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TOUT COMPRENDRE - L'exercice militaire spatial AsterX, une première pour la France

Cette semaine, le CNES a orchestré une simulation mettant en scène deux puissances s'attaquant dans l'espace. Une première en France et en Europe.

Les Gaulois de Goscinny et Uderzo nourrissaient une éternelle crainte de voir le ciel leur tomber sur la tête. Plus d'un demi-siècle après un premier clin d'œil lors du lancement en 1965 du premier satellite français, baptisé Astérix, voici venu AsterX. Une appellation plus adaptée à l'ère d'Elon Musk. De lundi à ce vendredi, la France aura conduit son premier exercice militaire dans l'espace, depuis le Centre national d'études spatiales (CNES) à Toulouse. C'est également le premier du genre en Europe.

Il s'agit en fait d'une simulation de ce à quoi pourrait éventuellement ressembler un conflit spatial. Une sorte de "Guerre des étoiles", qui reste pour l'heure très hypothétique, mais qui n'est pas sans rappeler le concept dont Ronald Reagan faisait naguère la promotion lorsqu'il était président des États-Unis. À l'époque, la course aux armements avec l'URSS faisait à nouveau rage. Les enjeux ne sont plus les mêmes.

• En quoi consiste un tel exercice?

En l'occurrence, l'exercice AsterX a consisté à modéliser une situation de crise entre deux puissances. L'une est dotée de capacités spatiales et l'autre bénéficie d'un accord d'assistance militaire avec la France. Plusieurs événements prévus à l'avance se sont succédés, par exemple un satellite tricolore attaqué, ou la détection de débris dans l'atmosphère, susceptibles de mettre en danger les populations civiles se trouvant en-dessous.

D'autres scénarios ont été testés, comme la réaction de nos systèmes exo-atmosphériques - censés pouvoir contrer les menaces ayant plus de 3000 kilomètres de portée maximale - à des attaques allant du brouillage à la destruction.

Tout cela a été fait "grandeur nature", c'est-à-dire qu'AsterX ne se limite pas à l'aspect purement technique de cet éventuel affrontement. La couverture médiatique qu'en feraient la presse et nos chaînes de télévision a également été pensée par le CNES et la cinquantaine d'experts ayant phosphoré pour accomplir cette simulation.

• Quels sont les enjeux?

L'enjeu derrière AsterX est plus subtil que la simple illustration d'un rapport de force matériel et destructeur.

"Il faut avoir des moyens d'action si jamais on voit qu'il y a des dangers qui pèsent sur nos capacités ou celles de nos alliés", a sobrement souligné l'Élysée ce vendredi, jour de la visite d'Emmanuel Macron au CNES.

La France aura conduit l'exercice avec le concours de plusieurs pays alliés (Allemagne, Italie, États-Unis). L'enjeu est de simuler des changements d'orbite de satellites, de prévoir des lancements de satellites en urgence pour pouvoir pallier la panne ou la mise en fonction d'autres satellites, de surveiller des rentrées à risque, de savoir brouiller un signal ou aveugler temporairement un satellite hostile.

Une attaque contre un satellite militaire français peut par exemple bloquer les chaînes de transmission des armées. Interrogé par Franceinfo, le général Michel Friedling, à la tête du Commandement de l'espace depuis septembre 2018, estime que l'objectif est "d'abord d'entraîner nos unités spatiales".

"C'est aussi de mettre en œuvre tous nos processus opérationnels internes au commandement de l'espace, mais aussi avec tous nos partenaires extérieurs parce que nous en avons beaucoup. C'est aussi d'éprouver les systèmes que nous mettons en œuvre afin de préparer la montée en gamme de notre commandement", développe-t-il.

• Une guerre spatiale est-elle envisageable?

Dans la même interview, le général Friedling rappelle que "l'espace est vaste" et "qu'il y a de plus en plus de satellites actifs, mais aussi de débris". Par ailleurs, la nouveauté est que ces satellites "ne se contentent plus de tourner autour de la planète très sagement sur des orbites keplériennes, c'est-à-dire très prédictives".

"Les satellites se déplacent dans l'espace, changent de plans d’orbite, changent d'altitude, peuvent se rapprocher d'autres satellites", prévient le militaire.

Un espace sur lequel les puissances ont donc de moins en moins de prise. Aussi les hypothèses de satellite hostile sont-elles désormais loin d'être fictives: en 2017, le "satellite-espion" russe Louch-Olympe avait tenté de s'approcher du satellite militaire franco-italien Athena-Fidus. L'an dernier, Washington a accusé la Russie d'avoir "conduit un test non-destructeur d'une arme antisatellite depuis l'espace". Depuis, d'autres comportements du même type ont eu lieu, a indiqué l'Élysée sans en dévoiler le détail.

Il faut toutefois rester prudent. Joseph Henrotin, chercheur à l'Institut de stratégie comparée et rédacteur en chef du magazine Défense et sécurité internationale, a déclaré dans Marianne que "la guerre spatiale, ça n'existe pas".

"Il y a des opérations spatiales, qui se font de manière indépendante pour faire passer des messages à des adversaires potentiels, un peu comme en mer ou dans les airs, lorsqu'un avion survole tel endroit, ou intercepte un autre avion sans le détruire. Mais l'espace a surtout une fonction d'appui pour les forces armées au sol", précise cet expert.
Jules Pecnard Journaliste BFMTV