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Sarkonomics et Hollandonomics se précisent

Les premières annonces en matière de politique économique des deux favoris des sondages pour l'élection présidentielle montrent une forte convergence sur les objectifs, le clivage entre "Sarkonomics" et "Hollandonomics" se cristallisant surtout sur les me

Les premières annonces en matière de politique économique des deux favoris des sondages pour l'élection présidentielle montrent une forte convergence sur les objectifs, le clivage entre "Sarkonomics" et "Hollandonomics" se cristallisant surtout sur les me - -

par Marc Joanny PARIS (Reuters) - Les premières annonces en matière de politique économique des deux favoris des sondages pour l'élection...

par Marc Joanny

PARIS (Reuters) - Les premières annonces en matière de politique économique des deux favoris des sondages pour l'élection présidentielle montrent une forte convergence sur les objectifs, le clivage entre "Sarkonomics" et "Hollandonomics" se cristallisant surtout sur les mesures préconisées pour les atteindre.

Nicolas Sarkozy et son concurrent socialiste François Hollande se montrent en revanche aussi peu diserts l'un que l'autre sur les coupes dans les dépenses qu'imposera leur objectif de retour à l'équilibre des comptes publics.

La perte de la note triple A dont bénéficiait la dette de la France, sur fond de crise de la zone euro et de panne de la croissance, a fait de la discipline budgétaire une contrainte au-delà du respect des engagements européens.

La publication mercredi de la première estimation des chiffres de la croissance au quatrième trimestre 2011 a confirmé la nette décélération de l'activité et accentué la pression sur la notation de la France alors que le gouvernement a abaissé sa prévision de croissance pour cette année à 0,5%, le candidat socialiste ayant retenu la même hypothèse.

Le creusement du déficit commercial, qui a atteint en 2011 un nouveau record à près de 70 milliards d'euros, a illustré l'affaiblissement de l'industrie et le besoin de politiques de soutien de l'offre et de renforcement de la compétitivité.

La lutte contre le chômage, avec un nombre de demandeurs d'emploi toutes catégories confondues appelé à repasser au-dessus de la barre des cinq millions, s'est aussi imposé comme une priorité, surtout pour les jeunes et les seniors.

CLIVAGES TRÈS MARQUÉS

"Cette campagne électorale a une caractéristique exceptionnelle, c'est la première fois qu'il y a un accord a priori à gauche et à droite sur les paramètres macroéconomiques centraux", relève Elie Cohen, économiste au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

"A gauche comme à droite, on reconnaît les problèmes de l'économie française: la nécessité de réduire les déficits, l'inadaptation de la structure des prélèvements fiscaux et sociaux et un manque de compétitivité manifeste", dit-il.

A côté de propositions similaires comme la création d'une banque pour l'industrie ou l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, les deux protagonistes principaux de la campagne ont marqué leurs divergences sur plusieurs points.

"Comment regagner de la compétitivité, comment remettre à plat notre fiscalité et la rendre plus lisible et plus simple et comment faire entrer les jeunes sur le marché du travail, apparaissent comme les trois sujets sur lesquels les clivages sont très marqués", estime Jean-Hervé Lorenzi, président du Club des économistes.

"Sur la politique de l'offre, l'un préconise un transfert d'une partie des charges sociales patronales vers la TVA et la CSG, l'autre s'en remet plutôt à l'innovation et au crédit impôt recherche", poursuit celui qui fut conseiller économique du Premier ministre socialiste Edith Cresson.

Il note que Nicolas Sarkozy privilégie la fiscalité indirecte tandis que François Hollande prône une refonte de la fiscalité directe. Pour les jeunes, le président sortant table sur l'intégration par l'apprentissage mais sans véritables mesures spécifiques et le candidat socialiste propose un lien avec les seniors au travers d'un contrat de génération.

LA RÉFORME DES RETRAITES EN QUESTION

Dans ses "60 engagements" pour la France présentés le 26 janvier, François Hollande a annoncé son intention de mettre largement à contribution les plus hauts revenus et les grandes entreprises tandis que les PME et la lutte contre le chômage des jeunes et des seniors ont été érigés en priorité.

Il entend aussi revenir sur des décisions emblématiques de l'actuel gouvernement, dont la réforme des retraites et la règle d'or contenue dans l'accord européen validé par le sommet de Bruxelles du 31 janvier, préférant s'en tenir à une programmation pluriannuelle pour retrouver l'équilibre des comptes publics en 2017.

Nicolas Sarkozy a lancé le 30 janvier les dernières mesures de son mandat, dont la hausse de 1,6 point du taux normal de TVA à compter du 1er octobre pour le porter à 21,2% et un relèvement de deux points de la CSG sur les revenus financiers, à 10,2%, pour financer une baisse de 13 milliards d'euros des cotisations sociales patronales sur un total de 35 milliards.

Il a aussi annoncé un doublement du malus en cas de non respect du quota de 5% jeunes en apprentissage ou en alternance pour les entreprises de plus de 250 salariés et défendu la mise en place d'accords de "compétitivité-emploi", visant à préserver l'emploi en cas de baisse de l'activité par une diminution du salaire ou du temps de travail.

IMPASSE SUR LES DÉPENSES

"Le déficit est à réduire du haut de ses 90 milliards actuels. Aucun des candidats en présence ne nous semble pour le moment annoncer assez de mesures, que ce soit du côté des impôts ou des réductions de dépenses", relèvent toutefois Pierre-Olivier Beffy et Amélie de Montchalin, économistes chez Exane BNP Paribas dans une récente note de recherche.

"Pour que l'objectif de 3% de déficit soit atteint en 2013, vu la croissance actuelle, il faudra annoncer une feuille de route de près de 50 milliards d'euros, d'ici la fin de l'année, entre le collectif budgétaire de l'été et le budget 2013", préviennent-ils.

Dans le chiffrage de son projet, le candidat socialiste prévoit 29 milliards de mesures de redressement des comptes publics dont 11,8 milliards sur les ménages et 17,3 milliards sur les entreprises. Il annonce aussi 20 milliards de dépenses nouvelles présentées comme intégralement financées.

Il table par ailleurs sur une accélération progressive de la croissance au cours de la prochaine mandature, passant d'une prévision de croissance de 0,5% en 2012 à 2,5% en 2017.

"Le Parti socialiste prévoit 29 milliards de mesures structurelles. On a un déficit de 100 milliards, ce qui laisse 70 milliards à financer par le retour de la croissance", résume Frédéric Gonand, professeur associé à l'Université de Paris Dauphine et ancien conseiller économique de Christine Lagarde.

"Dans le scénario de François Hollande, la croissance accélère pour passer de 0,5% à 2,5% l'an entre le début et la fin du mandat présidentiel. Cet effet conjoncturel devrait permettre de dégager près de 30 milliards de recettes supplémentaires, c'est loin d'être suffisant pour boucler le retour à l'équilibre", prévient-il.

PLUS DE RIGUEUR ?

Il estime que soit le candidat du PS sous-estime les hausses d'impôts supplémentaires qu'il devra mettre en oeuvre pour parvenir à son objectif de 0% de déficit en 2017, soit qu'il devra maîtriser beaucoup plus fortement la dépense qu'annoncé alors même que des éléments significatifs de dérapage de la dépense existent dans le programme socialiste.

Frédéric Gonand note en particulier le coût d'un assouplissement de la réforme des retraites.

"Au total, soit il faudra beaucoup plus de rigueur pour atteindre l'objectif annoncé de retour à l'équilibre en 2017, soit cet objectif ne sera pas tenu", estime-t-il.

Sans préjuger des annonces que fera Nicolas Sarkozy, le gouvernement s'est engagé à ramener les comptes publics à l'équilibre en 2016, ce qui implique 115 milliards d'économies, selon le chiffrage donné par la ministre du Budget.

Le gouvernement prévoit 40 milliards de recettes nouvelles, dont 32 milliards déjà votés selon Valérie Pécresse, tandis que pour les 75 milliards d'économies sur la dépense, "le chemin est bien tracé" selon elle, avec 17 milliards provenant de la réforme des retraites, une croissance des dépenses d'assurances maladie plafonnée à 2,5%, la poursuite du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et un effort de maîtrise des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

Le gouvernement table par ailleurs sur une accélération de la croissance à 2,0% l'an à partir de 2013, selon la programmation annuelle des finances publiques annexée à la loi de finances pour 2012.

100 MILLIARDS D'EUROS À TROUVER

Pour Elie Cohen, "le débat est très simple: Nicolas Sarkozy et François Hollande sont pour qu'en cinq ans le déficit des finances publiques passe de 5,5% à 0% du PIB, c'est-à-dire que l'un et l'autre estiment qu'il faut trouver à peu près 100 milliards d'euros, et l'un et l'autre estiment que ces 100 milliards d'euros doivent être partagés plus ou moins par moitié entre la baisse des dépenses et l'augmentation des recettes".

Mais pour l'économiste, aucun des deux candidats ne prendra le risque de préciser avant l'élection présidentielle la nature des dépenses qui seront coupées.

"Ni l'un ni l'autre ne vont être très précis sur ce qu'ils vont faire. Je ne vois ni Sarkozy ni Hollande dire que les 50 milliards d'économies nécessaires signifient soit une baisse du traitement des fonctionnaires, soit une baisse des pensions des retraités, soit une réduction des subventions aux collectivités locales, soit une baisse des dépenses de santé, par exemple à travers une mesure autoritaire comme une baisse de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie".

Mais il rappelle que les deux postes de la dépense publique qui ont le plus progressé au cours des dernières années sont les dépenses sociales et celles des collectivités locales.

Pour autant, Elie Cohen met en garde contre une politique économique qui n'aurait comme seule perspective que la réduction des déficits et la consolidation fiscale et appelle de ses voeux un volet croissance au nouveau pacte budgétaire européen.

Frédéric Gonand plaide pour "augmenter l'efficacité de la dépense publique plutôt que pour sa réduction.

"S'il y a des dépenses publiques inefficaces, on les supprime, s'il y en a qui sont efficaces, non seulement il faut les préserver mais il faut même les augmenter, parce que nous avons désespérément besoin de croissance."

Les marges de manoeuvre évidentes pour réduire les dépenses apparaissent ainsi réduites mais l'exécutif issu des scrutins présidentiel et législatif ne sortira pas du débat entre "moins d'Etat" et "plus d'Etat" par la seule quête de productivité.

Edité par Yves Clarisse