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Régionales: déçu par son score, le Rassemblement national appelle ses électeurs au "réveil"

Le Rassemblement national escomptait de réaliser un grand coup au premier tour des élections régionales mais ce dimanche ses candidats sont la plupart du temps en seconde position et décrochés. Ses représentants ont appelé avec véhémence son électorat à un sursaut dans une semaine.

Au plan national - selon des données collectées pour nous par Elabe avec SFR Business - le score du Rassemblement national se situe ce dimanche soir un peu en-dessous des 20%. Ce n'est donc pas une complète déroute mais le moins que l'on puisse dire c'est que le RN a de quoi être déçu de son score au sortir du premier tour des régionales.

Il comptait bien frapper un grand coup dès cette phase initiale du scrutin et enclencher la prise de conseils régionaux dans une semaine. Il n'est en tête que dans une région - dans une Provence-Alpes-Côte d'Azur où le duel entre Thierry Mariani et Renaud Muselier est plus serré qu'annoncé - alors qu'il caracolait en tête de six régions au même stade en 2015.

Marine Le Pen veut "un sursaut"

Les cadres du mouvement d'extrême droite ne s'y sont pas trompés. Sa patronne elle-même a choisi de faire de sa prise de parole de ce dimanche soir un appel, demandant "un sursaut" à ses électeurs dont elle a admis qu'ils ne "s'étaient pas déplacés".

Les suppliant de "ne pas se laisser influencer par les résultats du premier tour et à mobiliser leurs efforts pour arracher les victoires dont la France a besoin", elle leur a demandé de "prendre cinq minutes de (leur) temps pour faire entendre la voix du peuple, ce peuple qui souffre, qui aspire au renouveau".

Cette référence grinçante à l'emploi du temps apparemment chargé de son électorat un dimanche d'élection s'est bientôt accompagnée d'une formule de circonstances: "Après avoir subi des mois de restriction de vos libertés, je vous appelle à déconfiner vos idées et à redresser le résultat de ce premier tour".

Bardella rappelle son électorat à sa "responsabilité"

Décroché en Île-de-France, où ses 17,04% selon les données du ministère de l'Intérieur à minuit ne pèsent pas lourd face au 36,4% de Valérie Pécresse, Jordan Bardella, tête de liste en Île-de-France et numéro 2 du RN, a déguisé une leçon à son électorat en concession sur notre antenne: "On a le droit d'être en colère, on a le droit de râler, mais pour changer le quotidien, il faut changer les gens en responsabilité". Plus tôt, face à ses partisans, il avait troussé son développement autour d'un "désastre démocratique", symbolisé par une abstention jaugée à 67,2% dans le pays.

"Malgré les scores catastrophiques de La République en marche, le grand gagnant est le gouvernement Macron qui a tout fait pour parvenir à cette abstention record. Nous avons un message clair à adresser aux Français dimanche prochain: on ne changera pas la politique si on ne se mobilise pas contre les sortants."

Après cette introduction à fleuret moucheté, il s'est mis à morigéner ses électeurs: "Il y a un second tour et le sursaut est nécessaire. Nous pouvons remporter plusieurs régions. Alors si vous voulez le patriotisme économique, la lutte contre l’insécurité (…) vous avez entre vos mains la meilleure arme : un bulletin de vote."

Il s'est même adressé directement à l'électorat de Marine Le Pen lors de la présidentielle, qui prend ce dimanche soir des airs de bel endormi pour un RN aux abois et frustré dans ses ambitions: "Nous appelons les électeurs de Marine Le Pen à la responsabilité : votez, votez, votez. Ne pas aller voter c’est les laisser entre eux et faire à Emmanuel Macron le plus beau cadeau : ne pas faire entendre votre voix."

"La première fois que je vois un parti engueuler ses électeurs"

Distancé de vingt points par le président du Conseil régional des Hauts-de-France sortant, Xavier Bertrand, dont la liste est apparue nantie de 44% des suffrages en début de soirée, Sébastien Chenu s'en est sagement tenu à inciter ses soutiens à "combattre le système Bertrand-Macron" au second tour dimanche prochain.

Son homologue tête de liste en Bourgogne-Franche-Comté, Julien Odoul, s'est montré bien plus offensif, tançant autant que déplorant une "désertion démocratique". Bloqué en deuxième position avec son score estimé à 23,5%, il a lancé, comme l'a relayé France Bleu: "Je suis le seul vote utile pour empêcher six années de plus à gauche". "L'alternance est possible... si les électeurs se mobilisent", a-t-il encore lâché.

L'attitude des figures de proue du RN, que la déception semble avoir amenés à hausser le ton à l'attention de leurs propres sympathisants a surpris les observateurs. Notre éditorialiste politique, Laurent Neumann, s'est étonné sur notre plateau: "C’est la première fois que je vois ça, une cheffe de parti comme Marine Le Pen, des candidats comme Thierry Mariani, houspiller leurs électeurs, les engueuler !"

Le prix de la normalisation

Mais le journaliste a aussi vu dans la sinistrose qui colore pâlement la situation du Rassemblement national une nouvelle preuve de la normalisation de l'ancienne formation reprise par Jean-Marie Le Pen, replâtrée et rebaptisée par sa fille.

"Il s’est passé ce soir quelque chose qui montre que le RN est peut-être définitivement devenu un parti comme les autres. Quand les Français s’abstiennent, les électeurs du Rassemblement national s’abstiennent. Sept électeurs sur dix du Rassemblement national ne sont pas allés voter", a détaillé Laurent Neumann.

Pourtant comme l'a relevé dans nos studios, Bernard Sananès, patron d'Elabe, l'institut avec lequel BFMTV travaille tout au long de l'année et à l'occasion de ce scrutin, la résolution des votants pro-RN était tenue pour acquise: "Dans les sondages, l’électorat du Rassemblement national paraissait très mobilisé. Finalement, il s’est abstenu comme les autres électorats."

Comment expliquer un tel revirement? "Peut-être parce que cette élection ne lui paraît pas déterminante, contrairement à la présidentielle. Et puis les électorats populaires et plus jeunes sont plus éloignés des élections intermédiaires", a-t-il posé. Tandis que le RN paraît ce dimanche soir se heurter une fois de plus à des portes du pouvoir qu'il pensait avoir largement entrebâillées, le sondeur a regardé en direction d'une autre limite persistante: "Les sortants ont réussi de très bons scores dans les zones rurales où le RN avait pourtant progressé".

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV