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Délit d'entrave numérique à l'IVG: vers un débat tendu

La page d'un site internet sur l'IVG qui propose un numéro vert mettant en lien les femmes et des militantes anti IVG

La page d'un site internet sur l'IVG qui propose un numéro vert mettant en lien les femmes et des militantes anti IVG - Capture d'écran BFMTV

La proposition de loi sur le délit d'entrave numérique à l'IVG sera examinée à l'Assemblée nationale ce jeudi dans un contexte crispé. Le groupe Les Républicains a annoncé qu'il voterait contre le texte.

Les uns veulent défendre la "liberté d'expression", les autres entendent lutter contre des informations "tronquées ou mensongères". La proposition de loi sur le délit d'entrave numérique à l'IVG discutée ce jeudi à l'Assemblée nationale, a fait l'objet d'attaques et de mises au point avant le débat. Elle permettrait de fermer les sites qui pratiquent ce délit d'entrave. 

Le contexte pèse sans doute sur les discussions. Depuis quelques mois, les associations anti-IVG comme Les Survivants multiplient les campagnes de communication anti-avortement. Les récents débats sur le sujet pendant la primaire à droite ont aussi nourri les polémiques. 

Une "limitation de la liberté d'expression"

Lundi, le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Georges Pontier, en a appelé à François Hollande. Dans une lettre, il réclame au chef de l'Etat d'intervenir pour mettre en échec la création de ce délit. Dans ce texte, l'homme d'Eglise assure:

"Certains de nos concitoyens ont décidé de consacrer de leur temps, notamment par le biais des instruments numériques, à l’écoute des femmes hésitantes ou en détresse par rapport au choix possible d’avorter".

Il ajoute que ces bénévoles "compensent ainsi l'absence d'organisation de ces lieux d'écoute". Un rôle pourtant rempli par le Planning familial et les hôpitaux. L'élargissement à Internet du délit d'entrave à l'IVG "constituerait" selon Mgr Georges Pontier "un précédent grave de limitation de la liberté d’expression sur Internet".

Des sites orientés

Le texte, présenté notamment par Bruno Le Roux, propose d'élargir le délit d'entrave à l'IVG aux sites internet qui diffusent ou transmettent "par tout moyen": 

"(...) des allégations, indications ou présentations faussées et de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur la nature, les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse (...)."

Ces sites, tels que ivg.net, ecouteivg.org ou afterbaiz.com proposent "un service d'écoute et de soutien anonyme et gratuit". Sur la page d'accueil d'ivg.net, on peut lire que l'avortement "n'est pas un acte anodin" et qu'il comporte "des risques qui peuvent apparaître rapidement ou avec le temps". Le site présente ces "risques liés à l'IVG" en insistant sur les troubles psychologiques. Il allègue notamment que l'avortement et le cancer du sein sont liés. Aucune étude ne prouve pourtant le lien entre les deux, comme le rappelait Slate.

En octobre dernier, France inter avait contacté le numéro vert d'ivg.net. Le journaliste exposait son cas fictif à son interlocutrice: sa copine est enceinte et décide d'avorter. En tant qu'homme "vous n'avez aucun droit, si elle avorte vous ne pouvez que souffrir et dire 'elle a tué mon bébé'" lui assure la bénévole. Elle lui affirme qu'après un avortement "ça se dégrade au niveau sexuel" ou encore que "le vagin n'est pas fait pour ça".

"Pensée unique"

En commission à l'Assemblée, la députée PS Catherine Coutelle assurait: "Il suffit de creuser un peu pour voir que les personnes qui sont derrière sont tout sauf neutres". La séance avait été interrompue après des protestations (et des insultes) de l'opposition, en pleine intervention de leur collègue.

Ce mardi, le chef de file des députés Les Républicains a indiqué que son groupe parlementaire s'opposerait à la proposition de loi sur le délit d'entrave numérique à l'IVG. Partageant l'argument de la défense de la "liberté d'expression", Christian Jacob a dénoncé "la pensée unique et des tons moralisateurs" des socialistes. 

Après la publication de la lettre de Mgr Georges Pontier, des députés PS ont adressé une mise au point. "La loi n'est pas dictée par des considérations spirituelles" et qu'il "existe une séparation des pouvoirs". Une proposition de loi n'émanant pas du chef de l'Etat, "lui écrire ne correspond à rien", a poursuivi un porte-parole des députés. 

Initialement intégré au projet de loi Egalité et Citoyenneté, cet élargissement du délit d'entrave à l'IVG avait été retoqué au Sénat en octobre dernier. 

Mélanie Longuet