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Nicolas Sarkozy prépare sa défense sur le triple A

Face à la perspective d'une dégradation de la note souveraine de la France, Nicolas Sarkozy a commencé à préparer sa défense mais des analystes s'interrogent sur sa stratégie de communication, à quatre mois de l'élection présidentielle. /Photo prise le 25

Face à la perspective d'une dégradation de la note souveraine de la France, Nicolas Sarkozy a commencé à préparer sa défense mais des analystes s'interrogent sur sa stratégie de communication, à quatre mois de l'élection présidentielle. /Photo prise le 25 - -

par Emmanuel Jarry PARIS (Reuters) - Face à la perspective d'une dégradation de la note souveraine de la France, Nicolas Sarkozy a commencé à...

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - Face à la perspective d'une dégradation de la note souveraine de la France, Nicolas Sarkozy a commencé à préparer sa défense mais des analystes s'interrogent sur sa stratégie de communication, à quatre mois de l'élection présidentielle.

Après avoir brandi pendant des mois le spectre de la perte du triple A français comme un épouvantail, le président de la République et son gouvernement ont radicalement changé de ton ces dernières semaines : cette dégradation, disent-ils en substance, ne serait pas le cataclysme jusqu'ici décrit.

"C'est de la pure communication. Ce changement de ton traduit l'inquiétude du gouvernement, qui avait d'abord refusé d'admettre la situation", commente Philippe Waechter, directeur de la recherche économique à Natixis Asset Management.

Parallèlement à ce "rétropédalage" en règle, le chef de l'Etat, ses ministres et les dirigeants de la majorité ont commencé à mettre en place une triple ligne de défense.

La première consiste à s'efforcer de démontrer que si la note de la France est dégradée, ce n'est pas tant en raison de sa situation propre que de la crise de la zone euro et de son impact sur l'équation budgétaire et économique de l'ensemble des pays membres, Allemagne comprise.

La deuxième consiste à tenter de faire diversion en attirant l'attention vers la situation de pays dont les fondamentaux sont a priori moins bons que ceux de la France mais qui bénéficient d'une supposée mansuétude des agences de notation.

Il s'agit en l'occurrence essentiellement de la Grande-Bretagne, qui a en outre commis le pêché d'être le seul pays de l'Union européenne à rejeter le compromis du 9 décembre sur un nouveau traité renforçant la gouvernance de la zone euro.

"ERREUR DE COMMUNICATION"

La troisième ligne de défense consiste à accuser François Hollande, non seulement de ne pas être l'homme de la situation mais aussi d'alimenter les préventions à l'encontre de la France par son programme et ses déclarations.

Mais les avis sur la stratégie de communication du président de la République et du gouvernement divergent.

L'ex-ministre UMP de la Défense et des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie a jugé "peu pédagogique" la manière dont Nicolas Sarkozy et ses ministres ont d'abord dramatisé les enjeux faisant du triple A un acquis à préserver à tout prix.

"Ça m'est apparu comme (...) une erreur de communication", a-t-elle déclaré dimanche sur Europe 1.

"Il y a trois mois, les Français ne savaient pas ce qu'était le triple A", a souligné Michèle Alliot-Marie.

Le résultat de cette dramatisation se lit dans un sondage réalisé par l'Ifop pour Sud-Ouest Dimanche, selon lequel 66% des Français estiment désormais que la perte du triple A aurait des "conséquences grave".

Pour le dirigeant de l'Ifop Frédéric Dabi, le changement de ton du gouvernement ne fait qu'aggraver les choses.

"Avec le battage et la dramatisation autour de la perte du triple A et maintenant le rétropédalage sur le thème 'ce n'est pas si grave' l'opinion ne s'y retrouve pas et il y a maintenant une inquiétude réelle, qui est même majoritaire à droite", a-t-il expliqué à Reuters.

Pour Philippe Waechter, l'erreur de communication réside bien dans ce changement de ton, qui accrédite, selon lui, le fait que Nicolas Sarkozy et le gouvernement ont perdu la bataille du rapport de force avec les agences de notation.

"Crier au loup reste l'atout principal de Nicolas Sarkozy", renchérit Gaël Sliman, de l'institut de sondage BVA. "L'erreur de communication vient de ceux qui essayent de relativiser."

"Il faut choisir : si on a expliqué aux gens pendant un an que c'était extrêmement grave - et ils l'ont retenu - il ne faut pas expliquer aujourd'hui que ce n'est pas grave", ajoute-t-il.

RESPONSABILITÉ CONTRE CRÉDIBILITÉ

Pour ces analystes, il ne fait guère de doute que la perte du triple A affaiblirait la posture de "capitaine dans la tempête" cultivée par Nicolas Sarkozy, même si cela dépend in fine du sort réservée à la France par les agences de notation par rapport aux autres pays de l'euro, dont l'Allemagne.

"Si la France et l'Allemagne sont dégradées de la même façon, ce sera un non événement", estime ainsi l'économiste Christian Saint-Etienne. "Mais si la note française est dégradée d'un cran de plus que la note allemande, ce sera une claque significative pour Nicolas Sarkozy."

Toutefois, la perte du triple A serait tout autant une mauvaise nouvelle pour le candidat socialiste à l'élection présidentielle que pour le chef de l'Etat, probable candidat à un second mandat, estiment les mêmes analystes.

"Elle poserait pour Nicolas Sarkozy la question de la responsabilité et pour François Hollande celle de la crédibilité", explique ainsi Dominique Reynié, professeur à l'Institut de sciences politiques de Paris et directeur général de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol).

"Elle pourrait en outre favoriser les partis contestataires en alimentant le sentiment de l'impuissance des partis de gouvernement", ajoute-t-il.

Pour Philippe Waechter, il sera certes difficile pour le gouvernement en place "de dire, 'regardez mon bilan comme il est bon'" mais le Parti socialiste devra également "remodeler profondément son scénario".

Avec Yann Le Guernigou, édité par Clément Guillou