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Retour à la case départ pour l'UMP

L'UMP est pressée de "passer aux choses sérieuses" après l'enterrement du vote interne à sa présidence, un compromis qui laisse béante la question du leadership à droite et du positionnement idéologique du premier parti d'opposition. /Photo prise le 28 no

L'UMP est pressée de "passer aux choses sérieuses" après l'enterrement du vote interne à sa présidence, un compromis qui laisse béante la question du leadership à droite et du positionnement idéologique du premier parti d'opposition. /Photo prise le 28 no - -

par Sophie Louet PARIS (Reuters) - L'UMP est pressée de "passer aux choses sérieuses" après l'enterrement du vote interne à sa présidence, un...

par Sophie Louet

PARIS (Reuters) - L'UMP est pressée de "passer aux choses sérieuses" après l'enterrement du vote interne à sa présidence, un compromis qui laisse béante la question du leadership à droite et du positionnement idéologique du premier parti d'opposition.

Responsables et élus de l'UMP en conviennent, l'accord conclu lundi par Jean-François Copé et François Fillon pour soumettre au vote des militants l'opportunité ou non d'une nouvelle élection devrait se solder par un "non" en juin.

Le sentiment du "terrain", relayé par l'entourage de Jean-François Copé, ne fait guère de doute depuis le début de l'année : les militants ne veulent pas d'une nouvelle empoignade après la guerre de l'automne 2012.

"Que ce soit dans les fédérations 'copéistes' ou 'fillonistes', ils ne voient pas de raison de revoter. Ça arrange Copé, mais aussi Fillon...", juge un cadre du parti.

Si le "non" l'emporte lors de la consultation, Jean-François Copé, président mal élu de l'UMP, y trouverait une forme de légitimation jusqu'au terme de son mandat en novembre 2015.

Quant à François Fillon, il pourra se réfugier derrière le choix des militants pour faire accepter ce que nombre de ses partisans considèrent comme un renoncement - voire une défaite à l'usure -, et poursuivre son cheminement solitaire vers la primaire présidentielle de 2016.

"C'est 'petits arrangements entre ennemis'", dit un soutien de l'ancien Premier ministre, qui s'estime floué.

La "volonté de passer à autre chose", évoquée mardi par l'ex-directeur de campagne de François Fillon Eric Ciotti, domine, mais que sera cette "autre chose"?

"VASTE PROGRAMME"

Alain Juppé, l'un des fondateurs de l'UMP qui ne s'interdit pas de briguer l'investiture de sa famille pour la présidentielle de 2017, a la réponse. "Maintenant que cette page va se tourner, nous allons pouvoir passer aux choses sérieuses, c'est-à-dire à la clarification de la ligne politique de notre mouvement", écrit mardi l'ancien Premier ministre sur son blog.

Débordée par la contestation contre le mariage homosexuel, amorce d'un courant conservateur, "moral" et catholique qui présiderait selon ses tenants à une recomposition de la droite, l'UMP recule toujours devant la nécessité de l'aggiornamento.

"Il faut que les dirigeants de l'UMP qui se sentent proches de la ligne Buisson (théoricien de la 'droitisation', NDLR), qui a été largement incapable d'entreprendre l'inventaire de la défaite, fassent attention parce que même au sein de ce peuple de droite, la méfiance vis-à-vis des appareils est réelle", juge Pascal Perrineau (Cevipof).

Le premier secrétaire du Parti socialiste, Harlem Désir, a demandé mardi à Jean-François Copé, qui veut notamment s'ouvrir aux anti-mariage gay en vue des municipales de 2014, de cesser" ce baiser de la mort avec le Front national".

Plusieurs élus ont exprimé ces derniers jours la crainte d'une "balkanisation" du parti, évoquée dès septembre 2012 par François Fillon, tant les courants, censés traduire la richesse et la diversité internes, s'écharpent sur le fond, transcendant les clivages entre "fillonistes" et "copéistes".

Sur le mariage homosexuel, entre partisans de la réécriture et ceux de l'abrogation de la loi, sur l'attitude envers le FN, ou sur l'Europe, sujet sur lequel l'UMP organise une convention jeudi dans le cadre de ses "Etats généraux de la reconquête".

Des députés de "La Droite populaire", l'aile droite du parti, ont menacé de présenter une liste autonome aux élections européennes de 2014 si le plaidoyer fédéraliste de "La France moderne et humaniste", de sensibilité centriste, était entériné.

L'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, animateur avec Luc Chatel de ce dernier courant, a déploré récemment un "manque de culture du débat" et un "excès de culture du chef" à l'UMP.

Pour Alain Juppé, la refondation de l'UE doit être l'étalon de la "clarification", avec les choix économiques et la rénovation du modèle social. "Vaste programme...", conclut-il ironiquement en empruntant au général de Gaulle.

"MENTALITÉ BONAPARTISTE"

"Il faut tourner la page d'une UMP nombriliste et prendre le chemin d'une UMP qui regarde les Français", a déclaré sur i>Télé Guillaume Peltier, chef de file de "La Droite forte" qui plaide pour une radicalisation du parti voulu par Jacques Chirac.

Mais "la rénovation, ça s'incarne", complète un élu UMP.

"Dans la mentalité bonapartiste d'un électeur de l'UMP, résoudre la crise de l'UMP et réobtenir des victoires électorales suppose prioritairement, voire exclusivement, de se doter du bon chef", note le politologue Thomas Guénolé.

Et dans ce domaine aussi le terrain reste en jachère, au moins jusqu'à la primaire ouverte de 2016 - une "révolution" pour la formation gaulliste qui, en rompant avec la culture du chef, continue d'attiser les divisions.

Pour preuve, les mises en garde voilées adressées dès mardi à Jean-François Copé, soupçonné par des détracteurs de vouloir verrouiller l'appareil pour ses desseins personnels.

Alain Juppé souligne que la novation des primaires "change la nature même de la fonction de président de l'UMP". "Ce n'est plus désormais le candidat 'naturel' du parti à l'élection présidentielle; c'est l'organisateur du mouvement, en charge de son unité dans sa diversité", écrit-il sur son blog.

Eric Ciotti estime pour sa part que "le leadership convoité à la tête de l'UMP, car considéré comme stratégique pour l'élection présidentielle, est beaucoup moins important".

Le refus vraisemblable d'un "revote" par les militants en juin risquera donc d'accentuer le malaise d'une UMP sans tête. "Le vrai vainqueur de ce fiasco, c'est Nicolas Sarkozy", avance un fidèle de l'ancien président.

Edité par Yves Clarisse