BFMTV
Parlement

Déchéance: les députés PS mettent la pression sur le gouvernement

L'avant-projet de loi d'application de la réforme constitutionnelle concernant la déchéance de nationalité n'a pas du tout plu aux députés PS mardi. Certains dénoncent même un "subterfuge" du gouvernement pour ne toucher en réalité que les binationaux. Manuel Valls pourrait apporter de nouvelles modifications avant le Conseil des ministres mercredi.

Devant la commission des lois de l'Assemblée nationale mercredi dernier, Manuel Valls avait donné des gages de bonne volonté pour apaiser les rangs divisés de la majorité sur la question de la déchéance de la nationalité. Aucune "référence à la binationalité" ne figurerait dans le texte de la révision constitutionnelle. Mieux, la France ratifierait la Convention internationale de 1954, qui proscrit la création de nouveaux apatrides.

Une semaine plus tard, tout s'est écroulé, après la présentation de l'avant-projet de loi d'application présenté par Jean-Jacques Urvoas - "pédago, comme d'habitude", lâche un élu - aux députés ce mardi matin.

Malgré des débats "constructifs", "courtois" et "argumentés", selon des députés interrogés par BFMTV.com, ce projet couche noir sur blanc que "la peine complémentaire prévue emporte déchéance de la nationalité française, sauf si elle a pour résultat de rendre la personne condamnée apatride". Or, si on ne crée pas d'apatrides, de fait, les binationaux seraient les seuls susceptibles d'être condamnés par ce texte. "Un subterfuge" qui dénote un "manque de cohérence", pointe le député du Tarn Jacques Valax.

Trois jours de débats à venir

Dans la foulée, Bruno Le Roux "a synthétisé le sentiment général pour qu'un vote soit possible", expose Jean-Patrick Gille, député d'Indre-et-Loire. Le patron des députés PS a demandé au gouvernement "une nouvelle rédaction", supprimant toute "référence à la binationalité". Avec succès. "Manuel Valls vient de confirmer que le gouvernement va revoir sa copie ce soir (mardi, Ndlr) et proposer une nouvelle mouture de l'avant-projet" avant le Conseil des ministres mercredi matin, explique à BFMTV.com Jacques Valax.

Contacté, Matignon "ne commente pas", quand d'autres députés sont moins affirmatifs. "Nous avons simplement une autre réunion prévue demain en vue de préparer les débats sur la question de vendredi de l'hémicycle", répond Jean-Michel Villaumé, député de Haute-Saône, favorable depuis le début aux propositions du gouvernement.

Autant dire que d'ici là, les choses peuvent évoluer, d'autant que le gouvernement a "enfin compris que l'opposition au sein de la majorité n'est pas molle", s'amuse d'ailleurs un député. "Le gouvernement n'a plus d'autre choix que de bouger, même si Manuel Valls se retrouve dans une position intenable".

Vers une déchéance de la citoyenneté

Pour le député Pascal Cherki, la majorité "donne le tournis aux gens sur ce texte", tandis que Jacques Valax estime "que l'on passe trop de temps sur le sujet" quand les Français "attendent autre chose sur l'emploi ou la sécurité".

On se dirige donc vers une déchéance de la citoyenneté, proposition déjà exprimée dès les premiers débats fin 2015, et formulée dans un amendement d'Olivier Faure, cosigné par 78 députés sur 287. "Nous sommes bien plus nombreux, sûrement plus de 150", glisse un signataire. "Une majorité des présents soutiennent cette option", confirme Jean-Patrick Gille à BFMTV.com alors que lui juge la révision constitutionnelle "inutile". Ce sujet est pour lui la source d'"un profond malaise" car, si l'opinion semble l'approuver, les militants PS "se demandent dans quelle galère nous nous sommes embarqués". 

Les députés et les sénateurs retourneront-ils à Versailles?

Et ce n'est peut-être que le début pour la majorité. "Admettons, je dis bien admettons, que le gouvernement change le texte et que celui-ci soit voté à l'Assemblée, la droite ne le votera pas au Sénat", analyse Jean-Patrick Gille, certain que l'opposition exigera la déchéance de la nationalité et le respect du "pacte de Versailles" cher à François Hollande. Et alors qu'il faut trouver un compromis avant vendredi et l'arrivée dans l'hémicycle du texte, l'élu se demande désormais "si le Parlement se réunira finalement à Versailles" pour voter la réforme.

"Au PS nous sommes dans des discussions juridiques plus que politiques actuellement", pose Jacques Valax. Mais, "si on parle de politique pure, il est préférable de contenter tout le monde chez nous. Et si c'est la droite qui vote contre au final, c'est mieux." "Le raidissement de la droite est enclenchée", rigole d'avance un député socialiste, pourtant désabusé par son propre camp.