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Budget: super-dividendes, Ehpad... ce que Le Maire a retenu (ou non) des amendements des oppositions

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire devant l'Assemblée nationale à Paris le 10 octobre 2022

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire devant l'Assemblée nationale à Paris le 10 octobre 2022 - Christophe ARCHAMBAULT © 2019 AFP

Soucieux de montrer son ouverture aux propositions venues de ses adversaires, Bercy devrait garder plusieurs dispositions budgétaires portées par les LR et la Nupes dans le budget 2023. Mais d'autres ne seront pas retenues, à l'instar de la taxe sur les super-dividendes pourtant défendue par un élu MoDem.

Mettre en scène le dialogue tout en se gardant bien d'aller trop loin. Bruno Le Maire a dévoilé ce lundi matin sur BFMTV certains des amendements des oppositions qui devraient être conservés dans le budget 2023, probablement voté ces prochains jours par 49.3. Mais plusieurs dispositions symboliques devraient être rejetées par l'exécutif.

Au menu des dispositions retenues par le ministre de l'Économie, on trouve d'abord le maintien de la TVA à 5,5% des masques chirurgicaux, porté par la députée PS Valérie Rabault.

Des amendements d'élus "pas les plus opposés" à Macron

L'amendement du député LR Marc Le Fur qui vise à rehausser la valeur maximum des tickets restaurants de 11 à 13 euros devrait également être maintenu par l'exécutif. De quoi y voir quelques clins d'œil aux oppositions pour l'exécutif en mal de majorité absolue à l'Assemblée nationale.

"On voit bien que les amendements qui seront gardés ne sont manifestement pas ceux issus des élus les plus opposés à la logique du gouvernement du budget", analyse Éric Coquerel, le président LFI de la Commission des finances, auprès de BFMTV.com.

Dans un texte adopté avec le 49.3, une disposition constitutionnelle pour faire adopter un texte sans passer par la case vote, le gouvernement a toute latitude sur son contenu. Il peut ainsi enlever des amendements votés ou encore en ajouter certains qui ont été rejetés.

Non à la taxation des super-dividendes, adoptés avec les voix de la majorité

Le gouvernement marche donc sur une ligne de crête. Alors que le recours à cette arme parlementaire est acté, l'exécutif veille à mettre en scène sa volonté de dialogue en intégrant de fait plusieurs propositions des oppositions dans la version du texte qui sera adoptée au Palais-Bourbon.

Mais Bercy veille au grain, en évitant des dépenses jugées trop dispendieuses ou trop éloignées de la philosphie gouvernementale, même si elles sont soutenues à la fois par les oppositions et ses propres parlementaires.

L'amendement sur la taxation des super-dividendes, pourtant déposé par Jean-Paul Mattéi, président du groupe MoDem, et principal allié du gouvernement ne sera pas retenu. Il avait d'ailleurs été adopté par l'Assemblée nationale avec l'abstention des députés Horizons et le vote favorable de 19 députés Renaissance, dont Freddy Sertin, le suppléant d'Élisabeth Borne.

"Taxer les super-dividendes, c'est profondément injuste. On le rejette au nom de la cohérence. Je ne vois pas pourquoi on augmenterait l'impôt du salarié qui a des actions mais pas du fond d'investissement qui a exactement les mêmes actions et qui va les revendre", a avancé Bruno Le Maire ce lundi sur BFMTV.

La nécessité d'un "très large consensus"

La mise en place d’un crédit d’impôt pour le reste à charge de tous les résidents en Ehpad, défendue par la socialiste Christine Pirès-Beaune, ne devrait pas être non plus retenue.

Ce dispositif qui permettrait de réduire d'environ 200 euros par mois les frais de maison de retraite avait été soutenu par plusieurs élus Renaissance - au grand dam de Bruno Le Maire. La mesure est évaluée à 675 millions d’euros.

"C'est très dommageable. On avait l'occasion d'avancer collectivement. Mais pour retenir des amendements, le gouvernement veut qu'ils soient l'objet d'un très large consensus", observe la députée Stella Dupont (Renaissance) qui a également déposé un amendement qui allait dans le même sens.

Ne pas revenir sur des mesures jugées positives par l'exécutif

À voir. Le rétablissement de "l'exit tax", concernant le départ pour raisons fiscales des entrepreneurs, a été voté la semaine dernière très largement par l'hémicycle mais ne sera pas conservé par le ministre de l'Économie, qui y est farouchement opposé.

Instaurée sous Nicolas Sarkozy, cette taxe vise les chefs d'entreprise qui décident de transférer leur domiciliation fiscale à l’étranger, en cas de cession effective de leur patrimoine en France. Emmanuel Macron en avait fait évoluer les contours dans le budget 2019, jugeant que cet impôt envoyait "un message négatif aux entrepreneurs en France, plus qu’aux investisseurs".

Porté par le député LR Fabrice Brun, cet amendement rétablissant "l'exit tax" a été adopté grâce aux voix des oppositions mais aussi celles de 11 députés MoDem.

"Depuis trois ans notre pays est à nouveau le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers. Il y a un impact positif à ces réformes", a défendu de son côté Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics, radicalement opposé au retour de cette mesure.

"Le dilemme perpétuel"

Sur les bancs de la majorité, on assume cette stratégie à géométrie variable, assurant "tout faire pour que le débat se poursuive", comme l'a expliqué Aurore Bergé, la patronne des députés Renaissance sur BFMTV vendredi.

Quitte donc à faire le tri dans des propositions qui recueillent pourtant en partie les faveurs de ses élus.

"En fait, on est dans un dilemme perpétuel entre tendre la main, tenir nos objectifs, et faire un peu plaisir à nos troupes. C'est infernal. On n'a que des coups à prendre quoi qu'on fasse", soupire un député de la majorité.

Les jets privés, le modèle

Une séquence a cependant été jugée réussie: celle sur les jets privés. Après plusieurs polémiques autour de ces vols, en pleine flambée des prix de l'énergie et après un été dramatiquement sec, le gouvernement a soutenu un amendement pour surtaxer leur carburant, déposé par le président de la commission du développement durable, Jean-Marc Zulesi (Renaissance).

Le geste, qui a permis de faire un pas en direction de la Nupes qui veut interdire les jets privés, a été apprécié. Cette disposition a d'ailleurs été adoptée à une large unanimité par l'hémicycle.

"C'est bien, on pourra dire qu'on a fait des petits pas vers les uns et vers les autres avec cette disposition", se félicite un cadre du parti.

De quoi donner un peu de baume au cœur à la majorité qui devrait adopter la même technique dans les prochaines semaines avec le budget de la sécurité sociale.

Marie-Pierre Bourgeois