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Pasqua jugé pour corruption devant la Cour de justice

Le procès de l'ex-ministre de l'Intérieur Charles Pasqua s'ouvre lundi devant la Cour de justice de la République pour trois affaires de corruption présumée entre 1993 et 1995. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau

Le procès de l'ex-ministre de l'Intérieur Charles Pasqua s'ouvre lundi devant la Cour de justice de la République pour trois affaires de corruption présumée entre 1993 et 1995. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau - -

Le procès de l'ex-ministre de l'Intérieur Charles Pasqua s'ouvre ce lundi devant la Cour de justice pour trois affaires de corruption présumée entre 1993 et 1995.

par Clément Dossin

PARIS (Reuters) - Charles Pasqua a clamé lundi son innocence à l'ouverture de son procès devant la Cour de justice de la République pour trois affaires de corruption présumée à l'époque où il était ministre de l'Intérieur de 1993 à 1995.

Poursuivi pour "complicité et recel d'abus de biens sociaux" et "corruption passive par personne dépositaire de l'autorité publique", le sénateur, qui a fêté ses 83 ans dimanche, encourt jusqu'à dix ans de prison devant cette juridiction spéciale.

Composée de trois magistrats et douze parlementaires, la Cour, créée pour enquêter sur les présomptions de crimes et délits commis par des ministres dans l'exercice de leurs fonctions, siège pour la quatrième fois en 17 ans.

"Je suis innocent des faits qui me sont reprochés et j'espère que les débats le feront ressortir", a déclaré Charles Pasqua devant la Cour, dénonçant la façon "anormale" dont l'instruction a été conduite selon lui, "à charge et au mépris de (s)es droits élémentaires".

L'ex-ministre, qui a fait preuve de véhémence, a qualifié tour à tour les accusations portées à son encontre de "totalement fausses", "inacceptables" et "grotesques".

"Ce qui est beaucoup plus grave", a-t-il ajouté devant la presse, "ce sont les carences du système judiciaire parce qu'entre les moments où les faits ont été constatés (en 2001), dit-on, et aujourd'hui, il s'est écoulé neuf ans" durant lesquels il dit avoir été "traîné dans la boue".

"ANCIEN COMBATTANT"

"Il a fallu une bonne dose de sympathie de l'opinion publique pour que je sois encore en vie aujourd'hui, je veux dire dans la vie politique", a-t-il ajouté.

Prié de dire s'il pensait tenir le choc durant le procès, il a répondu dans un sourire: "Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis un ancien combattant, j'en ai vu d'autres."

La Cour avait rejeté plus tôt les trois "questions prioritaires de constitutionnalité" déposées par la défense, qui entendait dénoncer la "violation incontestable" de la présomption d'innocence de son client. Si elles avaient été acceptées, le procès se serait arrêté avant d'avoir commencé.

Les juges ont en outre rejeté la demande de Pierre Falcone de ne pas se présenter comme témoin durant le procès, dont le verdict sera rendu le 30 avril.

Concentré sur deux semaines, le procès verra défiler à la barre une soixantaine de témoins parmi lesquels Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, convoqué mardi en qualité d'ancien directeur de cabinet adjoint et homme de confiance de Charles Pasqua à l'Intérieur.

"LES JOURNÉES D'UN MINISTRE SONT LOURDES"

Charles Pasqua a toujours nié les accusations et soutenu que ces affaires avaient été montées de toutes pièces pour l'empêcher de se présenter à l'élection présidentielle de 2002 contre Jacques Chirac.

L'audience pourrait embarrasser l'Elysée car Charles Pasqua a conservé des liens étroits avec la droite et Nicolas Sarkozy.

En cas de prison ferme, la peine ne pourrait être mise à exécution, en raison de l'immunité parlementaire de Charles Pasqua. Un pourvoi en cassation retarderait l'échéance. Cette protection a contribué jusqu'ici à lui éviter toute garde à vue ou incarcération, malgré une pléiade d'enquêtes.

Charles Pasqua est jugé d'abord pour "complicité d'abus de biens sociaux" pour un pot-de-vin de 790.000 euros versé par Alstom en 1994 en échange de l'autorisation administrative de déplacer son siège.

Il est par ailleurs poursuivi pour les 8,8 millions d'euros perçus frauduleusement par des proches, l'intermédiaire Etienne Leandri et l'homme d'affaires Pierre Falcone, en marge de contrats passés par la Sofremi, liée à l'Intérieur, qui commercialise des matériels de sécurité et de défense.

Dans la troisième affaire, le sénateur est jugé pour "corruption passive" pour l'autorisation d'exploitation du casino d'Annemasse (Haute-Savoie) accordée en 1994 à deux de ses amis, Robert Feliciaggi et Michel Tomi, qui ont plus tard financé le parti de Charles Pasqua, le Rassemblement du peuple français (RPF), à hauteur de 1,1 million d'euros.

"Tout se passe comme si la seule charge d'un ministre était de s'occuper de l'autorisation d'un casino, l'autorisation de transfert d'un siège social (...) Les journées d'un ministre de l'Intérieur sont lourdes. Il n'a pas de temps à consacrer à l'examen de détails", a fait valoir Charles Pasqua.

Avec Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse