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L'histoire de la plus vieille mule du monde

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Dans le film « La Mule », Clint Eastwood campe un octogénaire qui, pour sauver son entreprise, devient passeur de drogue pour un cartel mexicain. Sauf que l'histoire est réelle.

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11 octobre 2011. L'officier de police Craig Ziecina demande à un pickup Lincoln de se ranger sur le bas-côté. À l'intérieur se trouve Leo Sharp. L'homme de 87 ans est nerveux. Il le devient encore plus lorsqu'on lui demande d'ouvrir son coffre. Alors qu'il proteste, un policier force le verrou et découvre 104 kilos de cocaïne. « Oh mon Dieu », lâche alors Leo Sharp, comme l'a raconté le New York Times Magazine dans un long portrait en 2014. Ce dernier était pisté depuis des mois par des agents de la DEA, l'agence chargée de la lutte anti-drogues, en raison de sa formidable activité. Aucun passeur de cocaïne n'était plus prolifique que « Tata », « grand-père » en espagnol, surnommé ainsi par ses employeurs du cartel mexicain de Sinaola. Un syndicat criminel dirigé par le fameux « El Chapo ». Pour eux, Leo Sharp a fait passer 246 kilos en février 2010, 250 en mars et avril et 200 les deux mois suivants. « Et ce avant même que vous ne le sachiez, a indiqué Jeff Moore (campé par Bradley Cooper dans le film). C'est une légende urbaine ».

Les années précédentes, le cartel de Sinaola ne parvenait pas à introduire plus de douze kilos. Dans l'industrie de la cocaïne, les passeurs étaient généralement payés 1.000 dollars le kilo. Sharp aurait empoché plus d'un million de dollars en 2010. « Leo est le courrier parfait pour le cartel, a déclaré un autre agent de la DEA, Jeremy Fitch. Il a une vraie identité, c'est un type âgé, il n'a pas le profil d'un passeur de drogue et il n'a aucun antécédent criminel ».

En dehors de cette activité illégale, Leo Sharp était également une légende, mais pour des fleurs. Cet habitant de Michigan City, dans l'Indiana, était un vétéran de la deuxième guerre mondiale et était connu pour être un très grand cultivateur d'hémérocalles. Il créait, via l'hybridation, des variétés de fleurs uniques. Sur les 75.000 hémérocalles différentes, 180 portaient sa patte. Ses voisins se souvenaient de bus remplis de clients qui attendaient devant sa ferme pour acheter ses gerbes. Sauf qu'internet est passé par là. Et son business s'est progressivement mis à décliner.

C'est à ce moment que sa collaboration avec le cartel de Sinaola a commencé. Un début d'association qui s'est produit dans sa ferme, pense son avocat Darryl A. Goldberg. « Il avait des gars mexicains qui y travaillaient. Ils connaissaient des personnes qui l'ont présenté à d'autres personnes qui lui ont demandé s'il voulait s'impliquer dans quelque chose ». À ce moment-là, ses missions ne concernaient qu'un transport d'argent. « Et puis ça s'est transformé en quelque chose de plus important », renchérit son avocat. Pourtant, les autorités fédérales avancent que Leo Sharp avait déjà transporté de la cocaïne de l'Est des États-Unis à la côte Ouest pour une entité inconnue.

En raison de sa célébrité florale, Leo Sharp parcourait le pays pour des conventions et des conférences sur les hémérocalles, ce qui lui permettait de faire passer la drogue et de faire des détours par le Mexique, selon la DEA. « On ne sait pas vraiment ce qui se passait quand il faisait ses trajets, a déclaré Clint Eastwood, qui a passé longtemps à préparer et étudier le personnage principal du film « La Mule », qui s'inspire de Sharp. Mais on a remarqué qu'il lui arrivait de s'arrêter et d'aider des voyageurs au bord de la route. Il a aussi utilisé l'argent pour lever l'hypothèque sur sa ferme ». Des bonnes actions qui n'ont pas effacé ses activités illégales. Bien que son avocat ait plaidé la démence et la faiblesse psychologique, la Cour l'a condamné à trois ans de prison en 2014. Il a fini par sortir au bout d'un an, en raison d'une santé déclinante, avant de mourir l'année suivante, à 92 ans. « J'ai vraiment le cœur brisé, avait-il fini par dire au juge d'une voix douce lors de l'audience. J'ai fait ce que j'ai fait. Mais c'est fait ».

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