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Politique

Primaire: ces ténors du PS qui ne soutiennent personne...ou presque

Christiane Taubira et Bernard Cazeneuve, le 20 novembre 2015.

Christiane Taubira et Bernard Cazeneuve, le 20 novembre 2015. - Emmanuel Dunant - AFP

Ils sont des figures fortes de la gauche ou du gouvernement et pourtant leurs intentions dans la primaire restent obscures. Si les raisons de ce silence varient d'un personnage à l'autre, leurs préférences, elles, ne sont pas toujours si mystérieuses... Tour d'horizon.

Ce dimanche, le premier tour de la primaire à gauche a livré sa sentence. Benoît Hamon a devancé Manuel Valls, tandis qu’Arnaud Montebourg et Vincent Peillon étaient éliminés. Sur les plateaux télé, les soutiens des candidats se sont succédé pour assurer le service après-vente, selon les circonstances, de la qualification pour le second tour ou de la défaite. Mais certaines personnalités fortes de la majorité ont, au contraire, brillé par leur absence, et ce, depuis plusieurs semaines. Ces prudents sont nombreux, de Ségolène Royal à François Rebsamen, en passant par Bernard Cazeneuve ou Christiane Taubira. Mais, pour un même silence, plusieurs significations se dégagent.

On ne sait pas pour qui ils votent…mais on sait qu’ils ne voteront pas pour Benoît Hamon

Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, l’a prouvé. On peut être porte-parole du gouvernement et ne pas donner la sienne pour ce qui est de la primaire à gauche. Ce fidèle de François Hollande, désarçonné par l’annonce du retrait de son patron et ami, n’a pas voulu indiquer à qui il entendait accorder son suffrage lors du premier tour de la primaire. S’il a bien voté dans un bureau du Mans (Sarthe), Stéphane Le Foll s’est gardé de dire pour qui.

Il avait déjà expliqué qu’il ne comptait pas révéler son allégeance d’ici au premier tour. Certes, celui-ci est passé et on n’est pas plus avancé quant au soutien du ministre, cependant, ce dernier a laissé entendre au préalable qu’il existait des candidats pour qui il ne voterait pas. Il a ainsi expliqué à France info qu’il n’était "pas sur la même ligne que celle incarnée par Benoît Hamon ou Arnaud Montebourg".

François Rebsamen n’est peut-être plus au gouvernement depuis qu’il a quitté le ministère du Travail mais la voix du maire de Dijon et président de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains pèse toujours. C’est peut-être pour ça qu’il a choisi de l’économiser en ne faisant la campagne de personne. Mais, à en juger par ses déclarations récentes au micro d’Europe 1, le temps des hésitations est passé. Avant le premier tour, il lançait:

"Je ne voterai pas pour ceux qui ont participé de la Fronde pendant ce quinquennat, c’est-à-dire que je ne voterai ni pour Arnaud Montebourg ni pour Benoît Hamon." Il ajoutait alors que ça se jouerait, en ce qui le concerne, entre Vincent Peillon et Manuel Valls. La confrontation offerte au second tour ne devrait donc pas le dérouter au moment de se rendre aux urnes dimanche prochain.

Elles n’ont pas voulu s’engager au premier tour…mais combattent Valls

Ses intentions sont sans doute les plus scrutées de toute la gauche. Mais jusqu’ici, en retrait de la politique nationale notamment pour des raisons de santé, Martine Aubry avait refusé d’épauler l’un ou l’autre des candidats. C’est à présent chose faite. Avec vingt autres personnalités, elle a signé un texte appelant à voter pour Benoît Hamon au second tour de la primaire. Le communiqué précise qu’il s’agit "de rassembler des gauches que nous n’avons jamais crues irréconciliables." L’allusion à l’ex-Premier ministre est transparente.

Il faut dire que Manuel Valls n’a jamais été une option pour la maire de Lille. Selon Le Monde, c’est la proposition d’un revenu universel qui a retenu si longtemps Martine Aubry de s’associer au député élu dans les Yvelines. Dans le même temps, un ralliement à Arnaud Montebourg était exclu: elle ne lui a jamais pardonné de s’être placé sous la bannière de François Hollande, et non la sienne, avant la dernière manche de la primaire de 2011. Enfin, si elle a été soupçonnée d’avoir pensé l’entrée en campagne inattendue de Vincent Peillon, elle l’a toujours nié.

Christiane Taubira, l’ex-Garde des Sceaux, quant-à-elle, n’a encore rien dit. Mais Benoît Hamon espère le soutien de celle qui est devenue une icône d’une frange de la gauche autour de la loi sur le Mariage pour tous et celle-ci ne cache pas son aversion pour Manuel Valls. C’est d’ailleurs après une énième anicroche avec lui, cette fois-ci autour du projet de loi sur la déchéance de nationalité pour les terroristes, qu’elle a décidé de démissionner.

Aujourd’hui encore, l’ancienne ministre de la Justice malmène la politique mise en œuvre par Manuel Valls à l’Hôtel Matignon, comme dans un entretien dernièrement accordé à l’hebdomadaire Le 1, relayé ici par 20 Minutes:

"Progressivement, sous cette législature, le mot d’ordre face aux contestations, et parfois aux simples questions, a consisté à intimer le silence."

On ne connaît pas leur préférence mais on sait qu’ils n’excluent pas de voter pour Emmanuel Macron

Porté par des sondages favorables, Emmanuel Macron a beau ne pas être candidat à la primaire à gauche, son ombre en filigrane a perturbé les débats. Et, au sein même d’un gouvernement socialiste qu’il a quitté avec pertes et fracas, il jouit d’un intérêt réel auprès de personnages-clés du cabinet. Jean-Marc Ayrault est de ceux-là. L'actuel ministre des Affaires étrangères n’a soutenu personne lors de la primaire mais il n’écarte pas un désistement du candidat désigné par celle-ci en faveur du fondateur d'"En Marche!". Pour Jean-Marc Ayrault, tout sera affaire de dynamique au moment d’entrer dans la phase finale de la campagne:

"J’espère que le candidat socialiste sera capable de créer la dynamique, sinon il faudra se poser la question de savoir où est la dynamique."

La ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, s’est montrée plus taquine encore à l’égard de son camp. Bien sûr, elle a assuré qu’elle allait voter lors du scrutin préliminaire de la gauche…mais sans préciser où se porterait son choix. Quant à savoir si elle soutiendra celui qui sortira gagnant de cette compétition à la présidentielle, les choses sont plus floues encore. Elle ne se décidera en effet "qu’une fois désigné le vainqueur de la primaire".

Ségolène Royal n’est pas partisane de la ligne économique de Benoît Hamon et ses relations avec Manuel Valls sont notoirement mauvaises. En revanche, elle a confié "observer avec bienveillance" la trajectoire de l’ancien pensionnaire de Bercy. Pour elle, "aucune hypothèse n’est à écarter".

Ils n’ont soutenu personne…et ne soutiendront personne jusqu’à nouvel ordre

Lorsqu’en décembre, Manuel Valls a délaissé les commandes du gouvernement, c’est Bernard Cazeneuve, qui lui avait déjà succédé à l’Intérieur, qui les a prises en main. Et il n’a pas l’intention d’exprimer sa sympathie électorale à son prédécesseur d’ici la fin de la primaire, ni à qui que ce soit d’ailleurs. Dans le JDD, Bernard Cazeneuve soulignait ainsi son attachement au devoir de réserve: "Je suis chef de la majorité et garant de son unité par-delà les primaires. Cela m’oblige à une certaine réserve."

A devoir de réserve, devoir de réserve et demi. Alors que son Premier ministre estime ne pas pouvoir prendre parti, François Hollande, en sa qualité de chef de l’Etat, se montre au moins aussi prudent. Si on ne sait pas ce qu’il a prévu dimanche prochain au moment du second tour, on sait ce qu’il a fait dimanche dernier, quand les sympathisants de la gauche traçaient les contours de la finale de la primaire: en visite au Chili, il arpentait le désert d’Atacama, à des milliers de kilomètres de la mobilisation hexagonale. Il s’est refusé à commenter l’actualité de sa famille politique:

"Je ne veux pas faire de commentaire ici. Après," a-t-il glissé, lapidaire.

Pour le moment, son agenda est muet à la date du 29 janvier. Comme lui. 

Robin Verner