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Politique

Ségolène Royal et Kadhafi

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Ségolène Royal regrette la façon dont le chef d’état libyen, Muammar Kadhafi berne son monde et Nicolas Sarkozy pendant sa visite en France, sur fond de respectabilité.

J-J B : Est-ce qu’à vos yeux, en recevant Kadhafi, Nicolas Sarkozy encourage le terrorisme ?

S R : En tout cas, d’une certaine façon, il le cautionne, c’est ça qui est extrêmement grave.

J-J B : Il cautionne le terrorisme ?

S R : Je l’ai déjà dit et les parlementaires l’ont dit également ; Kadhafi a fait des déclarations récentes validant le terrorisme et il est reçu en France sans qu’il n’y ait de déclaration forte condamnant ses propos. Donc en effet, je pense que cette visite n’est pas correcte, pas souhaitable et c’est même une forme de provocation qui se retourne d’ailleurs contre Nicolas Sarkozy puisque Kadhafi est allé jusqu’au bout de la provocation en déclarant hier que le président de la République avait menti et qu’il n’avait pas parlé des Droits de l’Homme.

J-J B : L’Elysée dit que c’est faux, doit-on croire Kadhafi ou Nicolas Sarkozy ?

S R : C’est toute la question. Compte tenu de ce que l’on connaît de Kadhafi, je préfère croire Nicolas Sarkozy. Sauf qu’il doit constater lui-même qu’il est tombé dans le piège d’un dirigeant dictateur qui n’a aucun scrupule et donc la leçon lui a été administrée.

J-J B : Vous ne l’auriez pas reçu ?

S R : Non.

J-J B : Alors qu’en Espagne, on va le recevoir…

S R : Il parait.

J-J B : Le Gouvernement espagnol est un Gouvernement socialiste, en Italie on l’a reçu aussi…

S R : Peut-être que la France a aussi un autre visage, une autre mission. C’est le pays vers lequel tous les regards se tournent lorsque les Droits de la personne humaine sont menacés. Ce n’est donc pas une raison pour s’aligner sur d’autres. Et je ne veux pas faire d’ingérence dans les politiques diplomatiques des autres états. C’est aux opinions publiques dans ces pays-là, de dire ce qu’elles ont à dire. En tout cas, je pense que ce qui s’est passé à Paris avec ce que l’on vient d’évoquer sur la mise en cause de la parole de Nicolas Sarkozy servira peut être de leçon à José Luiz Zapatero. S’il le reçoit en tête-à-tête, il y aura sans doute des témoins.

J-J B : Hier soir à l’Unesco, Kadhafi a fait la leçon à la France sur le respect des droits des immigrés. Je le cite : « avant de parler de Droits de l’Homme il faut vérifier que les immigrés bénéficient chez vous de ces Droits ». Vous l’approuvez ?

S R : Venant de lui, je trouve une nouvelle fois qu’il s’agit de provocation. On voit d’ailleurs dans toutes les étapes de son voyage à quel point cette présence n’était pas acceptable. A chaque fois il y a eu des pièges qui ont été tendus, la France y est tombée. Elle reçoit un dictateur qui cautionne la torture en prison, ça n’est pas parce que les infirmières ont été libérées qu’il faut cautionner… On dit même que les gardiens des infirmières torturées étaient dans la délégation...

J-J B : Ce n’est pas prouvé…

S R : Ce n’est pas prouvé mais c’est quand même facile de regarder la liste d’une délégation. On a même dit que dix milliards de contrats avaient été signés, et on ne vérifie pas ces contrats…

J-J B : Nous l’avons fait chez RMC hier matin…

S R : Et vous avez bien fait. Parce que vous avez vu que la totalité des médias reprend sans vérifier le chiffre lancé par l’Elysée. Ça a été déjà le cas en Chine. Pour la visite de Kadhafi, tout le monde a repris cette histoire de dix milliards de contrats, alors que c’est faux : il y a trois cent millions de contrats signés de matériels électriques avec Areva. Tout le reste c’étaient des contrats déjà signés. Donc il ne faut pas que Nicolas Sarkozy fasse croire qu’à lui tout seul il obtient dix milliards de contrats pour mieux étouffer le débat sur la question des libertés et des droits de la personne humaine. Parce que je crois que c’est une question de morale publique, de transparence, de démocratie. Et la France doit donner l’exemple de la démocratie à tous les niveaux.

J-J B : Mais pendant la campagne présidentielle vous avez dit « je suis prête à aller rencontrer Ahmadinejad s’il le faut en Iran », vous l’aviez dit ?

S R : Non, je n’ai pas dit ça. J’ai dit que tous les contacts diplomatiques sont utiles dès lors qu’ils peuvent contribuer à résoudre la question du terrorisme, de la guerre, de la paix, du développement économique …

J-J B : Encourager Kadhafi dans la voie de libéralisation du régime, c’est une bonne idée non ?

S R : Mais ce n’est pas ce qui a été fait, ce n’est pas un encouragement. Au contraire, ça lui permet de narguer une démocratie comme la France par ses déclarations, par ses dénégations, par le fait qu’il accuse le Président de la République française d’être un menteur. C’est quand même extrêmement grave.

La rédaction-Bourdin & Co