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Parlement

Révision constitutionnelle: après le vote de l'Assemblée, le texte au Sénat

Si le texte a été approuvé par les députés mercredi soir, il doit désormais être présenté au Sénat, majoritairement à droite. Et les sénateurs Les Républicains disent déjà leur intention de ne pas voter le projet de loi en l'état. Explications.

L'Assemblée a voté mercredi la révision constitutionnelle voulue par François Hollande, à 317 voix contre 199. Une première étape du processus législatif pour ce texte, mais le parcours est loin d'être terminé: désormais, c'est le Sénat qui va s'emparer du projet de loi. Comme la loi prévoit un délai minimal de quatre semaines avant l'examen par la chambre haute, l'examen par les sénateurs n'aura pas lieu pas avant le 10 mars.

Mais le chef de file des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau, a prévenu: les sénateurs sont prêts à voter uniquement la version de la loi présentée le 23 décembre dernier en Conseil des ministres. Or depuis, elle a été réécrite sans référence à la binationalité – donc en ouvrant la possibilité de rendre des individus apatrides.

"Nous avons toujours dit avec Gérard Larcher que c'était une ligne rouge. Nous, nous n'avons pas bougé depuis le congrès de Versailles et depuis la mouture qui a été déposée à l'époque par le gouvernement de Manuel Valls (...). Pour nous, c'est cette mouture que nous voterons", a-t-il développé le 4 février dernier.

> Assemblée et Sénat doivent voter le même texte

Il est donc probable que le Sénat réécrive le texte. Mais la Constitution stipule que le texte de révision doit être "voté par les deux assemblées en termes identiques". Si le projet de loi est modifié par le Sénat, le texte repartira donc ensuite à l'Assemblée – une procédure connue sous le nom de navette parlementaire. Dans le cas d'une révision constitutionnelle, les navettes ne sont pas limitées, ni en nombre, ni dans le temps. Théoriquement, il peut donc y avoir un nombre infini d'allers-retours.

Le texte pourrait donc se retrouver bloqué, et le gouvernement dans l'impasse. Mais ce dernier choisit l'optimisme: après le vote à l'Assemblée, Manuel Valls a affirmé "ne pas douter un seul instant que le Sénat fera preuve de la même responsabilité". Carlos Da Silva, proche du Premier ministre, veut croire lui aussi à "un travail fructueux".

"Ils ont souligné leur volonté de reprendre le texte, mais je crois qu’ils ne sont pas dans la surenchère. Quand le Sénat devra se prononcer, quand nous serons dans la solennité du Congrès, je pense qu'il y aura un rassemblement encore plus fort", a-t-il confié mercredi soir sur BFMTV.

> Les voix de droite essentielles

Si les deux chambres votent le même texte, François Hollande pourra alors convoquer le Congrès à Versailles. Les parlementaires ne pourront alors plus modifier le texte, mais simplement l'approuver ou le rejeter. Et l'approbation nécessitera la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés pour être validée. Pour y arriver, l'exécutif devra, quoi qu'il arrive, compter sur des voix de droite.

"Cette affaire est mort-née", a lâché François Fillon mercredi avant le vote. "Je suis convaincu que la déchéance de nationalité ne franchira pas la porte du château de Versailles", affirmait le frondeur Christian Paul le 5 février dernier. Pour l'élu socialiste, "la question est de savoir qui portera la responsabilité de l'échec de la réforme. Probablement le Sénat".

> Quelles options en cas de blocage?

"L'objectif de François Hollande maintenant, c'est de faire porter la responsabilité d'un échec à la droite", abonde Patrick Devedjian, qui a toujours clamé son opposition au texte. A moins que l'exécutif ne décide finalement de retirer l'article 2 du projet de loi, celui sur la déchéance de nationalité qui concentre les crispations et les divisions, pour ne conserver que celui sur l'état d'urgence. Mais après des semaines de débats sur cet article et la démission de Christiane Taubira, il est peu probable que François Hollande décide de reculer.

Demeure enfin l'option du référendum. Mais même si une majorité de Français semblent convaincus par la déchéance de nationalité (85% l'affirmaient dans un sondage en décembre dernier), cette hypothèse n'est pas sans danger. Car le chef de l'Etat prendrait le risque de voir cette élection se transformer en un scrutin sanction contre sa politique, à un an et demi de la présidentielle. Une option qui ne sera donc très probablement pas retenue.

>> Bruno Retailleau est l'invité de Jean-Jacques Bourdin jeudi à 8h35

A. K.