BFMTV
Politique

Remaniement: pourquoi ça coince?

On attendait l'annonce de la composition du nouveau gouvernement d'un instant à l'autre ce mardi. Pourtant, la journée s'est écoulée sans que rien ne se passe. Les observateurs de la vie publique ont expliqué ce délai sur notre antenne.

Richard Ferrand promettait un "second souffle". "Aujourd'hui" a répondu Nicole Belloubet mais non, le remaniement n'aura pas lieu ce mardi, a finalement annoncé l'Elysée. Le long entretien d'Edouard Philippe et d'Emmanuel Macron ce mardi matin à l'Elysée semblait pourtant confirmer les attentes initiales: le remaniement était imminent. Toutefois, les heures se sont écoulées sans que rien ne vienne et le Premier ministre, accompagné des membres de son gouvernement, a dû affronter dans ces conditions atypiques une nouvelle séance à l'Assemblée nationale. Comment expliquer alors un tel blocage? 

"Des équilibres complexes à respecter" 

Selon notre éditorialiste politique Nicolas Prissette, le délai tient à la mécanique de contrôle mise en place autour des nouveaux entrants: "Tous les ministres ont un dossier fiscal qui est contrôlé par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Dossier fiscal, patrimonial, éventuels conflits d’intérêts, ça c’est la version officielle mais certes ça prend du temps." Il a ensuite rappelé qu'il s'agissait dans ces moments-là de respecter "des équilibres complexes". "Autant de ministres venant de la droite, de la gauche et du centre, des personnalités issues de la société civile et évidemment la parité, le tout dans l’espoir d’intégrer des personnalités qui incarneraient la relance politique, ça fait beaucoup", a-t-il résumé. 

Le principe de précaution s'impose d'autant plus que c'est la démission du ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, qui faisait pourtant figure de fidèle parmi les fidèles jusqu'ici, qui a poussé le gouvernement dans la crise. Une nouvelle erreur dans la distribution serait un accroc catastrophique pour l'exécutif d'où la nécessité de faire son choix avec prudence. 

Une "Macronie moins attractive", et un Premier ministre qui "pèse plus" 

Mais le remaniement excède largement la Place Beauveau, a rappelé notre journaliste politique Camille Langlade, qui note aussi le refus opposé par Mathieu Klein, président du Conseil général de Meurthe-et-Moselle, socialiste proche de Manuel Valls et inconnu du grand public, à la proposition qui lui a été faite d'entrer au gouvernement. "La 'Macronie' est moins attractive qu’il y a dix-huit mois. La donne a changé. On n’est plus dans la 'Macronie' triomphante, on est dans un manque de ressources humaines", a-t-elle commenté. 

Enfin, elle a estimé que l'essor de la personnalité d'Edouard Philippe emberlificotait encore l'équation:

"Il y a un autre élément aussi, c’est que Edouard Philippe pèse plus. Il a montré qu’il était capable de tenir la maison à l’Assemblée. Ceux qui contestaient son autorité, François Bayrou, Nicolas Hulot, Gérard Collomb ne font plus partie de ce gouvernement. Il a désormais le champ libre et peut-être plus de poids pour dire au président qu’il tient à avoir davantage de ses amis dans cette équipe. C’est là que ça peut coincer avec les macronistes historiques qui ont fait la campagne. On rappelle qu’Edouard Philippe ne connaissait aucun député quand il est arrivé à Matignon."

Le poids d'Edouard Philippe dans les décisions élyséennes pourrait donc être un élément de réponse sur le retard de la mise en place de ce remaniement. Selon notre éditorialiste politique, Bruno Jeudy, Edouard Philippe "a plaidé depuis un mois et demi pour un grand remaniement, il impose donc un certain nombre d'options". Et d'ajouter qu'il " défend des options qui sont un peu plus à droite, tandis qu'Emmanuel Macron est soucieux de garder son 'en même temps' en étant un peu de droite et un peu de gauche", un possible point de tension. 

La date-butoir est de toute façon fixé à ce mercredi matin, pour la tenue du prochain Conseil des ministres. 

Robin Verner