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Parlement

Loi antiterroriste: à l'Assemblée, gauche et droite tirent tour à tour leurs flèches

Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, à l'Assemblée nationale le 1er juin 2021

Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, à l'Assemblée nationale le 1er juin 2021 - AFP / Thomas Samson

Exécutif et majorité ont défendu le 1er article du projet de loi qui fait entrer définitivement dans le droit commun quatre mesures emblématiques mais expérimentales de la loi Silt de 2017.

L'Assemblée nationale a entamé mardi soir l'examen en première lecture du nouveau projet de loi antiterroriste et renseignement. La majorité a pérennisé des mesures inspirées de l'état d'urgence tout en refusant, au nom des libertés publiques, de durcir davantage le texte comme le voudrait la droite.

C'est toutefois aux banderilles de la gauche que gouvernement et majorité ont dû d'abord répondre. Ils ont défendu le 1er article du projet de loi qui fait entrer définitivement dans le droit commun quatre mesures emblématiques mais expérimentales de la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (dite Silt) de 2017.

"Le terrorisme mute"

Périmètres de sécurité, fermeture de lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) et visites domiciliaires: ces quatre dispositions de police administrative avaient pris la suite de mesures de l'état d'urgence mise en oeuvre pendant deux années après les sanglants attentats de Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015.

Elles sont contestées par des défenseurs des libertés publiques. Plus tôt dans la journée, les débats avaient tourné à l'orage entre gouvernement et la LFI qui a porté sans succès une motion de rejet du texte.

"Le terrorisme mute comme un sale virus. (...) Il est tout à fait normal que nous suivions ces évolutions. Que voulez-vous la LFI? (...) Le nihilisme est insupportable", a fustigé le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti.

"Procédé politique abject"

L'insoumis Ugo Bernalicis a dénoncé avec ces sous-entendus un "procédé politique abject". Pour le gouvernement, ce nouveau projet dans l'arsenal antiterroriste, concilie "vigilance" face à la menace et "protection" des libertés.

Avec en toile de fond l'inquiétude de tous les acteurs de la lutte antiterroriste autour de la libération des détenus condamnés pour actes de terrorisme, gouvernement et majorité veulent donner un second souffle à deux textes adoptés en 2015 et 2017, les lois "renseignement" et "Silt".

Et près d'un an après la censure par le Conseil Constitutionnel d'une proposition de loi LaREM instaurant des mesures de sûreté, le gouvernement propose deux volets de mesures pour éviter les "sorties sèches".

"Dramatisation du débat"

L'Assemblée nationale a commencé à examiner l'une d'entre elles dans la nuit de mardi à ce mercredi: muscler les Micas. Le projet prévoit ainsi l'interdiction, pour une personne sous surveillance et assignée dans un périmètre de résidence, d'être présente lors d'un évènement exposé à un risque terroriste particulier et la possibilité d'allonger jusqu'à deux ans cumulés les Micas, une disposition pour laquelle le Conseil d'Etat consulté en amont, a émis de sérieuses réserves.

Celle-ci doit être complétée par la création d'une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion.

"D'ici la fin de 2024, 163 personnes" détenues après avoir été condamnées pour des faits de terrorisme auront purgé leurs peines et présenteront "sans doute encore des signes de radicalisation", a rappelé Eric Dupond-Moretti.

Kyrielle d'amendements LR

Si la droite a annoncé son intention de voter le texte, cela ne l'a pas empêché de déposer une kyrielle d'amendements visant à renforcer l'efficacité ou à faciliter l'usage des Micas tout en dénonçant un "état d'impuissance permanente".

Face au risque de censure constitutionnelle invoquée par la majorité, Eric Ciotti a fustigé "la faiblesse de nos outils par rapport à la gravité des menaces" et a appelé à changer de "cadre".

"Vous voulez animer le débat politique mais vous savez que si on vote, on encourt la censure constitutionnelle et donc on se retrouvera le 1er aout sans rien", a taclé le co-rapporteur LaREM Raphaël Gauvain.

Évolutions technologiques

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a déploré "une "dramatisation du débat" sur la Constitution. Celui-ci devrait cependant constituer le centre des discussions mercredi après-midi car plusieurs dizaines d'amendements doivent être encore débattus sur cette seule disposition. Au total 276 restent encore à discuter.

Annoncé dans la foulée de l'attentat contre une fonctionnaire de police à Rambouillet, ce nouveau projet de loi était programmé de longue date. Son autre volet concerne le renseignement. Le gouvernement tire les conséquences des évolutions technologiques et juridiques de ces cinq dernières années.

Les services disposeront d'un régime particulier de conservation des renseignements pour améliorer les outils d'intelligence artificielle, pourront intercepter des communications satellitaires. La technique dite de l'algorithme qui permet d'analyser des données de navigation sur internet fournies par les opérateurs télécoms, pérennisée, est étendue aux URL de connexion.

Jules Pecnard avec AFP Journaliste BFMTV