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Sarkozy persiste sur la taxe Tobin, Merkel fait un geste

A l'issue d'un déjeuner de travail à Berlin, lundi, Angela Merkel a salué l'initiative de Nicolas Sarkozy en faveur de la création rapide d'une taxe sur les transactions financières en Europe mais elle a précisé qu'il n'y avait pas d'accord au sein du gou

A l'issue d'un déjeuner de travail à Berlin, lundi, Angela Merkel a salué l'initiative de Nicolas Sarkozy en faveur de la création rapide d'une taxe sur les transactions financières en Europe mais elle a précisé qu'il n'y avait pas d'accord au sein du gou - -

par Emmanuel Jarry BERLIN (Reuters) - Angela Merkel a salué lundi l'initiative de Nicolas Sarkozy en faveur de la création rapide d'une taxe sur...

par Emmanuel Jarry

BERLIN (Reuters) - Angela Merkel a salué lundi l'initiative de Nicolas Sarkozy en faveur de la création rapide d'une taxe sur les transactions financières en Europe mais elle a précisé qu'il n'y avait pas d'accord au sein du gouvernement allemand sur une telle mesure.

A l'issue d'un déjeuner de travail avec la chancelière, à Berlin, le président français a réaffirmé sa volonté d'accélérer la mise en oeuvre de cette taxe, même si la France doit faire cavalier seul dans un premier temps.

Passant outre les critiques que lui vaut cette initiative et les réticences des autres Européens, il a même précisé qu'il était prêt à appliquer à la lettre un projet de la Commission européenne, dont il s'est attribué au passage la paternité.

"Mme Merkel et moi avons toujours dit que nous croyons au principe de cette taxe", a-t-il dit. "La Commission a repris notre idée et a mis sur la table une proposition de directive portant définition d'une taxe sur les transactions financières."

"Ma conviction est que si nous ne montrons pas l'exemple ça ne se fera pas", a-t-il ajouté. "Et donc, l'idée de la France, c'est tout simplement d'appliquer le projet de directive sur la création d'une taxe sur les transactions financières, tel qu'il est prévu par la commission."

Dans un geste de bonne volonté remarqué, Angela Merkel a salué la détermination affichée par Nicolas Sarkozy.

"Je pense que c'est une bonne initiative que la France dise maintenant 'il faut mettre les points sur les i, il faut passer aux actes'", a-t-elle dit. "Nicolas Sarkozy et moi-même sommes d'avis que cette taxe est la bonne réponse à la situation."

LE TON CHANGE

Vendredi, son porte-parole, Steffen Seibert, assurait encore que l'objectif restait, pour Berlin, l'introduction d'une taxe sur les transactions financières au niveau de l'Union européenne, bien que la Grande-Bretagne et la Suède n'en veuillent pas.

Lundi, le ton d'Angela Merkel était nettement moins catégorique. Tout en réitérant sa préférence pour une taxe au niveau des 27, elle est convenue que si cette solution s'avérait impossible, il faudrait réfléchir "à d'autres possibilités".

"A titre personnel, je dois vous dire que je peux imaginer une telle taxe dans la zone euro", a-t-elle déclaré.

"Il n'y a pas encore d'accord au sein de mon gouvernement, c'est vrai", a-t-elle cependant ajouté - allusion à l'opposition du Parti libéral d'Allemagne (FDP), son partenaire de coalition.

Face au blocage annoncé d'une taxe à 27, Nicolas Sarkozy plaide pour une accélération de sa mise en place - si possible en 2012 et non 2014 comme proposé par la Commission - dans la zone euro ou, à défaut, dans un groupe de pays "pionniers" dans lequel il aimerait au moins enrôler l'Allemagne et l'Italie.

Il a dit ne pas douter que l'exemple de la France permettra d'engager "un mouvement dans la zone euro", puis, une fois que celle-ci se sera dotée dans son ensemble d'une taxe sur les transactions financières, un mouvement d'opinion dans le monde entier en faveur de cette taxe.

Concernant l'assiette et les modalités de la taxe qu'il entend mettre en oeuvre en France, il a renvoyé à celles qui sont prévues par la Commission européenne.

Celle-ci travaille sur l'hypothèse d'une taxe de 0,1% sur les échanges d'actions et d'obligations et de 0,01% sur les échanges de produits dérivés. Or des économistes estiment qu'appliquer de tels taux, sur ces mêmes produits, dans la seule France ferait courir de graves risques à l'économie française.

LES BANQUES SONT CONTRE

"Y aller seuls, c'est complètement suicidaire, ça va tuer la place de Paris", estime ainsi Christian Saint-Etienne, du Conseil d'analyse économique du Premier ministre.

Vent debout contre ce projet, les banques françaises estiment qu'une telle taxe serait "contre-productive" et inefficace pour réguler les marchés financiers.

Pour éviter une taxe qui ne s'appliquerait qu'en France, elles plaident pour un mécanisme de portée internationale.

"Une taxe sur les transactions financières qui ne serait appliquée qu'en France pèserait sur la croissance, entraînerait une perte de compétitivité et constituerait un lourd handicap pour le financement de l'ensemble de l'économie française", déclare la Fédération bancaire française dans un communiqué.

Vendredi soir, l'association Paris Europlace, qui défend les intérêts du secteur financier français, avait déjà vivement critiqué l'initiative, dénonçant un risque de délocalisation de certaines activités financières à l'étranger.

"Si cette taxe était appliquée seulement en France, elle entraînerait inéluctablement une délocalisation des activités concernées des banques, sociétés d'assurance et sociétés de gestion, au profit des grandes places financières mondiales", insistait l'organisme.

Pour Philippe Waechter, de Natixis Asset Management, le moment est mal choisi, alors que les Etats européens sont en quête de refinancements massifs sur les marchés. "Ça peut être dissuasif pour les investisseurs étrangers", dit-il.

Pour Christian Saint-Etienne, si la France fait cavalier seul, "la seule chose envisageable serait une taxe totalement symbolique", de l'ordre de 0,001%, sur une assiette limitée.

Nicolas Sarkozy a déclaré qu'il donnerait des précisions sur les modalités de la taxe qu'il souhaite mettre en place en France et sur l'affectation de son produit, lorsqu'il présentera les conclusions du sommet social qu'il a convoquée le 18 janvier.

"Je ne prendrai de décision qu'après avoir écouté ce qu'ont à dire les partenaires sociaux", a-t-il dit.

Avec Matthias Blamont et Matthieu Protard à Paris, édité par Patrick Vignal