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Politique

Quand Bernard Tapie et Jean-Marie Le Pen s'affrontaient dans un débat électrique en 1989

Bernard Tapie, alors député des Bouches du Rhône, et Jean-Marie Le Pen, président du Front National, attendent le début de l'enregistrement de l'émission de Patrick Poivre d'Arvor sur l'immigration à TF1, en 1989.

Bernard Tapie, alors député des Bouches du Rhône, et Jean-Marie Le Pen, président du Front National, attendent le début de l'enregistrement de l'émission de Patrick Poivre d'Arvor sur l'immigration à TF1, en 1989. - Jean-Pierre Muller

Farouche opposant au Front national, Bernard Tapie a tenu à affronter Jean-Marie Le Pen en débat à deux reprises, en 1989 et 1994. Des échanges pour le moins musclés qui resteront dans les annales de la télévision française.

Le 8 décembre 1989, Bernard Tapie, le challenger, domine Jean-Marie Le Pen, réputé redoutable débatteur, dans un face-à-face télévisé sur l'immigration resté dans les mémoires pour sa virulence.

TF1 a installé les deux hommes sur des tabourets de bar autour de Patrick Poivre d'Arvor. Le duel vire vite au pugilat.

- "Vous êtes un matamore, un tartarin, un bluffeur et nous attendons de voir, à part quelques onomatopées que vous lancez sur les écrans, ce que vous êtes capable de faire dans la politique", assène le patron du Front national.

- "C'est pas parce que vous êtes une grande gueule et que vous criez fort que ce que vous dites est vrai", rétorque le député non-inscrit de Marseille et tête de liste du mouvement des radicaux de gauche.

Des menaces physiques à peine voilées

Autre échange musclé qui fait néanmoins sourire des invités :

- "Ne me menacez pas, Monsieur Tapie, il vous en cuirait !"

- "Parce que vous avez vos gardes du corps ?"

- "Non ! Moi, moi !"

- "Ah ah ah, le rigolo ! Enfin, regardez-vous !" (Bernard Tapie, geste des mains à l'appui, se moque des kilos en trop de son interlocuteurn qui accuse 15 années de plus que lui).

PPDA a du mal à se faire entendre : "il a eu le courage de venir", glisse-t-il en prenant la défense de M. Tapie qui vient de subir une nouvelle salve d'attaques.

Un record d'audience

De fait, tous les hommes politiques de gauche (PS, PC) comme de droite (RPR, PR) ont refusé de participer à ce débat pour ne pas faire de la publicité au FN. Alors que TF1 a présenté Bernard Tapie comme "représentant de la majorité présidentielle" (derrière François Mitterrand), le PS a fait savoir qu'il s'exprimerait "en son nom personnel".

- "(...) 85% des gens vous détestent", lance Jean-Marie Le Pen qui se moque de celui qui "rachète des entreprises 1 franc".

Ce à quoi Tapie répond :

- "C'est mieux que d'hériter".

Après l'émission, dans sa loge, Le Pen dit: "vous croyez qu'il m'aurait cassé la gueule ? Il a du culot quand même !"

Le lendemain, la presse donne généralement Tapie vainqueur. Ce fut un record d'audience. En 2015, le journaliste Bruno Roger-Petit, devenu en 2017 porte-parole de l'Élysée, écrivait que, si Tapie l'avait emporté, les Français avaient surtout assisté à un "duel de vanités vulgaires".

Un débat en gants de boxe ?

Les grandes gueules de la politique française d'alors ont à nouveau débattu le 1er juin 1994, cette fois sur France 2, dans le cadre de la campagne des élections européennes.

Ils sont restés courtois bien que s'interrompant constamment, le premier défendant l'utilité de l'Europe et le second s'employant à démontrer ses dangers.

Le leader du Front National Jean-Marie Le Pen et le député des Bouches du Rhône Bernard Tapie s'installent, en 1994, sur un plateau de France Télévision à Paris, avant de participer à un débat politique.
Le leader du Front National Jean-Marie Le Pen et le député des Bouches du Rhône Bernard Tapie s'installent, en 1994, sur un plateau de France Télévision à Paris, avant de participer à un débat politique. © Georges Bendrihem

Ce dernier débat est resté célèbre car Paul Amar, alors présentateur du JT de 20h d'Antenne 2, a ouvert l'émission en sortant d'un sac plastique des gants de boxe et des casques et en les offrant aux débatteurs.

Tapie n'a pas apprécié: "la politique, c'est sérieux", s'est-il borné à dire sèchement. Le Pen, lui, n'a pas semblé embarrassé. Cette initiative a choqué l'ensemble du monde politique et audiovisuel, y compris le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Elle a coûté sa place au journaliste.

L'hommage post-mortem inattendu de Le Pen à Tapie

La mort de l'homme d'affaires aux mille vies, le dimanche 3 octobre 2021, a donné lieu à une pluie d'hommages de personnalités de tous les milieux sur les réseaux sociaux. L'un d'entre eux a été particulièrement remarqué: celui de son rival de toujours.

Le co-fondateur du Front National a salué, dans un tweet, "le caractère exceptionnel de sa personnalité". "On parle encore des années Tapie", reconnaît-il, preuve de son impact sur la société française.

Un message jugé plutôt "fair-play" par certains internautes, compte tenu de la relation explosive qu'ont entretenue les deux bêtes médiatiques tout au long de leur vie.

L. M. avec AFP