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Municipales: Édouard Philippe, Premier ministre en campagne en dépit des critiques

Édouard Philippe au Havre lors des élections législatives de juin 2017.

Édouard Philippe au Havre lors des élections législatives de juin 2017. - CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Après plusieurs mois d'un suspense relatif, le chef du gouvernement a annoncé qu'il se présenterait en tête de liste dans la ville qui l'avait élu en 2014.

Il avait indiqué qu'il ferait part de son choix d'ici la fin du mois de janvier. Édouard Philippe a attendu le dernier jour pour lever le voile sur ses intentions et déclarer sa candidature en tant que tête de liste aux municipales au Havre, auprès de Paris-Normandie.

Il n'est pas le premier mais le quatrième Premier ministre en exercice de la Ve République à se frotter à ce scrutin, après Jacques Chaban-Delmas et Alain Juppé à Bordeaux et Pierre Mauroy à Lille. Des candidatures jusque-là toutes couronnées de succès.

"Dans une démocratie, le fondement de la légitimité, c'est l'élection", a fait valoir l'occupant de Matignon dans les colonnes de Paris-Normandie. Et qu'importe si on lui reproche de ne pas être entièrement à sa tâche de chef de gouvernement: "Nos concitoyens ne veulent surtout pas de responsables politiques hors-sol. Je suis heureux de pouvoir me confronter à nouveau au suffrage universel et je pense que c'est très sain", justifie-t-il.

Un contexte social qui interroge

La candidature d'Édouard Philippe n'est pas une réelle surprise au Havre, ville où il est élu depuis 2001 et dont il a été maire de 2014 jusqu'à son entrée au gouvernement en 2017. Depuis plusieurs mois, il donnait à entendre une petite musique quant à une candidature dans la sous-préfecture de Seine-Maritime, se rendant régulièrement dans la commune, à titre privé ou public. En septembre, il avait aussi déclaré que ses "tripes", qui sont aussi celles d'un arrière-petit-fils de dockers, avaient "un goût d'eau salée".

Le contexte politique et social interroge toutefois, car la campagne des municipales se télescope avec la contestation de la réforme des retraites, continue depuis le 5 décembre dernier. Une réforme dans laquelle Édouard Philippe est en première ligne, pour laquelle il ferraille actuellement avec les syndicats avec l'ouverture de la conférence de financement de la réforme jeudi. Au Havre, la contestation a toutefois été importante, notamment parmi les dockers.

"Je ne suis pas sûr que le contexte national change beaucoup de choses pour la campagne qui va s'ouvrir ici au Havre", a cependant estimé sur BFMTV Jean-Baptiste Gastinne, l'actuel maire LR de la ville. "C'est une campagne municipale, les enjeux sont municipaux, ils concernent l'avenir du Havre".

L'opposition s'agace de la démarche

"Ça en dit beaucoup sur la fébrilité de La République en marche qui a peur de ne pas gagner de mairie tant leur personnel politique n'est pas au niveau de ces élections municipales, et qui déguise des Républicains (...) ou des élus socialistes en marcheurs", a pour sa part estimé Sébastien Chenu, le porte-parole du parti de Marine Le Pen, sur France 2.

L'eurodéputé EELV Yannick Jadot n'avait pas de mots assez durs ce vendredi pour critiquer la décision d'Édouard Philippe. Pour lui, il est "profondément scandaleux" qu'il se présente comme tête de liste alors que la France est "en burn-out social", a-t-il tancé sur Europe 1. "Est-ce que le boulot de Premier ministre est un boulot à mi-temps?", s'est interrogé Yannick Jadot. "Il se fout des Havraises et des Havrais et se moque des Françaises et des Français."

"Les commentateurs commenteront, ils adorent cela... Ce n'est pas mon sujet. Je veux parler du Havre et de ce que je veux faire pour la ville", avait anticipé Édouard Philippe.

Risque de télescopage des agendas

Pour le politologue Bruno Cautrès, le fait qu'un Premier ministre soit en même temps candidat aux municipales n'est pas incompatible, a-t-il estimé sur BFMTV, rappelant que "d'autres l'ont fait avant". Toutefois, pour le chercheur au Cevipof, cette candidature pourrait "très rapidement poser au Premier ministre des problèmes de hiérarchisation de son agenda", notamment du fait de la conférence de financement du système des retraites, encore balbutiante.

"Il n'y aura pas besoin de se taper du porte-à-porte matin, midi et soir", balayait son entourage jeudi, cité par Le Parisien. "S'il y va, ce sera une campagne essentiellement organisée le week-end."

Même en cas de victoire, il compte rester à Matignon

Du fait du non-cumul des mandats, s'il était réélu au Havre, Édouard Philippe ne démissionnera pas du gouvernement, mais pourrait proposer que l'actuel maire Les Républicains, Jean-Baptiste Gastinne, continue à occuper le fauteuil de l'édile havrais. "Si les Havrais me font confiance, j'ai vocation à redevenir maire et je redeviendrai maire quand ma mission à Matignon s'achèvera", a ajouté Édouard Philippe ce vendredi au micro de France Bleu Normandie.

En 2014, Édouard Philippe avait été élu au premier tour avec un peu plus de 50% des suffrages. Vivra-t-il un second tour cette année? Officiellement, sa campagne commence ce vendredi, avec un meeting dans la ville dont il brigue la première magistrature.

Clarisse Martin