BFMTV
Politique

Merkel et Hollande contraints au compromis sur la croissance

François Hollande et Angela Merkel, ici lors du sommet de l'OTAN à Chicago, tâcheront de trouver un terrain d'entente sur la question très controversée des euro-obligations lors du Conseil européen de mercredi. /Photo prise le 21 mai 2012/REUTERS/Jeff Hay

François Hollande et Angela Merkel, ici lors du sommet de l'OTAN à Chicago, tâcheront de trouver un terrain d'entente sur la question très controversée des euro-obligations lors du Conseil européen de mercredi. /Photo prise le 21 mai 2012/REUTERS/Jeff Hay - -

PARIS (Reuters) - La volonté de François Hollande d'évoquer les très controversées euro-obligations lors du Conseil européen de mercredi suscite des...

La volonté de François Hollande d'évoquer les très controversées euro-obligations lors du Conseil européen de mercredi suscite des remous qui devraient s'apaiser devant l'obligation de résultat à laquelle est soumis le couple franco-allemand. Les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-sept se réunissent à Bruxelles de manière informelle pour préparer le sommet européen de juin prochain, où des décisions doivent être prises pour relancer la croissance dans la zone euro.

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié mardi des prévisions économiques qui insistent sur l'ampleur de la menace que fait peser une éventuelle sortie de la Grèce de la monnaie unique et une possible contagion. "Après un répit en fin d'année dernière, la crise de la zone euro s'est faite plus sérieuse récemment et demeure la plus importante source de risque pour l'économie mondiale", souligne le chef économiste de l'OCDE, Pier Carlo Padoan. L'institution parisienne appelle les dirigeants européens à mettre la croissance au même niveau de priorité que la réduction des déficits, les prévisions de hausse de l'activité étant relativement sombres pour le Vieux Continent.
En France, l'OCDE prédit une croissance de 0,6% en 2012 et de 1,7% en 2013, loin derrière l'hypothèse de 1,7% retenue par le gouvernement socialiste dans son programme économique. Le nouveau président avait, pendant sa campagne électorale, présenté des propositions relativement consensuelles au niveau européen pour relancer l'activité.

Sujet sensible en Allemagne

Il y était question de mobilisation en faveur des PME des 80 milliards d'euros de fonds structurels européens non utilisés, de lancement d'euro-obligations pour financer des grands projets d'infrastructures et d'une augmentation des capacités de prêt de la Banque européenne d'investissement (BEI). Même si ces mesures ne sont pas susceptibles de doper la croissance à court terme, elles sont étudiées depuis plusieurs mois à Bruxelles, comme l'a rappelé le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, dans une lettre adressée lundi aux dirigeants européens avant le sommet de mercredi.

Si les Européens se sont concentrés jusqu'ici sur l'adoption d'un traité de discipline budgétaire, "le temps est venu de mettre plus l'accent sur les mesures plus directement liées à l'encouragement de la croissance et de l'emploi, dans la foulée de notre sommet de janvier", a-t-il écrit. François Hollande avait quant à lui indiqué qu'il pourrait renoncer à son exigence d'une renégociation du traité de discipline budgétaire s'il obtenait satisfaction sur la croissance dans un texte séparé, tout en s'engageant à redresser les finances publiques françaises. Le nouveau président est toutefois revenu mardi dernier lors de sa rencontre avec la chancelière allemande Angela Merkel sur une revendication qui était passée à l'arrière-plan ces dernières semaines, le lancement d'euro-obligations non pas pour financer des projets mais pour mutualiser la dette.
Or, ce sujet touche une corde sensible en Allemagne, où l'on ne veut pas offrir une assurance tout risque à des pays comme la Grèce, qui pourraient alors emprunter à des taux très bas, ce qui allègerait la pression pour mener à biens les réformes. "C'est la mauvaise prescription, au mauvais moment avec les mauvais effets secondaires", a déclaré à la radio allemande le ministre-adjoint allemand aux Finances, Steffen Kampeter. Un responsable allemand a réaffirmé cette position mardi, soulignant que la position allemande ne changerait pas.

"Il n'est pas trop tôt pour penser à l'avenir"

La ministre autrichienne des Finances, Maria Fekter, a quant à elle qualifié d'"absurdes" les idées d'euro-obligations. "De la croissance financée par de la dette ? Ce sont des recettes d'avant-hier. Les arguments que développe François Hollande sont absurdes (...)", dit-elle, citée par un journal autrichien. Pour l'Allemagne, qui a déjà dû accepter des entorses au traité de Maastricht, qui interdit formellement le sauvetage de pays comme cela a été le cas avec le plan grec, et les actions de la Banque centrale européenne (BCE) en faveur des banques, accepter de tels mécanismes est politiquement impossible.

François Hollande, qui dispose toutefois de soutiens au sein de l'UE, a d'ailleurs pris soin de souligner qu'il n'entendait pas entrer en conflit avec l'Allemagne sur ce point. "Je suis dans une démarche ou je n'interdis à personne de porter des propositions. De la même manière que je parle des eurobonds il est légitime que les Allemands parlent des réformes structurelles", a-t-il dit lundi lors de la conférence de presse finale du sommet de l'Otan de Chicago. Herman Van Rompuy s'est efforcé de déblayer le terrain pour éviter tout affrontement lors du Conseil européen de mercredi.
Toutes les idées, "même les plus controversées", doivent pouvoir être évoquées, a-t-il écrit dans sa lettre. "Dans ce contexte, je pense aussi qu'il ne devrait pas y avoir de tabou en ce qui concerne les perspectives à long terme. Il n'est pas trop tôt pour penser à l'avenir et réfléchir à de possibles changements plus fondamentaux à l'intérieur de l'UEM (Union économique et monétaire)", a-t-il ajouté. Le président du Conseil européen replace ainsi le débat dans un contexte qu'Angela Merkel est prête à accepter selon plusieurs de ses proches : les euro-obligations peuvent être un instrument utilisable une fois que tous les pays de la zone euro auront remis de l'ordre dans leurs finances publiques. C'est ce délicat équilibre que Paris et Berlin, qui se sont engagés à présenter des propositions communes au Conseil européen de juin, devront trouver dans les semaines à venir, d'autant plus que la crise grecque les force à s'entendre.