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Politique

Nos otages n’ont pas de prix… mais il faut le payer

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Comme souvent après une libération d’otages, un débat s’engage en France sur la question d’une éventuelle rançon. Une controverse inutile et dangereuse.

C’est la différence entre une démocratie et les fanatiques. Nous attachons une valeur supérieure à la vie humaine. C’est pour cela que ces groupes terroristes prennent en otages nos ressortissants. Pour nous, leur vie n’a pas de prix et pour eux, elle en a un. Donc nous n’avons pas d’autre choix que de satisfaire leurs revendications. En faire un sujet de polémique est à la fois stupide et vain: la libération d’otages n’obéit pas à des critères moraux et de toute façon, la plupart de nos concitoyens sont d’accord avec cela – la plupart des Français préfèrent sans doute ne pas le savoir et ils ont raison.

Les médias ont-ils tort d'en faire un sujet d

C’en est une. Mais la question des otages pose la question de la légitimité de l’information. Pas au nom du secret d’Etat – les medias n’ont pas à s’y soumettre. Plutôt au nom de l’efficacité : parler de rançon, avancer des montants, c’est favoriser la surenchère chez les terroristes ; ça fait augmenter le prix des otages et diminuer les marges de négociation. Il y a aussi une question de rigueur journalistique : le Monde affirme qu’une rançon a été versée mais mentionne une seule source – a priori, une source unique ne fait pas une information fiable. On est plutôt dans une course au scoop malsaine que dans la recherche d’une vérité légitime.

Mais est-ce qu'on doit laisser le gouvernement nier alors que tous les experts de ces questions expliquent qu'il y a forcément eu des contreparties ?

Le gouvernement aussi a tort d’en parler : lui aussi devrait s’astreindre au secret – au moins pour éviter d’avoir à mentir. Quand François Hollande (comme Nicolas Sarkozy) proclame que la France ne verse plus de rançon, c’est : 1. cruel vis-à-vis des familles d’otages ; 2. mesquin, puisque ça veut dire qu’avant, on payait ; 3. hypocrite parce qu’il joue sur les mots. Il y a forcément des monnaies d’échanges – qui ne sont pas toujours en monnaie mais qui permettent l’échange : des gestes politiques, des libérations de prisonniers. Nier cette évidence, c’est imprudent envers les ravisseurs et mensonger envers les citoyens. Ce qui fait deux raisons de se taire.

Le gouvernement affirme aussi qu'il n'y a aucun lien entre la libération des otages et les nouvelles opérations militaires au Mali. Sur ce point-là, est-ce qu'on peut le croire ?

A la vérité, on n’en sait pas plus sur ce qui se passe au Mali que sur les conditions de la récupération de nos otages – curieusement, on se montre moins soupçonneux sur un sujet que sur l’autre. La communication gouvernementale affirme depuis des mois que nos soldats ont tué 700 terroristes au Mali ; on n’en a pas eu la moindre preuve mais c’est devenu une vérité officielle. Plutôt que de chercher à savoir, au cas particulier, quel prix la France a payé les otages, il faudrait peut-être s’obliger, d’une façon générale, à ne pas prendre la propagande militaire pour argent comptant.

Hervé Gattegno