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Parlement

"La déprime", "cure de silence": Élisabeth Borne face au difficile retour d'une Première ministre à l'Assemblée

L'ex-locataire de Matignon qui revient dans l'hémicycle vendredi met ses pas dans bon nombre de ses prédécesseurs qui ont décidé de redevenir députés. Mais la manœuvre n'a rien de simple, entre difficulté à trouver sa place, sentiment de vide et des collègues parfois fâchés.

Élisabeth Borne avait annoncé la couleur dès la passation de pouvoir. L'ex-Première ministre avait expliqué "se réjouir de continuer à servir son pays" aux côtés des députés de la majorité. Ce sera chose faite ce vendredi 9 février, après une visite dans sa circonscription du Calvados ce jeudi.

Élue en juin 2022, l'ancienne locataire de Matignon n'a jusqu'ici jamais siégé à l'Assemblée. Mais elle est loin d'être la seule passée par Matignon à revenir au Palais-Bourbon avec des fortunes diverses.

"Vous traînez votre peine dans les couloirs"

Pas moins d'une quinzaine d'ex-chefs du gouvernement ont fait leur retour dans l'hémicycle ces dernières décennies, de Manuels Valls à Laurent Fabius en passant par Alain Juppé.

"C'est moins votre passé que le futur qui va asseoir votre place à l'Assemblée. Si vous avez encore de l'ambition, vous aurez une place. Sinon, vous traînez votre peine dans les couloirs", nous résume Alain Madelin, ex-ministre de l'Économie et député pendant plus de 20 ans.

En revenant à l'Assemblée après son passage par Matignon en 1976, Jacques Chirac s'appuie ainsi sur une partie des députés de droite pour lancer le RPR et préparer ses futures candidatures à la présidentielle.

Vingt ans plus tard, l'ex-locataire de Matignon Alain Juppé qui était parvenu à sauver sa peau en dépit d'une dissolution ratée peine, lui, à retrouver sa place.

"La soupe à la grimace, un peu la déprime"

Si à l'époque, il fallait encore passer par une législative partielle après avoir quitté le gouvernement pour revenir à l'Assemblée, la manœuvre ne lui avait guère redonné le moral.

"Il s'était exprimé à de très rares reprises en 5 ans, il intervenait peu en réunion. C'était la soupe à la grimace, un peu la déprime. On sentait bien qu'il se voyait à d'autres fonctions plus importantes", décrypte Jean-Louis Debré, à l'époque président du groupe RPR et futur président de l'Assemblée nationale.

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"Le moral est meilleur si vous vous savez attendu par les députés de votre camp et qu'on vous accueille avec le sourire", remarque pour sa part un fonctionnaire de l'Assemblée nationale.

Un joli bureau en guise de lot de consolation

Cela serait-il le cas pour Élisabeth Borne qui n'a guère structuré de courant à l'Assemblée nationale et compte peu de députés très proches d'elle? La question reste entière. Sylvain Maillard, le patron des députés Renaissance, a en tout cas longuement échangé sur son retour avec elle fin janvier.

De quoi lui prévoir une petite surprise? Une fois de retour au Palais-Bourbon en 2014 après avoir été Premier ministre sous François Hollande, Jean-Marc Ayrault s'était ainsi vu récupérer son très beau bureau de fonction lorsqu'il était président de groupe.

Un petit cadeau pour celui qui connaissait très bien la maison et ses collègues socialistes après y avoir siégé près de 30 ans. Sans forcément faire l'unanimité au sein des députés PS qui digéraient mal le coup de barre à droite de la politique économique du président.

"De la suractivité au temps libre"

À la difficulté de revenir parfois dans un contexte tendu, s'ajoute également une baisse de régime.

"Vous passez d'une période avec un surplein d'activité à une période beaucoup plus légère, avec du temps libre. Ce n'est pas rien, certains s'y font bien et se disent que la vie a différents moments. Pour d'autres, c'est plus compliqué", souligne l'ex-ministre socialiste Michel Sapin.

De quoi pousser Élisabeth Borne à s'offrir quelques jours de vacances au Maroc après son départ de Matignon. C'est qu'en plus d'un agenda considérablement allégé s'ajoute une logistique bien différente.

"Une cure de silence"

Quand à Matignon, le Premier ministre est entouré d'un cabinet étoffé aux demandes toujours prioritaires, il doit se réhabituer à travailler avec 3 ou 4 collaborateurs et à redevenir un parlementaire parmi bien d'autres. Tout en cherchant à garder un statut à part.

"Vous ne planchez pas sur des amendements techniques, vous ne prenez pas la parole à tout-va. En général, vous vous astreignez à une cure de silence à votre retour et quand vous parlez, c'est sur un sujet très important, de préférence sur l'international", décrypte un familier des allées du pouvoir.

Élisabeth Borne va, elle, devoir s'ajouter une difficulté supplémentaire: celle d'une Assemblée qui risque de ne pas avoir oublier ces derniers mois.

Des 49.3 en pagaille, une réforme des retraites passée aux forceps, des oppositions qui se sont jugées malmenées... L'ex Première ministre va devoir affronter la Nupes qui risque de ne pas lui faire de cadeau lors de ses prises de parole.

Marie-Pierre Bourgeois