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Politique

Vers une loi anti-Médiator

Porté par le ministre de la Santé Xavier Bertrand, ce projet devra être débattu à l'Assemblée nationale dès septembre.

Porté par le ministre de la Santé Xavier Bertrand, ce projet devra être débattu à l'Assemblée nationale dès septembre. - -

Après le scandale du Médiator, le projet de loi pour "le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé" est présenté ce lundi en conseil des ministres. Parmi les axes de la réforme: la traque aux conflits d'intérêts entre médecins, pharmaciens et experts des laboratoires pharmaceutiques.

Ce lundi, lors du dernier conseil des ministres avant les vacances du gouvernement, est présenté le projet de loi pour "le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé". Parmis les grands points de ce texte : la transparence et la protection du patient.

Porté par le ministre de la Santé Xavier Bertrand, ce projet devra être débattu à l'Assemblée nationale dès septembre. En plus de la traque aux conflits d’intérêts entre les différents acteurs de santé - les médecins, pharmaciens et laboratoires devraient déclarer officiellement tous leurs liens, collaborations pour des colloques par exemple -, le projet de loi prévoit plus de contrôle, avec la création de l'Agence nationale de sécurité du médicament qui remplacerait l'Afssaps, (agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), très critiquée pour son aveuglement dans l'affaire Médiator.

Le doute profitera au patient

On note aussi un autre point important dans ce texte, concernant les visiteurs médicaux. Ces derniers n'auront plus de droit de faire la promotion de leurs nouveautés en privé avec des médecins de l'hôpital, pour éviter une trop grande proximité.
En revanche, on ne note pas d'avancée concernant les spécialistes installés en ville : aucune formation publique n'est prévue pour qu'ils puissent découvrir les évolutions des médicaments et du matériel autrement que par les labos. Enfin, une mission pour la nouvelle agence de contrôle qui remplacera l'Afssaps : que le doute profite au patient et entraîne le retrait rapide des médicaments dangereux.

« Avec la transparence, il y a quelque chose de fort »

Irène Frachon est professeur de pneumologie, auteur de l'ouvrage Médiator 150 MG, Combien de morts ? Selon elle, le point le plus emblématique de ce projet de loi c'est « la notion de transparence. Là, il y a quelque chose de fort, explique-t-elle, on franchit un pas très important puisqu'on oblige la totalité des acteurs de santé à déclarer leurs liens d'intérêts. Et de la même façon, tous les industriels du médicament vont devoir déclarer la totalité des collaborations, des soutiens financiers et des prises en charge diverses et variées ».

« On ne va pas attendre la preuve de la preuve de la preuve »

Le professeur Frachon voit aussi plusieurs avancées majeures dans ce projet de loi : « On ne va pas attendre la preuve de la preuve de la preuve, on va faire bénéficier le doute au patient, cela va donner beaucoup plus de force à l'autorité de santé pour prendre une décision de suspension. La deuxième chose, c'est le fonctionnement de l'agence du médicament et l'obligation que toutes les commissions, toutes les discussions soient annoncées, mises en ligne, filmées. Que le citoyen sache comment les décisions ont été prises et par qui et sur quels arguments ».

« Mettre en place des actions de groupe en justice »

De son côté, Gérard Bapt, député socialiste de Haute-Garonne, président de la Mission d'information de l'Assemblée nationale sur le Médiator et la pharmacogivilance, note qu'il manque une notion importante dans ce texte : « Mettre en place des actions de groupe : une association représentative de patients, pourrait, au nom d'un certain nombre de victimes, aller en justice ; car chacune de ces victimes, isolément, n'a souvent pas la capacité financière, ni la force physique, parfois morale, de suivre ce parcours du combattant qui au bout de 7-8 ans pourra aboutir en leur faveur. Aujourd'hui cette association ne peut pas aller à la place de la victime en justice pour faire reconnaitre au plan civil ou au plan pénal la responsabilité du laboratoire ».

« La grande lacune de ce projet de loi... »

Bernard Debré, député UMP de Paris, chef du service d'urologie à l'hôtel Cochin de Paris, remarque que s'il y a bien une avancée et une volonté de transparence concernant les visiteurs médicaux dans les hôpitaux, il n'en est pas de même pour les médecins en ville : « Sur les visites médicales, certes, il y a une avancée puisque les visiteurs médicaux pourront dire ce qu'ils ont à dire sur leur médicament dans les hôpitaux, devant une assemblée de médecins et non plus dans un tête-à-tête. Par contre, en ville, il n'est pas question de faire quoi que ce soit selon le projet de loi. Or, les seules possibilités qu'auront les médecins généralistes ou les spécialistes de ville seront simplement d'écouter le visiteur médical puisqu'ils n'auront pas d'autres informations. C'est la grande lacune de ce projet de loi ».

La Rédaction avec Sophie Delpont