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Politique

Profond désamour entre Nicolas Sarkozy et l'électorat catholique

L'inflexion sécuritaire de Nicolas Sarkozy, notamment à l'encontre des Roms et des gens du voyage, heurte l'électorat catholique, traditionnellement de droite, à moins de deux ans de l'élection présidentielle. /Photo d'archives/REUTERS/Philippe Wojazer

L'inflexion sécuritaire de Nicolas Sarkozy, notamment à l'encontre des Roms et des gens du voyage, heurte l'électorat catholique, traditionnellement de droite, à moins de deux ans de l'élection présidentielle. /Photo d'archives/REUTERS/Philippe Wojazer - -

par Clément Guillou PARIS (Reuters) - L'inflexion sécuritaire de Nicolas Sarkozy, notamment à l'encontre des Roms et des gens du voyage, heurte...

par Clément Guillou

PARIS (Reuters) - L'inflexion sécuritaire de Nicolas Sarkozy, notamment à l'encontre des Roms et des gens du voyage, heurte l'électorat catholique, traditionnellement de droite, à moins de deux ans de l'élection présidentielle.

Plusieurs hommes d'Eglise, au premier rang desquels le pape Benoît XVI, ont critiqué la politique de la France envers la minorité Rom, versant une pièce de plus au dossier du divorce croissant entre les catholiques pratiquants et Nicolas Sarkozy.

"À l'heure actuelle, il est évident qu'il y a une dégradation des relations entre les chrétiens et le gouvernement, peut-être le président de la République", a dit lundi à Reuters le député UMP Etienne Pinte, l'un des porte-voix de cet électorat au sein de la majorité.

"Pour tout chrétien, il y a des limites au-delà desquelles cette espèce de chasse à l'homme que nous vivons est insupportable", ajoute le député des Yvelines.

Christine Boutin, figure de l'électorat catholique de droite, fait état d'une "fêlure" entre sa formation, le Parti chrétien-démocrate (PCD), et l'UMP, qu'un "certain nombre d'adhérents" souhaiteraient quitter.

L'offensive sécuritaire de Nicolas Sarkozy a dans un premier temps séduit l'électorat catholique, car il est composé pour la grande majorité de personnes âgées, note Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département Opinion à l'Ifop.

Mais "les Eglises sont des éveilleurs de conscience", répond Etienne Pinte. Et ces derniers jours, l'Eglise a fait entendre son refus de la politique du chef de l'Etat.

VOTER SARKOZY "EN SE PINÇANT LE NEZ"

Plusieurs archevêques ont jugé que la situation actuelle des Roms était inacceptable. En français dans le texte, le pape Benoît XVI a invité les pèlerins à "savoir accueillir les légitimes diversités humaines".

La Conférence des évêques de France abordera la question des Roms lors de son conseil permanent en septembre. Le 15 août déjà, son président, Mgr André Vingt-Trois, a dénoncé à mots couverts la politique gouvernementale: "De quel prix payons-nous nos sécurités ? Ou plutôt à qui les faisons-nous payer ?", s'est-il interrogé dans une homélie.

Mgr Bernard Podvin, porte-parole de la Conférence des évêques, souligne qu'en prenant position, comme sur d'autres sujets, tels les écarts de richesse ou la bioéthique, les évêques "ne font pas de calcul politique".

Mais l'impact de leurs propos sur leurs fidèles est indéniable, de même que celui des journaux catholiques.

"Face aux méthodes utilisées à l'égard des gens du voyage, les chrétiens ne peuvent rester indifférents", écrit Antoine d'Abbundo dans l'éditorial de Pèlerin Magazine paru jeudi.

La veille, Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de La Vie, revenait sur "le malaise" entre "Sarko et les cathos".

"Pour la deuxième fois du quinquennat, Nicolas Sarkozy est en train de réussir le tour de force d'unifier toutes les sensibilités ecclésiales. Contre sa politique", écrivait-il.

"Par légitimisme autant que par civisme, ils iront sans doute voter en 2012, mais peut-être songent-ils déjà à se pincer le nez."

D'autant plus que, souligne Etienne Pinte, "personne aujourd'hui ne fédère les valeurs chrétiennes", pas même l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, qui qualifie la politique du gouvernement de "tache de honte" dans Le Monde daté de mardi, ou le dirigeant centriste François Bayrou.

"TOUT N'EST PAS DICTÉ PAR LEUR ENGAGEMENT"

Au premier tour en 2007, 45% des catholiques pratiquants avaient voté Nicolas Sarkozy contre 11% à Ségolène Royal.

Le début du quinquennat les avait largement satisfaits, le chef de l'Etat évoquant les "racines chrétiennes" de la France lors du discours de Latran, fin 2007.

Mais, bien vite, une relation de défiance est née entre les catholiques pratiquants - 15% de l'électorat - et le président de la République. Selon l'Ifop, sa popularité auprès de cet électorat est tombée de 61% en août 2009 à 47% en juillet 2010.

L'écart entre l'opinion des Français et celle des catholiques pratiquants vis-à-vis de Nicolas Sarkozy est passé de 22 points en 2009 à 10 points un an plus tard.

Le sondeur Jérôme Fourquet cite les polémiques sur les salaires de certains dirigeants d'entreprises publiques, "qui ont pu heurter la conscience catholique soucieuse que 'toute peine mérite salaire'", et celle sur les écrits passés du ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, "car l'homosexualité reste un tabou assez important dans l'électorat catholique, majoritairement féminin et âgé".

"Mais tout n'est pas complètement dicté par leur engagement religieux", poursuit Jérôme Fourquet. "En dépit de toute l'encre qui coule, les Français jugeront beaucoup sur les résultats."

Le sentiment d'insécurité, s'il persiste dans un an et demi, pourrait davantage convaincre cet électorat âgé de se tourner vers le Front national.

Edité par Yves Clarisse