BFMTV
Santé

Alimentation: comment renforcer l'impact des messages sanitaires?

-

- - iStock - monkeybusinessimages

Comment améliorer l'efficacité des messages de prévention nutritionnelles diffusés depuis 2007 dans les médias? Telle est la mission d'experts mandatés par le ministère de la Santé qui proposent plusieurs recommandations pour les reformuler.

"Mangez cinq fruits et légumes par jour", "ne mangez pas trop gras, trop sucré, trop salé", "éviter de grignoter entre les repas"... ces messages bien connus du public sont apparus dans le cadre d'une politique publique de santé nutritionnelle de l'Etat pour faire face à une hausse de l’obésité. Plus précisément, un décret paru en 2007 impose que les publicités en faveur des produits alimentaires manufacturés et des boissons avec ajouts de sucres, sel et édulcorants de synthèse, doivent contenir une information à caractère sanitaire quels que soient les médias.

Une disposition qui, au fil du temps, attire de moins en moins l'attention et dont la visibilité est inégale. C'est pourquoi l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a été sollicité fin 2013 par Santé Publique France pour réaliser une expertise afin, notamment, d’analyser l’impact de ces messages sanitaires sur plusieurs plans: les attitudes, intentions et comportements des consommateurs.

"Cette expertise s’appuie sur une analyse critique de la littérature scientifique internationale faite par un groupe pluridisciplinaire de dix experts", précise l'Inserm. Ces chercheurs issus de plusieurs domaines (marketing, psychologie cognitive, psychologie sociale, communication, neurosciences...) ont élaboré quatre recommandations précises pour agir plus efficacement sur les comportements nutritionnels.

Restreindre les actions de marketing alimentaire

Le marketing étant reconnu comme ayant un impact sur les préférences nutritionnelles, notamment celles des enfants, le groupe d’experts recommande de réduire leur exposition pour des produits de mauvaise qualité nutritionnelle. Il serait possible d'en limiter les effets en interdisant par exemple les publicités pour certains produits alimentaires durant les plages horaires visionnées par un nombre important d’enfants.

Autre piste: interdire le recours à des techniques "dotées d’un pouvoir de persuasion particulièrement fort comme l’utilisation de porte-parole de marque (sportif, chanteur, etc.)", indique l'Inserm. Des restrictions qui doivent s'appliquer à tous les supports de communication plébiscités par les enfants (Internet, réseaux sociaux, téléphones mobiles.) L'expertise est également arrivée à la conclusion paradoxale que les messages sanitaires peuvent avoir des effets contre-productifs.

"La présence d’un bandeau dans une publicité laisse penser à certaines personnes que le produit présenté est bon pour la santé.", explique l'Inserm. Les experts recommandent donc de dissocier les messages sanitaires du contenu publicitaire. Plutôt qu’un bandeau, le groupe suggère par exemple de placer les messages sanitaires en plein écran en début et/ou en fin de publicité. Une idée qui repose sur des preuves scientifiques: la première et la dernière information perçues sont généralement plus facilement mémorisées à long terme.

Comment mieux s'adresser aux consommateurs?

Si le dispositif des messages sanitaires n’est pas modifié dans sa forme actuelle, il faudrait au moins étendre sa mise en place à d’autres supports de communication: vidéos sur le web, objets publicitaires, fond d’écran, applications de jeu sur mobile et tablettes en lien avec l’alimentation, fenêtres pop-up... Quant au contenu des messages sanitaires eux-mêmes, les experts recommandent certaines actions de communication pour mieux attirer l'attention du grand public.

Ainsi, "les messages ayant recours à l’humour ou aux émotions positives sont plus efficaces, explique l'Inserm. L’humour a également la particularité de favoriser l’adhésion des individus aux préconisations". De même, les slogans qui font appel à des témoignages de pairs sont recommandés pour gagner la confiance du public, tout comme les messages nutritionnels qui valorisent les capacités personnelles et ceux en lien avec l’activité physique.

Les experts estiment aussi qu'ils doivent être parfaitement lisibles, notamment en diminuant l’ambiguïté des notions telles que "activité régulière" (que veut dire régulière?), "trop gras" ou "trop sucré" (qu’est-ce trop gras ou trop sucré ?). L’utilisation des supports de communication étant différente d'une catégorie de population à une autre, il est également recommandé de développer des actions de communications ciblées: des messages selon le public visé.

A titre d'exemple, "la promotion de l’activité physique et d’une alimentation équilibrée auprès des enfants et adolescents doit être adaptée à leur âge, à leurs capacités et à leurs centres d’intérêt.", affirme l'Inserm. Les messages peuvent être ludiques, en utilisant des personnages appréciés des enfants et adolescents, et associés à leurs intérêts spécifiques. L’utilisation d’une image ou d’un pictogramme peut être envisagée.

Quelles que soient les stratégies de communication envisagées, les experts insistent sur l'importance de les "pré-tester" en contexte naturel, par exemple en entreprises, restaurants, supermarchés, villes.... C'est notamment la démarche adoptée par le ministère de la Santé en 2016 pour évaluer l'efficacité de quatre systèmes d’étiquetage nutritionnel simplifié, avant de choisir le logo Nutri-Score.

Alexandra Bresson