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Abrogation de la réforme des retraites: Éric Coquerel va trancher sur la recevabilité de la loi

Éric Coquerel, député LFI et président de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Éric Coquerel, député LFI et président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. - THOMAS SAMSON / AFP

La numéro 1 de la commission des affaires sociales demande au président de la commission des Finances de se pencher sur la conformité de la proposition de loi pour abroger la réforme des retraites. La majorité veut éviter à tout prix un vote favorable au retour des 62 ans en se basant sur l'article 40 de la Constitution.

Mettre la pression. La présidente de la commission des Affaires sociales a demandé dans un courrier à Éric Coquerel, le patron de la commission des Finances, de se pencher sur la recevabilité de la proposition de loi sur l'abrogation de la réforme des retraites.

Avec un objectif pour la macronie: faire en sorte que ce texte qui défend le retour à l'âge de départ à 62 ans ne puisse pas être examinée le 8 juin prochain dans l'hémicycle.

"Plusieurs collègues (...) m'ont fait part de leurs interrogations quant à sa conformité aux dispositions" de la Constitution, écrit ainsi Fadila Khattabi (Renaissance) dans une lettre que s'est procurée LCP et dont BFMTV a pris connaissance.

L'espoir de l'article 40 pour Renaissance

La manœuvre contraint légalement le numéro 1 de la très puissante commission des Finances à s'emparer du sujet. La majorité, qui tente de tourner la page des retraites, veut à tout prix éviter le débat sur ce texte défendu par le groupe Liot qui réunit des centristes, des anciens socialistes et d'ex-macronistes.

Pour éviter l'adoption de ce texte qui veut mettre fin à la retraite à 64 ans, plusieurs pontes de la majorité défendent le recours à l'article 40 de la Constitution.

Cette disposition permet aux parlementaires de questionner la recevabilité financière d'un texte. "Elle interdit toute création ou aggravation d’une charge publique et n’autorise la diminution d’une ressource publique que dans la mesure où elle est compensée par l’augmentation d’une autre ressource", explique le site de l'Assemblée nationale.

Si cette proposition de loi créée bien 15 milliards d'euros de charges publiques supplémentaires, elle est également financée par une taxe sur le tabac et renvoie à l'organisation d'une "grande conférence de financement" pour "envisager de nouvelles pistes de financement" des caisses de retraite.

Une proposition déjà jugée recevable

La proposition de loi a d'ailleurs été jugée recevable au titre de l'article 40 de la Constitution par le bureau de l'Assemblée le 25 avril.

Si revenir en arrière reste techniquement possible, cette décision revient, selon le règlement de l'Assemblée nationale, au président de la commission des Finances, l'insoumis Eric Coquerel.

La possibilité que le député LFI juge cependant la proposition de loi irrecevable semble cependant bien mince.

"Je vais regarder si cette loi prévoit oui ou non une compensation par rapport aux dépenses. Mais j'observe déjà qu'il y a un gage (un financement, NDLR). J'observe qu'il y a une conférence de financement du régime de retraites qui est prévue dans cette loi", a expliqué Éric Coquerel mi-mai.

Mais le diable se cache dans les détails. Si l'usage veut bien que ce soit le président de la commission des Finances qui se prononce, une autre possibilité est prévue par le règlement intérieur: celle de demander son avis au rapporteur général Jean-René Cazeneuve (Renaissance). En cas de conflit, inédit jusqu'ici, le règlement ne tranche pas sur la suite.

De quoi mettre la pression sur Yaël Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale. "Elle ne veut pas céder", assure cependant une députée de la majorité. La patronne du Palais-Bourbon devrait ensuite transmettre la proposition de loi à la commission des affaires sociales qui l'examinera le 31 mai et devrait probablement l'adopter.

Vote bloqué et obstruction possibles

De quoi pousser la macronie à fourbir ses armes pour son arrivée dans l'hémicycle avec une carte possible pour bloquer un vote positif: celle de l'obstruction. Les débats pour examiner ce texte doivent impérativement se finir à minuit. Autrement dit, Renaissance peut être tentée de ralentir les discussions en multipliant les amendements.

En l'état, la majorité n'a cependant pas prévu de dégainer cette cartouche. Le président Emmanuel Macron s'était d'ailleurs montré ouvert au débat sur le texte. "Ce sera l'occasion de continuer à expliquer notre projet", avait-il expliqué dans les colonnes de L'Opinion mi-mai. Sylvain Maillard, le vice-président du groupe à l'Assemblée nationale a, lui, dénoncé "une arnaque" ce week-end.

Thomas Soulié et Marie-Pierre Bourgeois