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Moralisation de la vie publique: les ministres bientôt sanctionnés pour leurs dépenses indues?

En 2015, le comptable du ministère de la Justice avait été sanctionné pour des dépenses indues, pas son ministre, Rachida Dati.

En 2015, le comptable du ministère de la Justice avait été sanctionné pour des dépenses indues, pas son ministre, Rachida Dati. - AFP

René Dosière, député PS de l'Aisne, a présenté lundi matin une série de propositions destinées à moraliser la vie publique et la rendre plus transparente, alors que le nouveau gouvernement a assuré qu'une loi serait présentée avant les législatives.

Le texte doit être sur la table du conseil des ministres avant les élections législatives de juin prochain. Nommé depuis moins d'une semaine, François Bayrou, le nouveau ministre de la Justice, a reçu ce lundi les associations anticorruption, Anticor et Transparency International, pour préparer son projet de loi sur la moralisation de la vie publique, projet au cœur de son alliance électorale avec Emmanuel Macron. Peu auparavant, René Dosière, député apparenté PS, auteur de douze propositions, s'est entretenu avec le garde des Sceaux.

Partisan depuis son premier mandat en 1988 de plus de transparence dans la vie publique, le parlementaire propose une refonte du système à tous les étages: révision du financement des partis, limitation du cumul des mandats dans le temps des députés, fin des "emplois familiaux" mais aussi, entre autres, la mise en place de la "responsabilité financière des gestionnaires publics". Ainsi, les ministres, mais aussi les membres de cabinets et titulaires de fonctions exécutives locales (maires, présidents de conseils départementaux ou régionaux...) pourraient avoir à rendre des comptes sur leur gestion des deniers publics, si celle-ci ne respectait pas les règles.

Fin de l'"irresponsabilité" des ministres

"Aujourd'hui, quand les règles de dépenses de l'argent public ne sont pas respectées, les ordonnateurs ne sont pas sanctionnés", note pour BFMTV.com René Dosière, qui veut mettre en cause "directement" les décisionnaires. Profitant d'un régime d'"irresponsabilité", les gestionnaires publics se différencient des comptables publics. Le premier donne l'ordre de dépenser l'argent public, le second exécute la commande.

Or, jusqu'ici, seul les comptables publics peuvent être sanctionnés pour ces dépenses indues, qui ne sont pas dans l'intérêt de la collectivité ou qui ne respectent pas les procédures. "Cela repose sur le strict principe de séparation prévu par le droit des finances publiques", détaille Jean-Christophe Picard, président d'Anticor.

En 2015, la Cour des comptes avait condamné le comptable en chef du ministère de la Justice dans l'affaire dite des foulards. Le fonctionnaire avait été reconnu coupable de "manquement" ayant causé "un préjudice financier à l'Etat" après la découverte, notamment, de 9.000 euros de dépenses par la Chancellerie destinés à l'achat, essentiellement, de foulards Hermès. La garde des Sceaux de l'époque, Rachida Dati, qui parlait alors d'"attaques mensongères", avait échappé à toute sanction financière.

Seulement huit condamnations en 2016

Actuellement, la cour de discipline budgétaire et financière peut décider de ces sanctions financières. L'institution, composée de magistrats de la Cour des comptes et de membres du Conseil d'Etat, est compétente pour juger des infractions commises en matière de finances publiques, sauf quand elles concernent les ministres ou les élus locaux. "L'an dernier, la cour a prononcé huit arrêts", indique le président d'Anticor, qui décrit une structure à laquelle "les ailes ont été coupées". Avec cette loi, René Dosière propose l'application d'une amende dont le montant maximal pourrait atteindre, selon le degré de gravité, entre la moitié et la totalité de la rémunération annuelle des personnes concernées.

Le député apparenté PS et les associations anticorruption souhaitent en réalité remettre au goût du jour un projet de loi de décembre 2011, resté inabouti, portant sur la "réforme des juridictions financières". Un des articles prévoit que tous les gestionnaires publics deviennent responsables en cas de mauvaise gestion financière. Le texte prévoit même qu’ils soient responsables s’ils ont donné un ordre, même oralement, indique le site Wikiterritorial. Il resterait, si la proposition était retenue et la loi votée, à déterminer l'institution qui serait en charge d'appliquer un contrôle.

Justine Chevalier