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Parlement

Déchéance: Valls accuse les sénateurs de refuser le "consensus"

Manuel Valls a mis la pression aux sénateurs mercredi à l'arrivée du projet de loi constitutionnelle au Palais du Luxembourg alors que leur position pourrait entraîner l'échec du texte.

"N’oublions pas l’état d’esprit de novembre." C'est avec ces mots que Manuel Valls a tenté mercredi de convaincre les sénateurs de voter dans les mêmes termes que l'Assemblée le projet de révision constitutionnelle voulue par François Hollande après les attentats de novembre.

"A l'Assemblée nationale, nous avons cherché et construit un accord. Au Sénat, vous ne l'avez pas cherché. Avec personne. Et je m'en étonne. Vous refusez, à ce stade bien sûr, le principe d'un accord avec l'Assemblée nationale. Et vous le savez parfaitement, (...) votre proposition ne sera jamais adoptée par une majorité de députés. Je serai très direct : l'amendement adopté par votre Commission des Lois prend le contre-pied du consensus", a lancé le Premier ministre dans son discours au palais du Luxembourg.

Les sénateurs examinent mercredi et jeudi le projet de révision constitutionnelle qu'ils comptent modifier en réservant la déchéance de nationalité aux seuls binationaux, une position inconciliable avec celle des députés et qui pourrait entraîner l'échec du projet.

Pour être adopté, il doit en effet être voté dans les même termes par les deux chambres avant d'être entériné par un Congrès à la majorité des trois cinquièmes.

"C'est une très lourde responsabilité"

Visant nommément le président de la Commission des Lois Philippe Bas et l'ancien ministre de la Justice Michel Mercier, il a dénoncé une "posture".

"Quelles sont les intentions de la majorité sénatoriale ? Quel message est ici envoyé aux Français? Souhaitez-vous vraiment remettre en cause une décision qui a su rassembler, à l’Assemblée nationale, les deux grandes familles politiques ? Dans quel but ? Et je le dis très tranquillement, très sereinement, c'est une très lourde responsabilité!", a chargé Manuel Valls.

Il a également ironisé sur ces sénateurs de droite devenus "les porte-parole" du président Hollande, car ils soulignent que le chef de l'Etat, lors de son discours devant le Congrès, avait annoncé à l'époque une extension de la déchéance, mais pour les seuls binationaux.

"Nous n'avons pas de leçon à recevoir"

"Il n'y pas eu de consensus à l'Assemblée nationale" mais "un compromis", lui a rétorqué le sénateur LR Philippe Bas et président de la commission des lois. "Nous assumerons nos responsabilités", a-t-il ajouté défendant l'indépendance de la chambre haute. Et de marteler: "Nous n'avons pas de leçon à recevoir en ce qui concerne l'unité de la représentation nationale pour la lutte contre le terrorisme".

L'examen du texte doit se poursuivre jeudi et fera l'objet d'un vote solennel mardi.

Didier Guillaume, le patron des sénateurs PS, a estimé qu'une réforme de la Constitution sans la déchéance de nationalité n'aurait "aucun sens": "soit il y a une réforme constitutionnelle avec un texte sur l'article 2 de déchéance qui fait consensus, soit non". "La question que je me pose, c'est : est-ce que la majorité de droite sénatoriale veut faire capoter la révision constitutionnelle ? Ou alors, dans les débats d'aujourd'hui et de demain, fera-t-elle des avancées pour se rapprocher du texte de l'Assemblée nationale, comme le demandent d'ailleurs Nicolas Sarkozy, Christian Estrosi ?", a poursuivi le sénateur de la Drôme, qui doute de la possibilité de réunir le Congrès.

Didier Guillaume avait déjà estimé qu'il fallait se limiter à "une navette maximum" Assemblée-Sénat sur le texte, car "ça ne peut pas durer encore six mois".

K. L.