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Un témoin alimente encore le soupçon dans le dossier Karachi

L'ATTENTAT ANTIFRANÇAIS DE KARACHI

L'ATTENTAT ANTIFRANÇAIS DE KARACHI - -

par Thierry Lévêque PARIS (Reuters) - Un nouveau témoin a renforcé la piste d'une affaire de corruption lors de la présidentielle de 1995 et...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Un nouveau témoin a renforcé la piste d'une affaire de corruption lors de la présidentielle de 1995 et accrédité l'existence d'un lien avec l'attentat de Karachi en 2002, amenant une autre plainte des victimes.

Ce dossier, conduit par le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke, concerne Nicolas Sarkozy, ministre du Budget à l'époque du marché d'armement signé avec le Pakistan en 1994, au coeur du dossier. L'audition de l'actuel chef de l'Etat est demandée à la justice par les parties civiles.

L'hypothèse de travail de l'enquête est qu'une partie des 84 millions d'euros de "commissions" convenues par écrit en marge de la vente de sous-marins au Pakistan est revenue frauduleusement en France pour financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était porte-parole.

L'instruction cherche par ailleurs à déterminer si le fait que Jacques Chirac ait fait cesser le paiement des commissions après son élection à l'Elysée en 1995 a ou non un lien avec l'attentat de Karachi, qui serait dans ce cas une vengeance.

Il a fait 15 morts dont 11 Français travaillant pour la Direction des constructions navales (DCN) sur les sous-marins.

Le nouveau témoin entendu jeudi, Michel Mazens, un haut fonctionnaire alors chargé par l'Etat français de négocier les contrats d'armements, a déclaré au juge, selon sa déposition relatée à Reuters par une source proche du dossier, que Jacques Chirac avait bien fait cesser les paiements en 1995.

Michel Mazens a aussi indiqué que des intermédiaires recrutés par le gouvernement Balladur, les Libanais Ziad Takiedinne et Abdul Rahman al Assir, ont été privés d'autres commissions de 200 millions d'euros concernant une autre vente de frégates à l'Arabie saoudite.

VILLEPIN, CHIRAC MIS EN CAUSE

Michel Mazens, qui agissait selon ses dires sous la direction de Dominique de Villepin, alors secrétaire général de l'Elysée, a expliqué être allé voir un dirigeant de la branche commerciale de la DCN, Dominique Castellan, pour lui faire part de la décision d'arrêt des paiements.

"Il a réagi en me disant que, pour lui, c'était compliqué, car c'était faire courir des risques à ses personnels", dit Michel Mazens dans un passage de sa déposition publié par le site internet d'information Mediapart.

Me Olivier Morice, avocat des familles de victimes, dit voir dans cet élément la démonstration que le risque avait été pris par l'Etat français de s'exposer à des représailles. "On a la preuve qu'au moment où Jacques Chirac et Dominique de Villepin prennent la décision d'arrêter le paiement, ils savent qu'il y a des risques", a-t-il dit à Reuters.

Une nouvelle plainte pour mise en danger d'autrui et homicides involontaires va donc être déposée et elle visera Dominique de Villepin, Jacques Chirac et les anciens dirigeants de la DCN, dit Me Morice.

L'audition de Jacques Chirac et Dominique de Villepin comme témoins a déjà été demandée au juge Van Ruymbeke. Les deux hommes ne se sont pas exprimés publiquement.

L'instruction de Renaud Van Ruymbeke s'effectue dans un contexte juridique délicat, le parquet ayant fait appel de sa décision d'enquêter pour "corruption et abus de biens sociaux" sur ces faits. La cour d'appel devra trancher.

Le nouveau ministre de la Justice, Michel Mercier, a déclaré vendredi qu'il n'entendait pas intervenir dans ce dossier. "Si je commence mon travail de ministre de la Justice en intervenant dans les instructions, procès en cours, ça va pas marcher. Je ne ferai jamais ça", a-t-il dit sur Europe 1.

Nicolas Sarkozy est potentiellement concerné, car un rapport de police luxembourgeois versé au dossier judiciaire montre que des structures ont été constituées au Luxembourg par la DCN au moment du contrat pakistanais, avec son aval.

Il s'agissait de payer les commissions au Pakistan - pratique légale jusqu'en 2000 - mais aussi, pensent les juges, d'organiser le retour illégal d'une partie des fonds en France.

Édité par Patrick Vignal