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Primaire à gauche et 2017: quelles options pour le couple Hollande-Valls?

Entre interviews menaçantes et déjeuners "cordiaux", François Hollande et Manuel Valls se scrutent en attendant de savoir qui fera le premier un pas vers la présidentielle. Quels scénarios sont envisageables pour les six prochains mois?

A les entendre, tout va très bien. Pourtant, le week-end a été tendu entre Manuel Valls et François Hollande. Après une interview très offensive du Premier ministre contre le chef de l'Etat dans le Journal du dimanche, les deux hommes se sont expliqués lors de leur déjeuner hebdomadaire lundi.

Un repas scruté de toutes parts. Mais rien n'en a filtré, sinon un message rassurant de Matignon: Manuel Valls ne démissionnera pas, et ne déclenchera aucune "crise institutionnelle" au sommet de l'Etat. Retour à la case départ... En attendant que François Hollande annonce sa décision. Cela devrait avoir lieu dans les prochains jours, avait promis le Président. Mais que peut-il se passer au juste? Thierry Arnaud, éditorialiste politique de BFMTV, livre ses différents scénarios.

> Si Hollande est candidat...

Peut-il se passer de la primaire?

François Hollande pourrait-il être tenté de contourner la primaire? Malgré les démentis de Jean-Christophe Cambadélis, le patron du PS, les rumeurs circulent avec insistance. "La primaire était initialement destinée à lui redonner une légitimité, mais il a conscience qu'elle pourrait au contraire l'abîmer", constate Thierry Arnaud. "Tous les autres candidats seraient prêts à l'attaquer, et d'autre part l'affiche serait moins 'glorieuse' que pour la primaire de la droite."

Le chef de l'Etat a pourtant validé les conditions de cette primaire avec Jean-Christophe Cambadélis. "Le calendrier du scrutin a été fixé pour correspondre à son agenda: difficile dans ce cas de dire qu'il n'y participera pas. La tentation de la contourner existe, mais s'il est candidat, elle paraît très compliquée."

Que devient Manuel Valls ?

Quelles conséquences pour le Premier ministre si François Hollande se lançait finalement dans la bataille? "Le scénario le moins compliqué pour François Hollande et le PS, ce serait le ralliement, bon gré mal gré, de Manuel Valls. Mais même dans ce cas de figure, le pari d'enclencher une dynamique pour doubler son socle d'intentions de vote (actuellement autour de 8-9%) avec sa candidature reste très ambitieux."

  • Autre possibilité évoquée par Thierry Arnaud: "Manuel Valls s'incline et observe de loin la campagne de François Hollande. Il se tient prêt à être un recours si ce dernier perdait la primaire."

Enfin, dernière hypothèse: Manuel Valls est candidat contre François Hollande. "Mais c'est peu probable, compte tenu ce qu'on a vu et entendu au cours des dernières heures de la part du Premier ministre. Aujourd'hui ce qu'on peut dire, c'est que Manuel Valls aura tout tenté, en vain, pour faire comprendre à François Hollande qu'il n'est pas le bon candidat". 

> Si Hollande n'est pas candidat...

Quelle conséquence pour Manuel Valls?

Pour Thierry Arnaud, aucun doute: "Il y va, dans la minute!". Il aura sur sa route un atout: "il est plus populaire que François Hollande. Au niveau des intentions de vote, ils sont à peu près au même niveau, mais en cote de popularité, l'écart est plus important. La capacité de Manuel Valls à enclencher une dynamique paraît difficile, mais moins que pour François Hollande. Il apparaîtra comme un homme nouveau, doté d'une bien meilleure image. Il incarne l'autorité, la fermeté, ce que en creux François Hollande ne parvient pas à incarner". 

Restent deux difficultés majeures qui attendraient le Premier ministre: "il n'a pas de base au sein du PS, et ne maîtrise pas l'appareil du parti. Et enfin il fait l'objet d'un rejet viscéral de la part d'une partie de la gauche du PS - Anne Hidalgo, Christiane Taubira, Martine Aubry, etc. Il existe d'ailleurs un scénario redouté par certains socialistes: la création d'une candidature dans la primaire qui cristalliserait ce rejet, et pourrait être incarnée par exemple par Christiane Taubira". 

Peut-il jouer un rôle malgré tout?

Ce serait un rôle plus surprenant, mais possible: François Hollande pourrait décider de se retirer de la course, et de préférer soutenir Manuel Valls. "Il n'a pas ce rapport d'antagonisme avec Anne Hidalgo ou Christiane Taubira, et pourrait donc leur dire: je ne peux pas être candidat, Manuel Valls est le seul présidentiable possible et je vous demande de surmonter vos réserves parce qu'il est notre seule chance". 

  • > Conclusion: quoi qu'il arrive, ce sera difficile

Ces scénarios sont à considérer en fonction de l'état du paysage politique actuel: "aujourd'hui, le total des voix de gauche s'élève à 35%, soit 10 points de moins qu'en 2012", rappelle Thierry Arnaud. Hors primaire, sept candidats de gauche se bousculent déjà sur la ligne de départ pour la présidentielle. "Même dans le meilleur des cas, on est donc loin de la qualification au second tour". 

Pour le PS, l'enjeu n'est pas seulement la présidentielle mais surtout sa "dans quel état il arrive à la prochaine législature. Le groupe parlementaire sera-t-il plus important que celui du FN? Et au-delà de 2017, qui sera le futur présidentiable?" Autant de questions qui n'ont pas encore trouvé de réponses. Mais quoi qu'il arrive, l'issue risque d'être douloureuse pour le PS.

Propos recueillis par Ariane Kujawski