel. »

Pour retrouver l'intégralité du podcast de l'interview du Professeur Bruno Dubois chez Jean-Jacques Bourdin, cliquez ici.

bourdinandco