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Politique

Si l’Allemagne est un modèle, il est politique

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La chancelière Angela Merkel a trouvé un accord avec les sociaux-démocrates pour former un gouvernement de coalition. Cette nouvelle vous inspire ce parti pris : si l’Allemagne est un modèle, il est politique.

Imaginez qu’en France, aucun parti n’ait la majorité absolue au Parlement ; qu’aucune alliance n’ait été constituée avant les élections et qu’il faille des semaines de tractations pour former un gouvernement : tout le monde crierait à la crise politique ! La bourse chuterait, les commentateurs s’affoleraient, on serait au bord du chaos. En Allemagne, ça n’a rien de dramatique. Les 2 grands partis ont mis 2 mois mais ils ont trouvé un accord sur une politique commune. Au lieu d’une cohabitation conflictuelle à la française, ils forment une coalition constructive. C’est moins théâtral, mais sûrement plus efficace.

Est-ce qu'on ne peut pas penser, au contraire, que le partage du pouvoir conduit à l'immobilisme. Est-ce que Mme Merkel et le SPD ne vont pas se neutraliser ?

Le système français est construit autour du pouvoir présidentiel et du système majoritaire. Avec nos modes de scrutin, A. Merkel serait élue chancelière haut la main et son parti aurait une majorité écrasante. C’est ce qui donne l’impression, vu de Paris, que le pouvoir ne se partage pas – sauf cas de force majeure, quand le président perd sa majorité. Mais on veut tellement l’éviter qu’on a adapté le calendrier électoral pour faire coïncider la présidentielle et les législatives. Ça a renforcé la primauté présidentielle sur le papier, mais F. Hollande constate que ça ne garantit pas l’autorité du président. Ni sa capacité d’action.

Mais en Allemagne, Mme Merkel a été obligée d'accepter les conditions des sociaux-démocrates

Elle n’a pas obtenu des Allemands la confiance totale, elle a dû chercher des alliés. Les Verts ont refusé, elle a négocié avec le SPD. A l’arrivée, le projet commun prévoit l’instauration d’un smic, la possibilité de retraite à 63 ans et la double nationalité pour les enfants d’immigrés nés en Allemagne : des mesures de gauches qui peuvent faire consensus. C’est ce que ni F. Hollande ni N. Sarkozy n’ont pu faire sur le droit du travail, la protection sociale ou les retraites. Les socialistes n’arrivent même pas à se mettre d’accord entre eux sur la fiscalité ! La politique française est remplie de coups bas ; les Allemands cherchent des sorties par le haut. Parfois ils les trouvent.

On dit souvent que la culture de la négociation des Allemands favorise leur réussite économique. Vous partagez ce point de vue ?

C’est un élément de pacification, mais en fait, le triomphe économique allemand est discutable. Si le smic est si attendu, c’est qu’il y a des millions de travailleurs pauvres. S’il y a peu de chômage, c’est d’abord parce que la natalité est si faible que peu de jeunes entrent sur le marché du travail. Et puis on vante la puissance des syndicats allemands, mais les salariés sont moins protégés qu’en France. En réalité, nous faisons un complexe d’infériorité face à l’économie allemande qui n’est pas entièrement justifié. Et un complexe de supériorité par rapport à leur système politique qui l’est encore moins.

Hervé Gattegno