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Autonomie de la Corse: Emmanuel Macron a-t-il le soutien suffisant pour changer le statut de l'île?

Emmanuel Macron a proposé ce jeudi "une autonomie à la Corse". Une fois un "accord" conclu entre les élus corses et le gouvernement, le chef de l'État devra convaincre les parlementaires. Ils restent très divisés sur l'opportunité d'accéder à cette demande.

Le volontarisme du président et la réalité des forces politiques. Très allant devant l'Assemblée de Corse, le président a proposé ce jeudi "une autonomie" du territoire. Côté calendrier, le président Emmanuel Macron a donné "six mois" aux groupes politiques corses pour arriver à un "accord" avec le gouvernement.

Mais tout changement de ce type devra forcément passer soit par un référendum national, soit par le Congrès, c'est-à-dire convaincre trois-cinquièmes des parlementaires de voter pour. Pour l'instant, le pari semble loin d'être gagné.

• Les LR disent non à l'autonomie

Une fois n'est pas coutume, la droite semble unie sur la question corse. Le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau a déjà fait savoir qu'il était contre.

"Mon groupe a toujours été sur ses gardes face à une possible révision constitutionnelle. Nous sommes attachés aux institutions", a expliqué le parlementaire auprès de Corse-Matin, peu avant la venue du président à Ajaccio.

Les sénateurs corses qui siègent tous au sein du groupe LR sont eux-mêmes opposés à l'instar du sénateur Jean-Jacques Panunzi auprès de Public Sénat. Pour lui, l'autonomie réclamée par les nationalistes "est une façon cachée de se séparer de la France."

Même son de cloche pour Éric Ciotti. Le président du mouvement avait fait savoir qu'Emmanuel Macron devrait "être inflexible" sur la question corse, jugeant que "la Constitution vaut pour tous les territoires de la République", en 2022 sur France inter.

• Le Rassemblement national plutôt opposé

Si la Corse a massivement voté Marine Le Pen - la candidate a recueilli pas moins de 58% des voix au second tour, lui permettant de faire son meilleur score en France métropolitaine - cela n'empêche pas le RN de faire entendre sa propre partition.

"Je suis opposée à l’autonomie de la Corse", avait lancé la candidate du RN auprès du Journal du dimanche en mars 2022.

En déplacement pendant la campagne présidentielle sur l'île, l'un de ses proches, Sébastien Chenu, désormais vice-président de l'Assemblée nationale, avait préféré évoqué la piste de "la décentralisation" pour "avoir plus de pouvoir en proximité tout en "ayant réellement plus de contrôle de l'État", auprès de France 3 Corse.

• Les socialistes plutôt favorables à un nouveau statut

Les députés socialistes se sont très peu exprimés ces dernières années sur la question corse. Contacté par BFMTV.com, l'entourage du patron des députés socialistes à l'Assemblée Boris Vallaud a fait savoir qu'il ne comptait "pas pour le moment" prendre parti.

Historiquement, c'est pourtant la gauche qui avait doté l'île d'un "statut particulier" en 1982. En 1983, François Mitterrand utilisait pour la première fois l'expression "Peuple de Corse".

Même constat sous Lionel Lospin où le Premier ministre avait porté au début des années 2000 le processus de Matignon qui visait à donner une certaine autonomie à l'île, à condition qu'il n'y ait plus de violences.

François Hollande avait, lui, plutôt fait profil bas. Pendant la campagne présidentielle de 2022, Anne Hidalgo avait appelé à aller "vers une autonomie législative" de l'île sur Europe 1.

• Renaissance devrait suivre la position de Macron

Sans position claire au sein du mouvement sur la question corse, il semble très probable que les députés de la majorité présidentielle se rallient à la position d'Emmanuel Macron.

• Horizons dit plutôt oui

Le mouvement, qui compte pour président des députés Horizons l'élu corse Laurent Marcangeli, devrait se positionner pour un changement de statut de la Corse.

Édouard Philippe, à l'époque de Matignon; avait cependant fait entendre un autre son de cloche, plaidant plus pour une adaptation du statut corse qu'un vrai chamboulement.

"Nous devons viser les mêmes ambitions pour tous les territoires, mais en acceptant d'emprunter des chemins différenciés" tout en "restant dans le cadre d'un droit acceptable par tous", avait expliqué l'ex-Premier ministre à Bastia en 2018.

• Le Modem, très partant

Le président des députés Modem, Jean-Paul Mattéi, aux origines corses, a défendu dans les colonnes de Corse-Matin "des ponts et des compromis" "pour faire avancer les choses". Le député appelle cependant à "un vrai travail de fond sur les rapports qu'il y aurait entre l'État et la Corse avec l'autonomie".

Le patron du Modem François Bayrou a plaidé de son côté à plusieurs reprises "pour l'autonomie au sens large" de la Corse. L'État peut aider mais c'est principalement de la Corse que doit venir le principal élan pour la Corse", a plaidé François Bayrou en 2022 dans Le Point.

• La France insoumise plutôt pour

Relativement discret sur le statut de la Corse, Jean-Luc Mélenchon a cependant évoqué le sujet en décembre 2021 pendant la campagne présidentielle lors d'un déplacement en Guyane.

"Les députés corses m'ont montré, et permis de comprendre, ce que je savais sans vouloir me l'avouer, que la France n'est plus un État unitaire", avait avancé l'insoumis auprès de France 3 Corse.

Interrogé sur la question de l'autonomie, le fondateur de La France insoumise avait également dit "n'avoir rien contre l'autonomie à condition que le peuple la veuille", avant d'égrener les différents territoires français qui ont un statut à part comme la Nouvelle-Calédonie ou Wallis-et-Futuna.

• Les écologistes très favorables

Dans un parti historiquement très régionaliste, le soutien à l'autonomie corse est important. Le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot avait appelé en janvier 2022 à "un statut d'autonomie de plein droit et de plein exercice" pour Bastia.

Dans une déclaration commune sur le projet du parti en 2023, les écologistes rappellent également souhaiter "l'autonomie pleine et entière de la Corse après des décennies de malentendus et de drames".

• Les communistes, sans position définie

Fabien Roussel s'était interrogé pendant la campagne présidentielle lors d'un déplacement à Ajaccio sur "le contenu d'une éventuelle autonomie", se demandant ce qu'on "mettait dans ce statut à part: un statut fiscal à part, un droit du travail à part ?".

"On peut modifier la Constitution et la secouer dans tous les sens, ça ne remplit pas le frigo", avait encore tancé le candidat communiste.

Présent ce jeudi aux côtés du chef de l'État pour un moment de recueillement devant la maison de Danielle Casanova, une résistante et militante communiste morte dans les camps de concentration, Fabien Roussel n'a pas évoqué les annonces présidentielles.

• Sur le papier, ça pourrait passer

Pour parvenir à faire adopter l'autonomie de la Corse, Emmanuel Macron doit avoir de son côté 552 parlementaires réunis en Congrès qui disent oui. En l'état actuel des débats, si seuls les élus LR (207 sénateurs et députés) et les députés RN (88) votent contre, le président peut espérer y arriver.

En réalité, on peut se demander si la Nupes aura envie d'offrir cette victoire politique à la macronie. Sans les voix de gauche, il est impossible pour le chef de l'État d'y arriver.

Marie-Pierre Bourgeois