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Etat d'urgence: des élus réclament un véritable contrôle parlementaire

Bernard Cazeneuve assure qu'un contrôle parlementaire de l'état d'urgence aura bien lieu.

Bernard Cazeneuve assure qu'un contrôle parlementaire de l'état d'urgence aura bien lieu. - BFMTV

De nombreux députés réclament un contrôle parlementaire de l'état d'urgence pour signaler et enrayer les excès. Il sera présenté jeudi.

2.000 perquisitions administratives, plus de 529 personnes placées en garde à vue et 300 assignations à résidence. Depuis le vote de l'état d'urgence et sa prolongation de trois mois, le bilan des actions policières est conséquent. Mais des personnalités politique ou de la société civile s'élèvent désromais pour dénoncer ce qu'ils estiment être des abus.

"L'état d'urgence est un état de faiblesse", lançait ainsi mardi matin Henri Leclerc, avocat et président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme, sur BFMTV. L'avocat évoquant "une énumération des bavures" policières.

"C'est terrible, nous avons des coups de fil tous les jours de gens qui sont chez eux, on frappe à la porte, mais avant qu'ils soient arrivés la porte explose, et entrent dans l'appartement des Robocop. Les pratiques sont terribles: on vide les tiroirs par terre, on éventre les matelas et les coussins, il y a des enfants quelquefois, et là je ne sais pas où on va".

Des parlementaires ont également fait part de leur inquiétude mardi à l'Assemblée lors des questions au gouvernement. Le député écologiste Paul Molac s'est dit inquiet d'une "application trop large de l'état d'urgence" à des militants écologistes et a interrogé le gouvernement sur un nécessaire renforcement du contrôle parlementaire. "L’état d’urgence n’est en aucun cas l’absence de l’état de droit", a rappelé l'élu breton.

Mais Bernard Cazeneuve a rétorqué qu'aucun militant écologiste n'était assigné, "ceux qui ont été assignés sont des individus violents".

Le ministre de l’Intérieur a rappelé que quiconque peut contester les perquisitions administratives et les assignations à résidence en "saisissant en référé" le juge administratif. "Lorsque cela a été fait, aussi bien sur les manifestations interdites que sur les assignations à résidence ou que sur les perquisitions, à chaque fois le juge s’est prononcé pour indiquer que le respect du droit a été absolu de la part de l’Etat."

"Cultive un climat de peur et d'insécurité"

Bernard Cazeneuve a également mis en cause "l’irresponsabilité totale" de ceux qui, "sur les bancs" de l’Assemblée nationale, "acceptent" l’action des "casseurs" qui "jettent des projectiles sur des forces de l’ordre en s’en prenant à l’Etat et à ceux qui l’incarnent par l’uniforme qu’ils portent". Le ministre de l’Intérieur a même cité nommément l’écologiste Noël Mamère, "qui s’(est) agit(é)" durant sa prise de parole.

L’élu écologiste a accusé ensuite sur LCP le ministre de "se défausser de ses responsabilités" et assuré que l’on met "dans le même sac" des terroristes et "des gens qui demandent simplement (…) à pouvoir manifester leur volonté de changement du monde au moment de la COP21".

Posant également une question sur le sujet, la députée Front de gauche, Jacqueline Fraysse, a expliqué que des interpellations policières brutales et des gardes à vue de citoyens qui n'ont rien à se reprocher "cultivent un climat de peur et d'insécurité". Elle s'est également étonnée du maintien de marchés de Noël alors que des rassemblements sociaux pacifiques ont fait l'objet d'interdictions".

Le chef de file des députés Front de gauche, André Chassaigne, a indiqué qu'il allait "relayer" mardi à Matignon des "inquiétudes de la société civile et des organisations syndicales" sur la mise en œuvre de l'état d'urgence, cas à l'appui.

"Des soupçons objectifs, qui sont étayés"

Pour faire le point sur l'application de l'état d'urgence, les responsables parlementaires - présidents de groupes et des commissions concernées - ont été reçus pendant près de trois heures mardi après-midi à Matignon. Le Premier ministre a défendu devant eux l'efficacité des quelque 2.000 perquisitions et plus de 300 assignations à résidence ordonnées depuis les attentats.

"Ces perquisitions ou les assignations se fondent sur des soupçons objectifs, qui sont étayés", selon Manuel Valls. "Elles ne sont pas dues au hasard, il ne s'agit pas d'une démonstration de force. Elles sont décidées au vu de renseignements recueillis par les services spécialisés, au vu d'un comportement, ou d'une activité qui peuvent laisser penser qu'il y a une menace".

Les modalités du contrôle parlementaire de l'état d'urgence, voté lors de sa prolongation, peinent à se dessiner. Un dispositif sera présenté jeudi par le député PS Jean-Jacques Urvoas, un proche de Manuel Valls.

L'état d'urgence autorise les perquisitions sans l'aval d'un juge et l'assignation à résidence de personnes jugées dangereuses pour l'ordre public.

"Est-ce que la prolongation de l'état d'urgence et la révision de la Constitution ne vont pas comporter la mise en place d'un état de droit en permanence moins favorable aux libertés et aux droits fondamentaux?", s'est interrogé Jacques Toubon, défenseur des droits, mardi soir sur BFMTV.

K. L.