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Entre alliance avec LaREM et marchandages locaux, quel rôle pour le MoDem aux municipales?

François Bayrou et Emmanuel Macron le 10 mai 2018

François Bayrou et Emmanuel Macron le 10 mai 2018 - AFP - Ludovic Marin

Allié à La République en marche à l'Assemblée nationale et au gouvernement, le parti de François Bayrou va jouer sa propre partition dans les villes où il compte des élus municipaux, en cogestion aussi bien avec des maires de gauche que de droite.

Il y a des villes où on ne peut pas se permettre de faire certaines blagues. À Pau, dans un moment de fantasme, des marcheurs locaux auraient imaginé un scénario dans lequel la macronie présenterait un candidat aux municipales de 2020... face à François Bayrou, maire sortant. Comme l'a souligné L'Opinion, qui a évoqué cette hypothèse, cette dernière a fait très long feu. 

Elle illustre toutefois la situation délicate, ou du moins inédite, à laquelle sera confrontée l'alliance entre La République en marche et le MoDem d'ici quelques mois. D'un côté, le parti présidentiel doit tisser un maillage territorial afin de subsister et élargir l'assise politique d'Emmanuel Macron. Une condition sine qua non de la multiplication, pour LaREM, de ces "capteurs locaux" qui lui ont fait si cruellement défaut durant la crise des gilets jaunes. 

"Il y a des arbitrages à faire"

De l'autre, le partenaire "historique" de LaREM, déjà implanté dans de nombreuses villes de France, compte bien préserver sa toile, faite de plusieurs centaines de conseillers municipaux élus en 2008 puis en 2014. Ici et là, le MoDem aura intérêt à faire chambre commune avec des maires sortants socialistes ou Les Républicains "pragmatiques". Quitte à laisser des marcheurs sur le carreau.

Ce constat stratégique génère de la friture sur la ligne entre la rue Sainte-Anne et la rue de l'Université, lieux respectifs des QG de LaREM et du parti de François Bayrou. "Il y aura de la friture si on veut mettre toutes les villes à la même sauce", prévient un pilier du groupe macroniste à l'Assemblée nationale. Lors des dernières législatives, la zizanie a bien failli triompher au moment des investitures.

"Il y a des arbitrages à faire, avec des désaccords. Ça crée le débat, ça n'a rien d'étonnant. L'été fera du bien à tout le monde. Il ne faut pas que les municipales soient un scrutin d'étiquettes", complète auprès de BFMTV.com Sarah El Haïry, députée MoDem de Loire-Atlantique et porte-parole du parti. 

Son collègue Jean-Baptiste Moreau, député LaREM de la Creuse, est sur la même longueur d'ondes: 

"On a abordé le sujet avec Marc Fesneau (ministre des Relations avec le Parlement et proche de François Bayrou). Il a été convié à notre réunion de groupe pour en discuter, parce qu'il peut y avoir du conflit. Il faut apaiser les choses au niveau local pour éviter que les problèmes ne remontent au niveau national", nous expose-t-il.

"On a quelques trous dans la raquette"

Certains cas de figure illustrent bien la méthode du "deal" à l'échelle locale, comme par exemple la ville de Dijon, où le MoDem siège dans la majorité du maire PS sortant François Rebsamen. Dans Le Journal du Dimanche, son premier adjoint François Deseille, chef de file du MoDem en Côte-d'Or, déclare qu'il n'y a "aucune raison de rompre" ce "contrat" à l'occasion des prochaines municipales. D'autant que, si l'ancien ministre de François Hollande se représente (ce qu'il n'a pas encore confirmé), il y a fort à parier que l'étiquette socialiste, démonétisée, se fera très discrète. Si ce n'est invisible. 

"Notre but, c'est de préserver et étendre, parce que 2014 (les dernières municipales) ce n'était pas un bon cru pour nous. On a quelques trous dans la raquette", constate Jean-Jacques Jégou, trésorier du MoDem. 

Pour combler ces trous ou ne pas en rajouter, il faudra se préparer à casser un peu de vaisselle. Notamment à Bordeaux, où le MoDem est un partenaire essentiel de la majorité sortante, menée par le successeur d'Alain Juppé, Nicolas Florian. Côté LaREM, Thomas Cazenave, délégué interministériel auprès d'Édouard Philippe, tâte pourtant le terrain bordelais depuis des mois. L'hypothèse d'une candidature dissidente va vite devoir être tranchée par la Commission d'investiture du parti présidentiel.

"À Bordeaux, LaREM veut exister alors qu'on pourrait faire sans eux avec Nicolas Florian. Ça fait partie des points de friction qui, à mon avis, ne se régleront pas d'ici l'échéance", glisse un proche de François Bayrou auprès de BFMTV.com, évoquant en creux la bataille pour s'emparer de villes symboliques.

Sac de nœuds

Les situations varient toutefois. À Saint-Etienne, le MoDem est allié à l'édile LR sortant, mais le LaREM Jean-Louis Gagnaire veut se présenter contre lui; à Quimper, le maire LR a rejoint Agir et vise l'investiture LaREM, ce qu'apprécie moyennement le MoDem; à Melun, une députée MoDem envisage de se présenter contre le maire Agir qui brigue, comme elle, le label LaREM. Un vrai sac de nœuds. 

Dans d'autres villes, les choses paraissent plus simples. À Versailles, le maire divers droite François de Mazières, proche de François-Xavier Bellamy, s'est récemment déclaré "Macron-compatible localement" auprès du JDD. Cela n'empêche pas le MoDem de poser ses conditions: 

"La présence de types issus de Sens commun dans la majorité de Mazières nous rebute un peu. On va lui demander d'être raisonnable là-dessus. Nos amis de LaREM sont du même avis", assure un cadre centriste. 

Marchandages

In fine, les situations se dénoueront au cas par cas. Tant que l'entente "cordiale" à Paris est préservée, l'essentiel est sauf. Le même cadre du MoDem se veut optimiste:

"La situation nous est plutôt favorable. Avec l'effondrement des partis classiques, les maires sortants non-LaREM sont anxieux. Ceux avec qui on bosse bien, on leur dit: 'Toi tu veux garder ton siège, nous on est bien dans la majorité'. Puis on leur fait comprendre que désormais, on n'est plus qu'une force d'appoint. On veut être de vrais partenaires. Et de l'autre côté, on fait quand même partie de la majorité présidentielle. C'est un truc de marchands de tapis, mais c'est comme ça."

Plus ancrés, les élus municipaux du MoDem peuvent miser sur leur bilan. Et, ce faisant, calmer les ardeurs de certains marcheurs.

"On est extrêmement implantés et on a une image d'élus besogneux. On ne cherche pas de trophées, à 'prendre' des grandes villes. Chez LaREM, ils veulent des trophées. C'est ça qui excite les débats", résume un pilier du parti centriste.
Jules Pecnard