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Régionales: un scrutin sous la menace d'une abstention record

Majorité et opposition s'efforcent de conjurer la menace de l'abstention avant le premier tour des élections régionales du 14 mars, pour lesquelles les sondages prédisent avec constance une embellie de la gauche. /Photo d'archives/REUTERS/Régis Duvignau

Majorité et opposition s'efforcent de conjurer la menace de l'abstention avant le premier tour des élections régionales du 14 mars, pour lesquelles les sondages prédisent avec constance une embellie de la gauche. /Photo d'archives/REUTERS/Régis Duvignau - -

par Sophie Louet PARIS - Majorité et opposition s'efforcent de conjurer la menace de l'abstention avant le premier tour des élections régionales du...

par Sophie Louet

PARIS (Reuters) - Majorité et opposition s'efforcent de conjurer la menace de l'abstention avant le premier tour des élections régionales du 14 mars, pour lesquelles les sondages prédisent avec constance une embellie de la gauche.

Dernier test national avant la présidentielle de 2012, le scrutin des 14 et 21 mars sera l'occasion de mesurer l'état des forces politiques, mais surtout de prendre le pouls d'un électorat gagné par le désenchantement et accaparé par la crise.

La campagne, hésitant entre enjeux locaux et régionaux, désintéresse, parasitée par les "affaires" - de la guerre entre le PS et Georges Frêche en Languedoc-Roussillon aux accusations de l'UMP contre la tête de liste socialiste dans le Val-d'Oise, Ali Soumaré, qui se sont révélées pour partie infondées.

Selon les instituts de sondage, près d'un électeur sur deux boudera les urnes dimanche prochain. Lors des précédentes élections régionales, en 2004, 39,2% des électeurs ne s'étaient pas déplacés.

"Il y a beaucoup d'hommes et de femmes en difficulté qui hésitent à voter, je leur dis 'l'abstention sert Nicolas Sarkozy et sa politique'", soulignait la dirigeante socialiste Martine Aubry la semaine dernière.

Porté par des sondages favorables, le Parti socialiste rêve prudemment de reconquête - une carte des régions "toute rose" - face à une majorité qui appréhende un vote sanction au tournant d'une mi-mandat délicate pour le chef de l'Etat.

En un mois, les intentions de vote en faveur du bloc de gauche sont passées de 51% à 52% alors que la droite perd deux points à 28%, selon un sondage CSA réalisé les 2 et 3 mars pour Le Parisien-Aujourd'hui en France.

LA DROITE HANDICAPÉE AU SECOND TOUR

Les élections intermédiaires sont traditionnellement défavorables à la majorité en place et l'exécutif a pour seule ambition de ne pas subir pire scénario que celui de 2004, lorsqu'un raz-de-marée rose avait emporté 22 des 24 régions françaises dans un vote massivement nationalisé.

La gauche avait alors ravi 13 régions à la droite, qui conserva pour seuls fiefs en métropole l'Alsace et la Corse.

Les listes de gauche - le PS s'était allié avec les Verts et les communistes dès le premier tour - avaient recueilli 39,11% au premier tour contre 33,73% pour la droite parlementaire. Au second tour, le rapport était de 49,92% contre 36,84%.

Aujourd'hui, Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP, assure que la majorité va "progresser en nombre de conseillers régionaux et en nombre de régions".

Mais en privé, d'autres responsables du parti majoritaire ne se hasardent guère en pronostics et croisent les doigts pour les seules Alsace et Corse après avoir un temps cru en leurs chances dans le Centre, en Franche-Comté ou en Champagne-Ardenne.

L'exécutif veut croire à une dynamique "unioniste" au premier tour, avec des listes allant du Mouvement pour la France du souverainiste Philippe de Villiers à La Gauche moderne de l'ex-socialiste Jean-Marie Bockel, pour limiter la casse.

L'UMP se targue d'avoir écarté par avance "les psychodrames" des négociations d'entre-deux-tours qui attendent la gauche.

Les socialistes devront de fait composer avec les ambitions d'Europe Ecologie, qui a opté pour une stratégie d'autonomie après sa percée aux européennes de juin 2009 (16,28%). En 2004, les Verts s'étaient associés au PS dans une dizaine de régions.

Les écologistes ne disposent pas d'intentions de vote à la hauteur du score de juin 2009 mais ils peuvent faire la différence en Alsace, en Ile-de-France et en Rhône-Alpes.

Le handicap de la droite pour le second tour, c'est sa réserve de voix étique.

Elle ne pourra compter que sur d'hypothétiques reports de voix du Mouvement Démocrate de François Bayrou et/ou du Front national, qui escompte recouvrer une part de son influence passée pour provoquer des triangulaires au second tour.

"LE TROISIÈME TOUR"

En 2004, le parti de Jean-Marie Le Pen, qui conduit cette année la liste FN en Paca, s'était maintenu au second tour dans 17 régions, précipitant la défaite de la droite après avoir obtenu 14,7% au plan national et jusqu'à 22% en Paca ou en Picardie. Cette année, il escompte se maintenir dans dix ou douze régions au second tour.

Quant au MoDem, qui s'effondre dans les sondages (4% à 5% au plan national), il refuse d'envisager la débâcle. Il avait recueilli 8,46% aux élections européennes de juin 2009.

Huit ministres partent à la bataille comme têtes de liste : Valérie Pécresse (Ile-de-France), Xavier Darcos (Aquitaine), Alain Joyandet (France-Comté), Hervé Novelli (Centre), Bruno Le Maire (Normandie), Alain Marleix (Auvergne), Valérie Létard (Nord-Pas-de-Calais) et Dominique Bussereau (Poitou-Charentes).

Aux gagnants s'appliquera la règle du non-cumul : ils devront quitter le gouvernement.

Après avoir invité ses troupes à assumer ses "choix structurants" et nationalisé l'enjeu, Nicolas Sarkozy a négocié un virage tactique à 180° en janvier en affirmant qu'il n'était pas dans son rôle de s'impliquer.

Depuis, pourtant, il intervient par touches dans la campagne au fil de déplacements officiels en province. Il a surtout convoqué à l'Elysée les candidats de la majorité en Ile-de-France pour les exhorter à faire bloc derrière Valérie Pécresse, dont la campagne est minée par les dissensions.

François Fillon tiendra meeting lundi à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) puis jeudi à Nantes (Loire-Atlantique) pour mobiliser l'électorat de droite dont les analystes relèvent les inclinations critiques, même chez les personnes âgées.

"Dans cette élection tout est à conquérir mais tout est possible (...), les sondages ne sont pas les urnes", répète le Premier ministre qui joue sa "part de risque" dans ce scrutin.

Plébiscité face à un Nicolas Sarkozy dont la cote décline, intronisé dans le club des présidentiables pour 2012, François Fillon prend surtout le risque de payer une éventuelle défaite.

"Ce n'est pas une élection législative", corrige Xavier Bertrand dans Le Parisien-Aujourd'hui en France.

Un remaniement gouvernemental devrait intervenir à la suite du scrutin, mais on ignore tout de son ampleur.

L'ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius s'inquiétait dimanche sur Europe 1 du "troisième tour".

Si la droite conquiert des régions, alors Nicolas Sarkozy "viendra à la télévision" pour dire que "les critiques étaient mal fondées, et donc, tour de vis".