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Parlement

Déminée mais toujours contestée, la réforme de l'asile à l'Assemblée

Dans un centre d'accueil de réfugiés candidats à l'asile, où ils sont assistés, notamment pour leurs démarches administratives.

Dans un centre d'accueil de réfugiés candidats à l'asile, où ils sont assistés, notamment pour leurs démarches administratives. - BFMTV

Ramener le délai d'examen des demandes d'asile de deux ans à neuf mois et améliorer l'accueil des réfugiés, tels sont les objectifs principaux de la réforme du droit d'asile discutée à partir de mardi à l'Assemblée nationale. Mais en dépit de travaux transpartisans effectués en amont du projet de loi, les débats s'annoncent houleux.

Le projet de réforme du droit d'asile, qui vise à raccourcir les délais d'examen des demandes face à un engorgement du système, arrive mardi dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Les débats s'annoncent houleux avec une UMP en pointe sur ce thème marqueur.

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve entend "redonner sa force au droit d'asile", "constitutif de notre identité républicaine" mais "menacé", grâce à ce texte discuté jusqu'à jeudi, avant un vote solennel mardi 16 décembre. Le projet de loi, qui transpose les directives européennes du "paquet asile" de l'an dernier, a été préparé par Manuel Valls lorsqu'il était place Beauvau, parallèlement à un texte sur l'immigration.

Une concertation nationale en 2013 et des travaux parlementaires transpartisans ont déminé le terrain. Pour éviter les amalgames entre droit fondamental à l'asile et gestion des flux migratoires, les deux sujets ont aussi été disjoints en deux projets de loi - celui sur l'immigration sera débattu en 2015 - à la demande de parlementaires socialistes.

Le constat d'un système d'asile à bout de souffle est largement partagé: les demandes ont quasiment doublé depuis 2007 pour atteindre 66.000 l'an dernier et le système peine à résorber un stock de 30.000 dossiers.

Objectif premier: raccourcir les délais

Si les trois quarts des demandes sont rejetées, leur traitement nécessite deux ans actuellement, un délai que le candidat François Hollande avait promis de réduire. Le projet de loi a pour objectif de le ramener à neuf mois en 2017, grâce à une simplification des procédures et un renforcement des moyens de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui octroie la qualité de réfugié, ainsi que de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui statue sur les recours.

La réforme institue aussi une "procédure accélérée" pour les dossiers évidents tels ceux "des Syriens ou des minorités chrétiennes d'Irak", pour lesquels "le statut de réfugié est acquis", cite le ministre de l'Intérieur. Les dossiers manifestement abusifs seront aussi classés plus rapidement.

Vers un "hébergement directif"

Autre visée: l'amélioration des conditions d'accueil. Malgré l'ouverture de nouvelles places en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) - passées de 5.200 places en 2001 à près de 25.000 en 2014 - les infrastructures restent insuffisantes. Le gouvernement prévoit de développer l'hébergement en CADA en transformant des places d'hébergement d'urgence. Le projet de loi instaure aussi un "hébergement directif", qui permettra de répartir les demandeurs sur le territoire et de supprimer les allocations aux étrangers qui refuseraient leur affectation.

Aux yeux de l'UMP, "il faut tourner la page d'une approche trop naïve ou idéologique". Actuellement "il y a un dévoiement du principe fondamental de l'asile", qui "est devenu une procédure légale pour des filières d'immigration illégales", considère Eric Ciotti. Ce dernier propose des amendements pour faire la distinction "entre les réfugiés et ceux qui ne méritent pas ce statut noble". Le FN pointe aussi "la dérive immigrationniste de ce droit fondamental" à l'asile. Dans l'opposition, les centristes de l'UDI soutiennent en revanche les axes du texte.

Une "machine à expulser" dénoncent des magistrats

Au sein de la majorité, des députés socialistes et l'écologiste Sergio Coronado, lui-même ancien exilé chilien, comptent pousser des amendements pour mieux protéger les demandeurs, ce que réclament encore sur certains points des associations, méfiantes quant à l'"hébergement directif".

Dans une tribune publiée jeudi dans Libération, les présidents de plusieurs syndicats de magistrats et du Syndicat des avocats de France ont dénoncé dans ce projet de loi "une machine à débouter et à expulser".

En commission, les députés ont déjà intégré des garanties supplémentaires pour les demandeurs. "Il y aura probablement de la part de l'exécutif des réactions à certains amendements", a prévenu la rapporteure, Sandrine Mazetier (PS). Bernard Cazeneuve a déjà appelé les parlementaires à "ne pas complexifier davantage la procédure".

D. N. avec AFP