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"La policière m'a raccroché au nez": des victimes évoquent les ratés du 13 novembre

Camille Langlade a raconté son échange avec la police le 13 novembre depuis le Bataclan.

Camille Langlade a raconté son échange avec la police le 13 novembre depuis le Bataclan. - BFMTV

Des victimes et des proches des victimes des attentats du 13 novembre ont été auditionnés lundi à l'Assemblée nationale. Ils ont livré des témoignages douloureux, exprimé des dysfonctionnements et défendu les valeurs auxquelles ils tenaient.

Caroline Langlade était au Bataclan le 13 novembre dernier. Retranchée dans une loge de 9 mètres carré avec une quarantaine d'autres personnes, elle a tenté à plusieurs reprises de joindre la police. Si la première fois tout s'est bien passé, ce n'est pas le cas de la seconde, où elle est tombée sur une policière incapable de leur venir en aide. "La personne m'a demandée de parler plus fort. Je lui ai expliqué que j'étais otage, elle m'a répondu que j'étais en train de bloquer la ligne pour une réelle urgence", a-t-elle raconté.

"La policière s'est énervée et m'a raccroché au nez en me disant 'tant pis pour vous'", a ajouté Caroline Langlade.

La vice-présidente de l'association "Life for Paris - 13 novembre 2015", a raconté les trois heures passées dans la loge, dont la porte était barricadée par un frigo et un canapé. Un jihadiste a tenté de se faire passer pour un gendarme pour qu'on lui ouvre. Demande rejetée par "vote à main levée".

Elle faisait partie des victimes et proches de victimes des attentats auditionnées lundi par la Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 (lire encadré en bas).

"Si vous n'avez pas de nouvelles, c'est plutôt bon signe"

Sophie Dias, fille de Manuel Dias, unique mort du Stade de France, a pointé des dysfonctionnements. "Le numéro d'urgence est inaccessible depuis l'étranger. Là où je me trouvais, c'était impossible d'y accéder. Ce numéro d'urgence, c'est celui qu'a fait ma maman. On lui a sans cesse répété: 'Ne vous inquiétez pas si vous n'avez pas de nouvelles, c'est plutôt bon signe. Pour le coup ça ne l'était pas'", a-t-elle rapporté.

"Si tout le stade avait été touché comment aurait-on fait? On serait encore aujourd'hui à compter les morts. Cela ne me rassure pas du tout parce qu'on est à l'approche d'un grand événement sportif. Il faut vraiment faire bouger les choses", a-t-elle insisté.

"Il est absolument essentiel de comprendre"

Georges Salines, le président de l'association 13 novembre: Fraternité et Vérité, a prévenu: "nous avons mille questions et nous attendons des réponses.".

Le père de Lola, tombée sous les balles au Bataclana répondu sans le citer aux propos du Premier ministre, Manuel Valls, qui affirmait début janvier: "expliquer, c'est déjà vouloir un peu excuser".

"A titre personnel, je suis inquiet d'entendre des voix à un niveau très élevé de la République dire qu'expliquer le djihadisme c'est déjà un peu l'excuser. Je suis le dernier qui penserait à excuser les personnes qui ont tué ma fille mais je pense qu'il est absolument essentiel de comprendre et d'expliquer les mécanismes qui conduisent des jeunes Français à prendre les armes contre des jeunes de leur âge", a livré Georges Salines.

Il a également salué la nomination d'une secrétaire d'Etat chargée de l'aide aux victimes. "Il y a là un besoin tout à fait évident", selon lui.

"On n'est pas à Tel Aviv, on n'est pas à Beyrouth"

Le patron de La Belle Equipe, restaurant du 11e arrondissement de Paris qui a été la cible de tirs, a notamment mis l'accent sur les réponses apportés depuis novembre. "Vous avez un problème de moteur et vous vous occupez de la banquette! Je ne pige pas", a déclaré Grégory Reibenberg. S'il reconnaît avoir coupé la radio et la télé, il n'entend parler néanmoins que de la déchéance de nationalité. Grégory Reibenberg estime qu'il faut au contraire "tout mettre sur le préventif".

"Quelqu'un qui veut tuer quelqu'un, vous ne l'empêcherez jamais", selon lui. Celui qui a perdu la mère de sa fille dans ces attentats estime qu'il ne faut pas "se professionnaliser" dans la gestion d'un attentat le jour J. "On n'est pas à Tel Aviv, on n'est pas à Beyrouth", a-t-il rappelé.

Les attentats du 13 novembre ont fait 130 morts et des centaines de blessés. Le nombre total de victimes, physiques ou psychologiques, est estimé à 4.000, a rappelé la commission.

c'est quoi cette commission?

Les députés LR ont usé fin novembre du droit, dit "de tirage", dont dispose tous les ans chaque groupe d'opposition ou minoritaire pour obtenir la constitution d'une commission d'enquête "de façon à ce que les Français connaissent toute la vérité sur les conditions dans lesquelles ont pu se réaliser ces attentats".

Composée de trente membres, elle devra avoir achevé ses travaux avant mi-juillet. Elle est présidée par l'ancien magistrat Georges Fenech (LR) et son rapporteur est le socialiste Sébastien Pietrasanta, spécialiste de la sécurité.

"Nous ne sommes ni des procureurs qui accusons, ni des juges qui jugeons; nous sommes des commissaires d'enquête pour la transparence, la vérité et des propositions qui seront faites en fin de rapport pour que le gouvernement prenne les dispositions qui s'imposent pour remédier à ce qui ne va pas", a expliqué lundi Georges Fenech.

La commission d'enquête ne doit en effet pas empiéter sur les enquêtes judiciaires en cours après les attentats de janvier et novembre 2015.

Si la commission a commencé son travail lundi par les auditions de victimes, proches et représentants de victimes, elle auditionnera ensuite tout au long de l'année des spécialistes de ces questions.

K. L.