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Vote blanc: "Ce projet de loi aurait dû être plus ambitieux"

Pour le politologue Emmanuel Saint-Bonnet, cette réforme du vote est sans envergure car sans impact lors des élections.

Pour le politologue Emmanuel Saint-Bonnet, cette réforme du vote est sans envergure car sans impact lors des élections. - -

Les députés ont voté jeudi le texte de loi visant à comptabiliser le vote blanc. Le politologue Emmanuel Saint-Bonnet admet qu'on "répare une injustice en séparant les "blancs" des "nuls".

Porté par les centristes Jean-Louis Borloo et François Sauvadet, le texte de loi sur le vote blanc a été voté à l'unanimité jeudi. Mais la majorité socialiste a repoussé l'entrée en vigueur de cette mesure après les prochaines élections municipales. Le texte voté prévoit, à l'initiative du PS, une entrée en vigueur au 1er avril.

Mais, pour que la reconnaissance du vote blanc soit la règle pour les européennes, il faut que d'ici là, la navette entre les deux assemblées se soit terminée. Sur ce point, le ministre de la Ville François Lamy, qui représentait le gouvernement, ne s'est pas engagé sur une date d'inscription du texte à l'ordre du jour du Sénat.

Pour le politologue Emmanuel Saint-Bonnet, interrogé par BFMTV.com, il s'agit surtout d'une réforme sans envergure car sans impact lors des élections. Interview.

L’argument phare des "pro-vote blanc" est de dire que leur comptabilisation endiguera la montée d’un vote vers les extrêmes. Est-ce recevable?

Non. Clairement, dans un premier temps, ceux qui ont franchi le pas de voter aux extrêmes, et notamment au Front national, ne feront plus marche arrière. D’autant plus que le texte présenté en seconde lecture aux députés reste maigre et n’aura pas d’influence sur la vie politique française.

Le FN peut toujours capitaliser sur les déçus, ceux partisans d’un vote protestataire et, également, il ne faut pas se voiler la face, le parti de Marine Le Pen ne recueille pas uniquement un vote de désespoir. Il existe un aussi un vote d’adhésion aux extrêmes même si ceux de droite inquiètent plus aujourd’hui que ceux de gauche.

Quant aux abstentionnistes je ne crois pas que cette décision puisse suffire à les convaincre de retourner aux urnes car ceux-ci, malgré des profils très différents (du vacancier qui n'a pas éffectué la démarche de la procuration au convaincu d’exprimer une opinion en boycottant le vote en passant par celui qui oublie) n’a plus vraiment confiance en la politique et ses représentants.

Pour changer cela, le projet de loi aurait dû être plus ambitieux même si l’on répare une injustice en séparant les "nuls" et les "blancs".

S'agit-il d’un progrès?

Oui mais très limité. Le vote blanc est l’expression d’une opinion et il est normal de la prendre en compte. Or, avec ce texte, on le fait a minima.

De plus, le fait de repousser son application aux européennes ne peut être qu’un argument supplémentaire pour ceux qui critiquent la politique politicienne et les jeux d’intrigues des dirigeants.

Pour autant, ce n’est pas non plus un sujet majeur dans l’opinion. Le débat se perdra dans quelques polémiques stériles et les Français pourraient, une nouvelle fois, être plus irrités qu’autre chose.

A la place du Parti pour le Vote Blanc, je me ferais du souci car avec ce texte, ce débat et l’intégration du vote blanc dans les suffrages exprimés est enterré pour de longues années.

Qu’aurait-il fallu ajouter au texte selon vous pour se montrer novateur?

Peut-être attacher ce texte à la loi sur non-cumul des mandats. Si un député ou autre est élu avec moins de 50% des suffrages exprimés on aurait pu l’empêcher de se représenter à l’élection suivante car la majorité relative ne suffit pas. Il s’agit là de limiter les mandats mais aussi de les limiter dans le temps. 

Les centristes avancent le chiffre le 70% des Français favorables à cette mesure…

Je ne vois pas la possibilité d’une mobilisation d’envergure sur le sujet. Mis à part des mouvements comme "La Manif pour tous" ou les "Bonnets rouges", c’est plutôt l’apathie généralisée dans le pays. La déception et la désillusion priment.

Propos recueillis par Samuel Auffray