BFMTV
Santé

5 jours sur un brancard: une situation alarmante mais pas si exceptionnelle aux urgences

Les urgences (Photo d'illustration).

Les urgences (Photo d'illustration). - AFP

A Saint-Etienne, un septuagénaire admis aux urgences a passé 120 heures sur un brancard. Le personnel soignant dénonce un accueil indigne et relance la question du manque de lit dans les hôpitaux, l'un des axes majeurs de la grève entamée mi-mars.

120 heures sur un brancard. C’est le sort qu’a subi un patient de 72 ans admis au service d’urgences du CHU de Saint-Etienne, selon une information de France Bleu publiée ce mercredi. Alarmante, cette situation n’est pourtant pas exceptionnelle et illustre l’un des fers de lance des urgentistes, en grève depuis la mi-mars: le manque de lit. 100.000 ont été supprimés en 20 ans, au grand dam des personnels soignants qui dénoncent le manque de débouchés pour hospitaliser leurs patients.

Près de cinq mois plus tard, 211 services sont toujours mobilisés partout en France, selon le collectif Inter-urgences qui réclame toujours plus de lits, d'embauches et des hausses de salaires.

En 2018, 180.000 patients ont passé une nuit sur un brancard

"120 heures sur un brancard, c’est un record", déplore auprès de BFMTV.com le médecin François Braun, président de l’association Samu-Urgences de France. A l’hôpital de Saint-Etienne, les patients qui ne trouvent pas de lits se succèdent, selon le personnel soignant. Le 30 juillet, à 10h00, ils ont décompté 51 malades sur des brancards, pouvant y rester durant 93 heures, voire même 107 heures.

Au CHU de Saint-Étienne, près d'une trentaine de lits post-urgences ont été supprimés temporairement au mois de juillet. Un chiffre trop important, selon les syndicats, dans une période estivale où de nombreux médecins traitants sont en vacances. De son côté, la direction affirme avoir fait le maximum pour réduire la durée d'attente de 30 à 40 heures maximum.

Une augmentation de 9% de la mortalité pour tous les patients

Depuis le 6 janvier 2018, le Samu-Urgences de France (SMUF) a mis en place le dispositif "No Bed Challenge" qui vise à répertorier, sur la base des déclarations des urgentistes, le nombre de patients ayant passé la nuit sur un brancard, faute de lit d’hospitalisation.

"Sur toute l’année 2018, nous en avons compté 180.000. Cela témoigne de la désorganisation des hôpitaux", explique François Braun.

En effet, les services de médecine et chirurgie sont surchargés et peinent à prendre en charge les patients qui attendent aux urgences. Et les services d’urgences sont eux-même débordés, notamment en raison d’"une défaillance de la médecine de ville à assurer la continuité des soins, poussant toujours plus de patients" vers ce service, note le SMUF

Ce manque de lit conduit aux "hospitalisations brancard" et a des conséquences sur la santé des patients. "Les traitements antibiotiques commencent automatiquement plus tard, la douleur est moins bien prise en charge. Chez les personnes âgées, des escarres peuvent apparaître car ils restent allongés trop longtemps", énumère le président du SMUF.

Dans un rapport de 2018, l’association avait même noté que cette surcharge dans les services entraînait une augmentation de 9% de la mortalité pour tous les patients, et de 30% chez les malades les plus graves.

"Bonne écoute"

La question du manque de lit doit être abordée lors du rapport d’une mission nationale au mois de novembre. Le président du SMUF assure être "confiant".

"On est déjà dans le mur alors il faut voir le positif: le ministère de la Santé nous offre une bonne écoute", relativise-t-il.

Mi-juin, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a annoncé 70 millions d'euros pour financer une prime de risque de 100 euros net mensuels pour les personnels des urgences et faciliter les recrutements dans les services en tension cet été. De son côté, l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a offert de créer 230 postes dans ses 25 services d'urgences.

Malgré quelques avancées, les syndicats espèrent étendre le mouvement à l'ensemble du monde hospitalier à la rentrée, et envisagent une journée d'action le 11 septembre.

Ambre Lepoivre