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Sarkozy savoure un succès libyen au goût de revanche

Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron (à droite) accueillis en héros à Benghazi, mi-septembre, par le chef du Conseil national de transition libyen, Moustapha Abdeljalil. Trois ans après la réception de Mouammar Kadhafi à l'Elys

Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron (à droite) accueillis en héros à Benghazi, mi-septembre, par le chef du Conseil national de transition libyen, Moustapha Abdeljalil. Trois ans après la réception de Mouammar Kadhafi à l'Elys - -

par Emmanuel Jarry PARIS (Reuters) - L'intervention militaire en Libye a été de bout en bout l'affaire de Nicolas Sarkozy qui, avec son allié...

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - L'intervention militaire en Libye a été de bout en bout l'affaire de Nicolas Sarkozy qui, avec son allié britannique, a forcé la main d'une communauté internationale réticente à s'engager dans une nouvelle guerre en pays musulman.

Au lendemain de la mort de Mouammar Kadhafi, point final à une dictature de 42 ans, le président français peut ainsi savourer un succès diplomatique au goût de revanche.

Quand il reçoit le 10 mars deux émissaires du Conseil national de transition (CNT) libyen amenés par l'écrivain Bernard-Henri Lévy, la crédibilité de la diplomatie française souffre d'un double handicap : le tapis rouge déroulé fin 2008 par Paris au "guide" pour prix de la libération d'infirmières bulgares détenues en Libye, et le retard à l'allumage de la France face aux "printemps arabes" en Tunisie et en Egypte.

Face à la violence de la répression des insurgés anti-Kadhafi de Benghazi, Nicolas Sarkozy a déjà demandé à l'Union européenne des sanctions contre la Libye et déclaré, le 24 février : "Kadhafi doit partir."

Ce 10 mars, il se laisse convaincre d'aller plus loin. La France est le premier pays à reconnaître le CNT dans un climat de scepticisme général. Nicolas Sarkozy évoque pour la première fois l'idée de "frappes ciblées" contre les forces kadhafistes.

L'UE et l'Otan hésitent. La France s'efforce de convaincre ses partenaires du G8 d'accélérer le vote d'une résolution par le Conseil de sécurité de l'Onu. Outre la Russie, il faut aussi convaincre la Chine, traditionnellement rétive.

C'est chose faite le 17 mars et c'est un véritable tour de force diplomatique que bien peu croyaient possible et qui ne sera sans doute pas réédité de si tôt : le Conseil instaure une zone d'exclusion aérienne en Libye par dix voix et cinq abstentions, dont celles de la Russie, de la Chine et de l'Allemagne, qui ulcère la France en se démarquant.

DES ARMES POUR LES REBELLES

Le 19, Nicolas Sarkozy réunit à Paris les dirigeants d'une coalition regroupant des pays européens, nord-américains et arabes et annonce à la fin de la réunion le début de frappes aériennes contre les forces de Mouammar Kadhafi.

La première mission est effectuée par des bombardiers français, qui assureront, notamment à partir du porte-avions Charles-de-Gaulle, l'essentiel des opérations avec l'aviation britannique et le soutien de structures de commandement Otan.

La France obtient que les opérations restent soumises à un pilotage politique de la coalition. Paris et Londres n'auront d'autre part de cesse, pendant toute la crise, de réclamer une intensification des opérations militaires.

Très vite pourtant, les Etats-Unis, déjà lourdement engagés en Afghanistan, se mettent en retrait des opérations militaires pour ne plus y participer qu'avec des drones, ce dont se plaindra d'ailleurs en privé Nicolas Sarkozy.

Les semaines passant, les opérations militaires semblent piétiner tandis que Mouammar Kadhafi s'accroche à ce qui lui reste de pouvoir et à sa capitale, Tripoli.

Selon des sources familières du dossier, l'intervention du président français va être déterminante à trois moments-clefs.

Le 13 avril, il reçoit à minuit à l'Elysée deux chefs militaires libyens, amenés là aussi par Bernard-Henri Lévy, dont le général Abdel-Fattah Younes, qui sera assassiné dans d'obscures circonstances durant l'été à Benghazi.

Il est alors décidé d'envoyer des armes aux rebelles du Djebel Nefoussa, au sud de Tripoli.

Officiellement, il s'agit de parachuter des armes légères pour aider la population locale à se défendre.

En réalité, ces armes, payées par le Qatar, ne seront pas seulement parachutées mais également amenées par des avions arabes sur un aéroport de fortune construit par les insurgés et serviront à ouvrir un nouveau front.

SARKOZY EN HÉROS À BENGHAZI

Le 20 juillet, c'est au tour de chefs de la résistance de Misrata, ville portuaire assiégée par les forces kadhafistes, de faire le voyage de Paris et de rencontrer Nicolas Sarkozy.

Cette fois, la France décide de livrer par la voie maritime aux rebelles de Misrata aguerris par des semaines de siège des armes, dont des missiles anti-char, toujours sous la couverture et avec l'aide du Qatar, afin de prendre Tripoli en tenaille.

Là encore, comme lors de l'entrée en action d'hélicoptères français ou l'envoi d'agents des services spéciaux français et britanniques pour coordonner les frappes avec le CNT, récolter des renseignements et entraîner les rebelles, la France et le Royaume-Uni prennent le risque d'être accusés d'outrepasser le mandat de l'Onu. Ce que ne manqueront pas de faire les Russes.

Enfin, début août, la France et le CNT établissent une liste de 30 objectifs à neutraliser à Tripoli, ce qui lancera le compte à rebours de la chute de Mouammar Kadhafi le 22 août.

Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron réunissent le 1er septembre à Paris les représentants d'une soixantaine de pays et d'organisations internationales pour discuter de l'avenir de la Libye.

Le président français, qui annonce alors le déblocage de 15 milliards de dollars d'avoir libyens gelés, est reçu deux semaines plus tard en héros à Tripoli et à Benghazi.

David Cameron l'accompagne mais c'est l'Elysée qui a tout organisé, du dispositif de sécurité à leur intervention publique devant une foule en liesse sur la place de Benghazi où tout a commencé.

Edité par Yves Clarisse