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Congé pour deuil parental: comment le Sénat se fait un "coup de pub" en remaniant la proposition de loi

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Image d'illustration - Christophe Archambault / AFP

Tous bords confondus, les sénateurs ont étoffé la proposition de loi originelle de LaREM, dont le retoquage à l'Assemblée nationale avait ébranlé la macronie. Un bon moyen pour la Chambre Haute d'illustrer, à peu de frais, sa méthode du consensus.

Près d'un mois après l'imbroglio autour du congé pour deuil parental à l'Assemblée nationale, le Sénat y met son grain de sel. Réunis en commission mercredi, les élus de la Chambre Haute ont adopté la proposition de loi à l'unanimité, tous groupes confondus - y compris les élus de la majorité Les Républicains. Elle sera examinée le 3 mars en première lecture dans l'hémicycle du palais du Luxembourg.

Pour les sénateurs, il s'agit d'une opportunité de réparer à peu de frais "la faute" originelle des députés La République en marche, qui avaient retoqué le texte rédigé par un collègue UDI. LaREM avait ensuite déposé de son propre chef une proposition plus ambitieuse, portée en séance par Mounir Mahjoubi. C'est donc finalement au Sénat qu'est revenu la tâche de permettre au gouvernement de mettre ce sujet derrière lui.

"On en surajoute, ça ne trompe personne"

L'exécutif avait lui-même étoffé la proposition en rendant le dispositif plus généreux. L'un des amendements porte de cinq à sept jours le congé actuellement prévu par le code du travail. Un autre crée un "congé de répit" de huit jours supplémentaires fractionnable, pour partie pris en charge par la Sécurité sociale.

Les élus du palais du Luxembourg, quant à eux, ont étendu l'accès au congé aux travailleurs indépendants et aux agents publics. "On n'est pas sur une mesure d'organisation du travail mais sur une mesure d'humanité. Il me paraît normal qu'elle concerne tout le monde", nous indique le sénateur radical de la Haute-Vienne Jean-Marc Gabouty.

Par ailleurs, l'âge des enfants concernés par le congé deuil auquel auront accès les parents ira jusqu'à 25 ans - une disposition que contenait déjà la version discutée au Palais-Bourbon. "À cet âge-là, on est souvent encore pris en charge par la Sécu de ses parents", abonde un éminent socialiste de la Chambre Haute. Lequel reconnaît qu'il y a là "une forme de surenchère à caractère émotionnel".

Le "coup de pub" à venir des retraites

"On cherche à ne pas être des personnages qui bloquent, mais on en surajoute aussi, ça ne trompe personne", poursuit le sénateur PS, fin connaisseur de la rivalité feutrée qui se joue à intervalle régulier entre les deux assemblées.

"Personnellement je n'ai pas trop apprécié qu'on critique l'excès de discipline des députés marcheurs... Les types se sont faits rabrouer comme des malpropres alors qu'ils se calquaient sur le gouvernement. Ils sont traités comme du bétail", estime-t-il. 

Pour Jean-Marc Gabouty, le "coup de pub exceptionnel" auquel aura droit le Sénat viendra lors de l'examen du projet de loi de réforme des retraites, au printemps. "Ce sera très différent de l'Assemblée, déjà chez nous les communistes ne multiplient pas les amendements sur les virgules", ironise le vice-président du Sénat, selon qui le débat "sera plus apaisé et permettra d'aller plus au fond du sujet".

Trop-plein de propositions de loi?

D'après un sénateur LaREM de premier plan, l'épisode relève avant tout "de la psychologie collective". "Les députés étaient mortifiés par l'épisode du congé deuil alors qu'ils ne faisaient que suivre une consigne du gouvernement. Consigne qui, disons-le, avait été mal réfléchie en interne", glisse ce macroniste auprès de BFMTV.com. Et de poursuivre:

"Plutôt que de laisser les députés refaire la PPL (proposition de loi, NDLR), le gouvernement l'a reprise à son compte, puis a fait une fleur au Sénat en lui laissant finir le travail. J'ajoute que ça permet à la majorité LR de donner un rôle honorable au petit groupe LaREM. Le texte est anecdotique sur le fond, mais au moins c'est fait."

Plus fondamentalement, selon cette source, le Parlement "mouline des PPL de manière extraordinairement non surveillée".

"Chacun y va de son idée de ce qui va faire joli deux ou trois fois par mois, on la prépare sur un coin de table, on l'adopte pour faire plaisir aux collègues, puis elle meurt dans l'interstice des navettes parlementaires. C'est le cimetière des bonnes intentions", se plaint-il.
Jules Pecnard