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Parti socialiste

Martine Aubry et Manuel Valls, les dessous d'une rivalité ancienne

Martine Aubry et Manuel Valls à Lille en mai 2015.

Martine Aubry et Manuel Valls à Lille en mai 2015. - Denis Charlet - AFP

La tribune de l'ancienne ministre est un véritable réquisitoire contre le locataire de Matignon. Mais la rivalité entre les deux personnalités socialistes est loin d'être nouvelle.

Avec sa tribune "Trop, c'est trop" publiée ce mercredi dans Le Monde, Martine Aubry défie une nouvelle fois Manuel Valls. La maire de Lille n'en est pas à sa première pique contre la politique menée par le Premier ministre: sa relation avec Manuel Valls est houleuse depuis longtemps.

Les premières tensions apparaissent au grand jour dès 2008. Au lendemain du congrès de Reims en novembre, qui voit Manuel Valls soutenir Ségolène Royal face à Martine Aubry, le PS est déchiré entre les courants et Martine Aubry, patronne du parti, tente tant bien que mal de rassembler ses troupes. Mais face à elle, Manuel Valls s'expose dans les médias, et n'épargne pas le PS ni sa dirigeante dans ses interventions.

"Wanted: Manuel Valls"

Au point qu'en 2009, Martine Aubry lui adresse une lettre qu'elle rend publique. "On ne peut utiliser un parti pour obtenir un mandat et des succès (…) et s'en affranchir pour exister dans les médias à des fins de promotion personnelle", écrit-elle. "Si les propos que tu exprimes, reflètent profondément ta pensée, alors tu dois en tirer pleinement les conséquences et quitter le Parti socialiste."

Le lendemain, Libération titre sur sa une "Wanted: Manuel Valls", avec sa tête sur une cible. "Un exemplaire du journal dont ses collaborateurs lui ont offert un encadrement qu'il a disposé au-dessus de son bureau à la mairie d'Evry", rappelle François-Xavier Bourmaud dans son livre PS, la bataille des égos. Pas de quoi faire trembler le futur Premier ministre. "Le Parti socialiste ne m'appartient pas, il n'appartient pas à Martine Aubry", répond-il quelques jours plus tard.

Une accalmie de courte durée

Adversaires lors de la primaire ouverte du PS en 2011, leurs relations se calment lorsque François Hollande arrive au pouvoir. La maire de Lille fait pourtant rapidement entendre sa voix en août 2013 via une tribune dans laquelle elle estime que les mesures prises ne sont pas "suffisantes".

En mai 2014, on la voit faire meeting commun à Lille avec Manuel Valls pour les élections européennes. Tous deux affichent une entente de façade, se lancent des "chère Martine" et des "cher Manuel", mais les sourires sont crispés. Chacun se répond à mots couverts à travers les prises de parole lors du meeting. Martine Aubry feint à peine de cibler Manuel Valls lorsqu'elle fustige la politique d'austérité à la tribune. Quant à Manuel Valls, il se défend directement: "On ne fait pas d'austérité quand on crée 60 000 postes dans l'Éducation, quand on augmente les effectifs de la police, quand on définit les priorités".

"Comment vous dire? Ras-le-bol!"

Les invectives se poursuivent, et la colère de Martine Aubry face à la politique de l'exécutif ne faiblit pas. Pour elle, la loi Macron est le texte de trop. "Comment vous dire? Ras-le-bol", lance en septembre 2015 l'ancienne ministre du Travail. L'exaspération est à son comble pour celle qui voit remettre en question "sa" loi sur les 35 heures. Dans la foulée, Manuel Valls en prend lui aussi pour son grade, accusé de vouloir "modifier le Code du travail pour accroître la précarité".

Mais que veut Martine Aubry, dont la rupture semble consommée avec l'exécutif? Entrer au gouvernement? Certainement pas, et elle l'a fait savoir plus d'une fois. Manuel Valls souhaite qu'elle se présente aux élections régionales dans le Nord? Très peu pour elle. A l'automne, son silence en pleine campagne électorale agace Matignon, qui l'enjoint à s'engager plus frontalement dans la campagne du candidat socialiste Pierre de Saintignon.

L'ambiance est exécrable, et les deux séquences politiques représentées par la déchéance de nationalité et le projet de loi sur le code du travail, pilotées de près par Manuel Valls, apportent les dernières pierres à l'édifice de Martine Aubry et sa tribune au vitriol. Un texte rapidement devenu une pétition: ses lecteurs sont désormais invités à la signer sur site baptisé "Sortirdelimpasse.fr". L'attaque contre Manuel Valls est frontale. La réponse ne devrait plus tarder.

https://twitter.com/ariane_k Ariane Kujawski Journaliste BFMTV