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Politique

Un budget 2011 qui manque d'ambition

Selon des analystes, le projet de budget de la France pour 2011 manque d'ambition dans la réduction des déficits. Cette carence aux yeux des experts est regrettable car l'approche des élections bridera ensuite les efforts budgétaires. /Photo d'archives/RE

Selon des analystes, le projet de budget de la France pour 2011 manque d'ambition dans la réduction des déficits. Cette carence aux yeux des experts est regrettable car l'approche des élections bridera ensuite les efforts budgétaires. /Photo d'archives/RE - -

par Jean-Baptiste Vey PARIS (Reuters) - Le projet de budget de la France pour 2011 manque d'ambition dans la réduction des déficits, une carence...

par Jean-Baptiste Vey

PARIS (Reuters) - Le projet de budget de la France pour 2011 manque d'ambition dans la réduction des déficits, une carence regrettable car l'approche des élections bridera ensuite les efforts budgétaires, estiment les analystes.

La hausse rapide de la dette qu'engendrent ces déficits record est pour l'instant indolore car la crise s'est traduite par une forte baisse des taux d'intérêt pour la France. Mais cette situation ne durera vraisemblablement pas, ce qui fait courir le risque d'une vraie cure d'austérité dans le futur.

"Un passé coupable, un avenir difficile", a résumé lundi Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'Insee. "Pour que la dette publique ne continue pas sur cette trajectoire explosive, il faut faire des efforts très très importants", a-t-il ajouté lors d'un colloque organisé par le Centre d'analyse stratégique.

Le projet de budget, qui sera présenté le 29 septembre, prévoit de réduire le déficit public de la France à 6% du produit intérieur brut fin 2011, après un peu moins de 8% fin 2010, mais les économistes sont moins optimistes.

Parmi 17 instituts de conjoncture membres de la Commission économique de la nation, 15 ont ainsi transmis à Bercy une prévision de déficit supérieure, selon des chiffres publiés mardi par Les Echos, du fait notamment de prévisions de hausse du PIB l'an prochain inférieures à celle du gouvernement (2%).

Et même si cette réduction d'une quarantaine de milliards d'euros du déficit - un montant comparable aux crédits de l'enseignement scolaire - était menée à bien l'an prochain, le redressement des comptes publics ne serait qu'esquissé.

"Le gouvernement semble décidé à ne procéder qu'à une modeste consolidation l'an prochain", estime Gilles Moec, économiste chez Deutsche Bank, qui juge "peu ambitieux" l'objectif de 6% de déficit.

"Ceci placera la France dans une situation de désavantage par rapport à d'autres grands pays européens (Allemagne, Italie) qui soit prennent des mesures plus ambitieuses pour réduire leur déficit, soit étaient parvenus à une meilleure maîtrise de leurs finances avant la récession et ont contenu leur déficit dans des limites plus raisonnables en 2008-2009", écrit-il dans une note.

LE SPECTRE DE 2012

Dans l'entourage de la ministre de l'Economie Christine Lagarde, on répondait mardi : "Le rythme de réduction du déficit est le bon, il n'y a pas d'urgence à aller plus vite."

La France, qui n'a jamais respecté dans le passé les engagements budgétaires pris devant ses partenaires européens, a promis en janvier de réduire son déficit à 3% fin 2013, soit une baisse d'environ 100 milliards d'euros en trois ans, inédite dans le pays depuis au moins un demi-siècle.

Pour de nombreux observateurs, ces prévisions oublient le risque que font peser les élections présidentielle et législatives de 2012 sur la maîtrise des comptes publics.

Nouriel Roubini, un des économistes de Wall Street les plus écoutés, estime ainsi dans une tribune publiée dans Les Echos lundi que "dans la mesure où il sera confronté à un réel défi face au candidat du Parti socialiste (...) Nicolas Sarkozy reportera probablement ses mesures d'austérité budgétaire et ne lancera que quelques réformettes".

Pour Gilles Moec, "l'examen du budget 2011 au Parlement est probablement la dernière fenêtre d'opportunité pour mettre les finances du pays sur une base plus sûre avant que la perspective des élections affecte les décisions budgétaires trop directement pour que des décisions ambitieuses soient probables".

Quoi qu'il en soit, la dette publique continuera à gonfler pendant plusieurs années pour s'approcher de 90% du PIB - contre seulement 20% en 1980 - un niveau qui commence à inquiéter.

Jean-Philippe Cotis a ainsi souligné que "les historiens de l'économie, les macro-économistes nous disent que lorsqu'on approche d'une dette publique proche de 90%, on rentre dans une zone de difficultés macro-économiques, financières, avec des problèmes de confiance, des problèmes de turbulences et éventuellement des conséquences négatives sur la croissance".

PERTE DE SOUVERAINETÉ

Pour l'économiste Jacques Attali, "le pays fonce vers un niveau de dette de 100% du PIB qui conduira, si rien n'est fait, à brève échéance, à la prise en main de nos affaires publiques par les fonctionnaires de Bruxelles et du FMI".

Dans un texte publié la semaine dernière sur Slate.fr, l'ancien conseiller spécial du président socialiste François Mitterrand, déplore ainsi que "le débat sur la dette n'a pas commencé" et que "ceux qui occupent le devant de la scène dans notre pays ne s'intéressent qu'à l'élection présidentielle".

"Tout se passe comme si, les uns et les autres cherchaient tous les prétextes pour ne pas affronter des choix autrement plus importants pour l'avenir du pays et des Français (que les affaires politico-judiciaires NDLR) et il faudra les faire, bien avant 2012", poursuit-il.

Une hausse des taux d'intérêt, probable dans deux ou trois ans, et qui rendrait bien plus élevé le coût de la dette, risque de toute façon de précipiter ces choix, selon le président du Conseil d'analyse économique, Christian de Boissieu.

"On travaille aujourd'hui pour l'essentiel avec l'hypothèse que les charges d'intérêt dans le budget de l'Etat représentent la proportion qu'elles ont aujourd'hui: 14-15%" mais avec une hausse des taux "le défi est encore plus compliqué, les marges de manoeuvre sont plus faibles et il va falloir être encore plus ambitieux sur la réduction des dépenses", a-t-il dit lors du colloque du Centre d'analyse stratégique.

Edité par Yves Clarisse